Friedrich Loeffler Institute (FLI)
Namibia utilises One Health for rabies control including oral rabies vaccines for dogs
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Rage

5 juin 2024

 

Principaux faits

  • La rage est un grave problème de santé publique dans plus de 150 pays et territoires, principalement en Asie et en Afrique. Il s’agit d’une maladie tropicale virale, zoonotique et négligée qui entraîne des dizaines de milliers de décès chaque année, dont 40 % parmi les enfants de moins de 15 ans.
  • Les morsures et les griffures de chien, à l’origine de 99 % des cas de rage humaine, peuvent être évitées grâce à la vaccination des chiens et à la prévention des morsures.
  • Dès lors que le virus atteint le système nerveux central et les symptômes cliniques apparaissent, l’issue est toujours fatale.
  • Cependant, il est possible d’éviter le décès en instaurant rapidement une prophylaxie post-exposition (PPE) pour empêcher le virus d’atteindre le système nerveux central. La PPE consiste à laver soigneusement des plaies et à administrer un vaccin antirabique et, le cas échéant, des immunoglobulines antirabiques. 
  • En cas de morsure ou de griffure par un animal potentiellement enragé, une PPE doit systématiquement être instaurée.
  • L’OMS et ses partenaires mondiaux visent à mettre fin aux décès humains dus à la rage transmise par les chiens grâce à une approche globale « Une seule santé » qui repose sur la vaccination de masse des chiens, l’accès à la PPE, la formation des soignants, l’amélioration de la surveillance et la prévention des morsures en sensibilisant les communautés.   

Vue d’ensemble

Rage d’origine canine

La rage est une zoonose virale à prévention vaccinale qui touche le système nerveux central. Les chiens sont responsables de la transmission du virus dans 99 % des cas de rage humaine. Les enfants âgés de 5 à 14 ans sont des victimes fréquentes.

Le virus de la rage infecte les mammifères, y compris les chiens, les chats, le bétail et les animaux sauvages.

La rage se transmet à l’être humain et à l’animal par la salive, généralement en cas de morsures, d’égratignures ou de contact direct avec les muqueuses (par exemple, avec les yeux, avec la bouche ou avec une plaie ouverte). Dès lors que les symptômes cliniques apparaissent, la rage est mortelle dans pratiquement 100 % des cas.

Le coût mondial de la rage est estimé à environ 8,6 milliards de dollars des États-Unis (USD) par an, compte tenu des décès et de la perte de moyens de subsistance, du coût des soins médicaux et des dépenses associées, auquel s’ajoutent des traumatismes psychologiques dont il est impossible d’estimer le coût.

La rage est présente sur tous les continents, sauf l’Antarctique. On estime à 59 000 le nombre de décès dus à la rage chaque année dans le monde ; cependant, les cas étant sous-notifiés, il y a souvent un écart entre le nombre de cas avérés et les estimations. 

La rage est une maladie tropicale négligée (MTN) qui touche principalement les populations marginalisées. Bien qu’il existe des vaccins et des immunoglobulines à usage humain efficaces, ces produits sont souvent inaccessibles ou inabordables pour les personnes qui en ont besoin.

En 2018, le coût moyen estimé de la prophylaxie post-exposition (PPE) contre la rage était de 108 USD (auxquels il faut ajouter les frais de déplacement et la perte de revenus), ce qui peut représenter une lourde charge financière pour les personnes qui gagnent à peine 1 à 2 USD par jour.

Plus de 29 millions de personnes dans le monde sont vaccinées contre la rage humaine chaque année.

Rage transmise par d’autres animaux que les chiens

Dans les Amériques, où la rage transmise par les chiens est pratiquement maîtrisée, les chauves-souris hématophages sont maintenant la principale source de rage humaine. La transmission par les chauves-souris est aussi une nouvelle menace pour la santé publique en Australie et dans certaines régions d’Europe de l’Ouest.

Les décès humains consécutifs à une exposition à des renards, des ratons laveurs, des mouffettes et d’autres mammifères sauvages sont très rares et l’on ne connaît pas de cas de transmission par des morsures de rongeurs.

