Le 7 octobre, le docteur Noa Rosenfeld-Yehoshua était de service en tant que pédiatre à l’hôpital Assuta Ashdod, à Ashdod (Israël), où elle dirige l’unité de pédiatrie intensive. Avec certains de ses collègues, elle a fait partie des nombreux prestataires de soins de santé et travailleurs intervenus à la suite des attaques du Hamas, qui ont fait quelque 1 400 victimes et blessé plus de 4 600 personnes. Plus de 200 personnes ont été prises en otage.
L’OMS a récemment rencontré le docteur Rosenfeld-Yehoshua à Londres, le jour où elle devait rentrer en Israël après une visite au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Assise aux côtés de sa fille Abigail (8 ans), elle décrit ce qui s’est passé le 7 octobre et l’impact sur la santé mentale de sa communauté et de son pays.
« C’était un jour férié », dit-elle. « J’étais de garde, et je devais aller travailler. En fait, je travaille assez près de Gaza. Le matin, il y a eu des sirènes qui retentissaient encore et encore, des milliers de sirènes. Notre famille s’est réfugiée dans une pièce sécurisée. »
Le temps a passé, les sirènes ne se sont pas arrêtées, et la famille a bientôt appris que le Hamas avait lancé des attaques. Laissant derrière elle ses propres enfants effrayés, le docteur Rosenfeld-Yehoshua s’est immédiatement rendue à l’hôpital : elle devait être en poste ce jour-là.
Avec son équipe d’agents de santé juifs et arabes, elle s’est employée à réconforter les patients et les parents à la recherche de leurs enfants, et à stabiliser l’état de patients gravement blessés.
Le docteur Rosenfeld-Yehoshua décrit l’un des premiers patients qu’elle a rencontrés : une élégante femme de 50 ans portant des lunettes, et encore en pyjama. « Elle était tellement inquiète. Elle était sûre d’avoir une balle dans le bras. Je l’ai examinée et j’ai dit : « Écoutez, ça a vraiment l’air d’aller, je suis vraiment heureuse de vous dire que je pense qu’il n’y a pas de problème. » « Oh, merci beaucoup », m’a-t-elle dit. « Mais vous savez, ma sœur a été abattue. » Et alors j’ai soudain compris que ces personnes avaient traversé quelque chose dont je n’avais jamais été le témoin. »
Travailler côte à côte pour soigner les patients
Le docteur Rosenfeld-Yehoshua explique que, comme le 7 octobre est le jour d’une fête juive, beaucoup de membres du personnel en poste pour réagir aux attaques faisaient partie de communautés arabes.
« Au service des urgences, j’ai vu des médecins d’origines et de religions très différentes, des Juifs, des Arabes, travailler ensemble. Tout le monde essayait de faire face à une situation qui était très, très difficile à gérer pour l’hôpital. »
Tandis qu’ils travaillaient, de nombreux membres du personnel étaient profondément préoccupés par le sort de leurs proches, dont certains les appelaient depuis des pièces sécurisées, craignant pour leur sûreté et pour les réserves de nourriture et d’eau.
« Je viens d’une famille très attachée à la paix », dit-elle. « Ma mère était une grande manifestante pour la paix. Mon père a fait beaucoup de choses, il a toujours travaillé avec les Juifs et les Arabes. C’était une valeur très importante dans notre famille. »
L’impact des attaques sur la santé mentale
Lorsque les sirènes ont retenti, le 7 octobre, Abigail, la fille du docteur Rosenfeld-Yehoshua, s’est abritée pendant 3 jours dans une pièce sécurisée au domicile de sa tante.
Quand l’OMS les a rencontrées, Noa et Abigail venaient de rendre visite à des membres de leur famille à Londres, dans le cadre d’un voyage déjà prévu. Comment Abigail se sent-elle à l’idée de retourner en Israël ?
« J’ai peur », dit la petite fille. « Je ne veux pas dormir dans ma chambre. J’ai trop peur pour dormir dans ma chambre. »
Au sein de la communauté du docteur Rosenfeld-Yehoshua, de nombreux parents ont eu peur de renvoyer leurs enfants à l’école ou même de les quitter des yeux. Pour retrouver une certaine normalité après les attentats, elle a organisé des cours d’art, de théâtre et de piano à son domicile pour les enfants des environs. Parmi ses collègues, il y a aussi un énorme besoin de soutien psychique.
« Je vois le personnel infirmier qui travaille en unité de soins intensifs. Je vois les médecins avec lesquels je travaille. Tout le monde a peur de quitter ses enfants, peur de marcher dans la rue. On n’a jamais connu ça. Les gens redoutent que quelqu’un leur fasse du mal. »
Pour tenter d’expliquer ces sentiments, le docteur Rosenfeld-Yehoshua déclare : « Il est très important de comprendre que, lorsque de telles actions sont commises à l’encontre de personnes qui sont tout à fait comme vous, vous vous rendez compte que votre environnement, que vous croyiez sûr, ne l’est pas du tout. L’inquiétude est telle que vous ne pouvez plus bouger. Vous ne voulez pas laisser vos enfants circuler. C’est important de comprendre que pour arriver à ce que la société israélienne revienne à la normale, nous allons devoir gérer beaucoup de problèmes de santé mentale. »
Depuis les attentats du 7 octobre, invoquant le droit humanitaire international, l’OMS et l’ensemble de la famille des Nations Unies ont demandé la libération immédiate de tous les otages, ainsi qu’une prise en charge médicale rapide, y compris pour les nombreux malades chroniques qui ont besoin de soins médicaux d’urgence. Les conflits et autres situations d’urgence sanitaire peuvent avoir des conséquences durables sur la santé mentale, en particulier lorsque la situation se prolonge.
En outre, l’OMS et ses partenaires des Nations Unies ont appelé à un cessez-le-feu et à un accès libre, sûr et durable à l’aide sanitaire et humanitaire pour la population civile de Gaza. L’OMS condamne les attaques contre des établissements et des agents de santé, quelles que soient les circonstances, et insiste sur le fait que la santé ne peut être une cible.