Dans certains cas qui ont été décrits, mais sont extrêmement rares, la rage peut être contractée par inhalation d’aérosols contenant le virus, à la suite de la consommation de viande crue ou de lait d’animaux infectés ou après une transplantation d’organes.

La transmission interhumaine par morsure ou par la salive est théoriquement possible, mais n’a jamais été confirmée.

Symptômes

La période d’incubation de la rage est habituellement de deux à trois mois, mais peut aller de moins d’une semaine à un an, en fonction de facteurs tels que le site de pénétration du virus et la charge virale. Les premiers symptômes sont aspécifiques (fièvre accompagnée de douleurs ou de fourmillements, démangeaisons ou sensations de brûlure inexpliqués à l’endroit de la blessure). La propagation du virus dans le système nerveux central entraîne une inflammation progressive et mortelle de l’encéphale et de la moelle épinière. Chez l’être humain, la phase clinique de la maladie peut être prise en charge, mais très rarement guérie, et non sans séquelles neurologiques graves.

Il existe deux formes de rage :

  • La forme furieuse, caractérisée par une hyperactivité, une excitabilité, des hallucinations, des troubles de la coordination, une hydrophobie (peur de l’eau) et une aérophobie (peur des courants d’air ou de l’air frais). Le décès survient en quelques jours par arrêt cardiorespiratoire.
  • La forme paralytique, qui représente environ 20 % du nombre de cas humains. Cette forme de rage est moins spectaculaire que la forme furieuse et son évolution est généralement plus longue. Les muscles se paralysent progressivement, à partir de l’endroit de la blessure. Le coma s’installe lentement et le décès finit par survenir. Les cas de rage paralytique sont souvent mal diagnostiqués, ce qui contribue à la sous-notification de la maladie.

Diagnostic

Il n’existe actuellement aucun outil de diagnostic approuvé par l’OMS pour détecter la rage avant le début de la phase clinique.

Le diagnostic clinique de la rage est difficile à poser si on ne sait pas si la personne a été en contact avec un animal enragé ou s’il n’y a pas de symptômes spécifiques d’hydrophobie ou d’aérophobie.

Une évaluation précise des risques est cruciale pour décider de l’administration d’une prophylaxie postexposition.

Une fois que les symptômes apparaissent et que la mort est inéluctable, il est recommandé de prodiguer des soins palliatifs complets et de faire preuve de compassion.

La rage humaine est confirmée post mortem au moyen de diverses techniques pour détecter le virus entier, les antigènes viraux ou les acides nucléiques dans les tissus infectés (encéphale, peau ou salive).

Dans la mesure du possible, l’animal à l’origine de la morsure doit être testé. 

Prévention

Vaccination des chiens

La vaccination des chiens, y compris les chiots, dans le cadre de programmes de vaccination de masse, est la stratégie la plus rentable pour prévenir la rage chez les humains, car elle permet d’interrompre la transmission à la source.

L’abattage des chiens errants ne permet pas de lutter efficacement contre la rage.

Sensibilisation

En complément des programmes de vaccination antirabique, il est essentiel d’apprendre aux enfants et aux adultes comment les chiens se comportent et comment éviter les morsures, ce qu’il faut faire en cas de morsure ou de griffure par un animal potentiellement enragé et quelles sont les responsabilités d’un propriétaire d’animal de compagnie. 

Vaccination des personnes

Il existe des vaccins efficaces permettant d’acquérir une immunité avant et après une exposition potentielle. Comme indiqué sur la liste des produits médicaux préqualifiés par l’OMS, en 2024, seuls trois vaccins antirabiques à usage humain préqualifiés par l’OMS sont disponibles dans le monde : RABIVAX-S, du laboratoire Serum Institute of India Pvt. Ltd., VaxiRab N, du laboratoire Zydus Lifesciences Limited, et VERORAB, du laboratoire Sanofi Pasteur.

La prophylaxie préexposition (PPrE) est recommandée pour les personnes exerçant un métier à risque (le personnel de laboratoire qui manipule des virus rabiques ou apparentés) et les personnes dont les activités professionnelles ou personnelles peuvent les amener à être directement en contact avec des animaux infectés (le personnel chargé de la lutte contre les zoonoses ou les gardes forestiers).

La PPrE pourrait également être indiquée avant la pratique de loisirs ou avant un voyage dans certaines régions et pour les personnes qui vivent dans des régions éloignées où le risque d’exposition à la rage est élevé et où l’accès aux produits biologiques en lien avec la maladie est limité.

Attention, la PrEP ne dispense pas de la PPE. Il faut instaurer une prophylaxie postexposition pour toute personne exposée à un animal chez lequel la rage est suspectée. 

La prophylaxie post-exposition (PPE) est l’intervention d’urgence indispensable en cas d’exposition à la rage. Elle empêche le virus de pénétrer dans le système nerveux central. La PPE comporte les éléments suivants :

  • nettoyage soigneux des plaies à l’eau et au savon pendant au moins 15 minutes peu après la morsure ;
  • vaccination antirabique complète ; et
  • administration d’immunoglobulines ou d’anticorps monoclonaux antirabiques, si indiqué.

Risque d’exposition et indications de la PPE

En fonction de la gravité de l’exposition, l’administration d’une PPE complète est recommandée, comme suit :

Catégories de contact avec un animal chez lequel la rage est suspectée Mesures de prophylaxie post-exposition
Catégorie I – animal touché ou nourri, léchage de la peau saine (pas d’exposition) Lavage des surfaces cutanées exposées, pas de PPE
Catégorie II – mordillage de la peau nue, griffures ou égratignures superficielles sans saignement (exposition) Nettoyage de la plaie et vaccination immédiate
Catégorie III – morsures ou griffures uniques ou multiples ayant traversé le derme, contamination des muqueuses ou d’une peau érodée par la salive après léchage par un animal, exposition par contact direct avec des chauves-souris (exposition grave). Nettoyage de la plaie, vaccination immédiate et administration d’immunoglobulines/d’anticorps monoclonaux antirabiques

N. B. : Les expositions de catégorie II et III nécessitent l’administration d’un vaccin antirabique. 

Qualité des vaccins 

L’OMS recommande que tous les vaccins antirabiques à usage humain soient conformes aux normes de l’OMS

L’utilisation de vaccins antirabiques de mauvaise qualité a entraîné des échecs en santé publique dans plusieurs pays.

Administration intradermique (ID) ou intramusculaire (IM) du vaccin

Comme indiqué dans les orientations sur l’administration de la PPE, l’OMS recommande de passer de l’administration intramusculaire (IM) à l’administration intradermique (ID) des vaccins antirabiques à usage humain.

L’administration intradermique réduit la quantité de vaccin nécessaire et le nombre de doses et permet donc de faire baisser les coûts de 60 % à 80 %, sans compromettre l’innocuité ni l’efficacité.

S’il y a moins de doses, il est plus probable que les patients suivront le schéma vaccinal recommandé. 

Action de l’OMS

La rage figure sur la Feuille de route pour les maladies tropicales négligées 2021-2030, qui fixe des cibles régionales et progressives pour mettre en œuvre le plan stratégique mondial fixant comme objectif de mettre fin aux décès humains dus à la rage transmise par les chiens à l’horizon 2030 (voir également la stratégie « Zero by 30 »). Cela suppose :

  • d’améliorer l’accès aux vaccins antirabiques à usage humain grâce aux efforts de l’OMS, en partenariat avec Gavi, l’Alliance du vaccin qui a inclus les vaccins antirabiques à usage humain dans sa stratégie d’investissement en faveur des vaccins pour la période 2021-2025 (1). Malgré les retards liés à la pandémie de COVID-19, l’OMS collabore désormais avec Gavi pour mettre en œuvre le programme en 2024 ;
  • de fournir des conseils techniques aux pays pour l’élaboration et la mise en œuvre de leurs plans nationaux destinés à éliminer la rage, en mettant l’accent sur le renforcement de la surveillance et de la notification des cas ;
  • d’encourager les pays à renforcer les capacités de leur personnel relevant de l’approche « Une seule santé » en utilisant les programmes d’élimination de la rage pour favoriser la collaboration multisectorielle ; et
  • de promouvoir l’utilisation du forum multipartite United Against Rabies (UAR) (2), qui a été lancé en collaboration avec l’OMS, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA, anciennement OIE), pour plaider en faveur d’une action et d’investissements dans la lutte contre la rage.