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Le parcours d’Arūnas : se libérer de l’emprise de l’alcool et de ses méfaits

19 novembre 2025
Quand l’acteur lituanien Arūnas Sakalauskas repense à son enfance, l’alcool était toujours présent, mais jamais de manière positive. Son père buvait beaucoup et, enfant, il a appris à associer l’alcool à des cris, à la honte et à la perte. « Je me suis promis de ne jamais ressembler à mon père », se souvient-il. Il a tenu cette promesse pendant des années.

Mais en Lituanie, comme dans une grande partie de l’Europe, l’alcool est omniprésent. Dans les petites villes, on se fait remarquer quand on ne consomme pas d’alcool. « Si l’on ne boit pas, on est bizarre », se rappelle-t-il. Comme de nombreux jeunes gens grandissant dans un environnement où l’alcool fait partie de la vie sociale, Arūnas a appris très tôt que refuser une boisson alcoolisée pouvait vous faire passer pour un marginal.

Au début de la trentaine, son mariage a pris fin, et le monde qu’il avait construit s’est effondré. « Mes amis m’ont dit de boire un verre, que cela m’aiderait à supporter la douleur », raconte-t-il. « Et je l’ai cru pendant un certain temps. » Mais ce qui semblait être un moyen facile de faire face à la situation s’est vite révélé être une habitude. « Quand je commençais à boire, je ne pouvais plus m’arrêter. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. »

Des environnements propices aux méfaits de l’alcool

Dans les environnements où la consommation d’alcool est banalisée, celle-ci peut apparaître comme la réponse la plus facile pour faire face au chagrin, à la solitude ou au stress. Si l’alcool est la substance psychoactive la plus largement disponible et la plus acceptée socialement dans la Région européenne de l’OMS, c’est aussi le principal facteur de risque de morbidité et de mortalité prématurée chez les personnes âgées de 15 à 49 ans. Près de 15 millions de personnes souffrent de troubles liés à la consommation d’alcool, et seule une petite fraction d’entre elles se font soigner.

Comme de nombreuses personnes atteintes de ces troubles, Arūnas a passé des années à nier qu’il avait un problème. « Je pensais que c’était la faute des autres, pas la mienne », admet-il. Il a perdu des emplois, des amis et son estime de soi. Pour beaucoup, la stigmatisation et les attitudes sociales les empêchent de parler. « On s’est détourné de moi », explique Arūnas. « J’étais en colère, sur la défensive et je me mentais tout le temps. On pense être maître de sa vie, mais ce n’est pas le cas. »

S’ensuivirent des années de rechutes et d’hospitalisations. En 2007, Arūnas a décidé de parler publiquement de sa dépendance. « Il n’y avait plus rien à cacher. Tout le monde le savait déjà, alors pourquoi continuer à mentir ? J’ai été hospitalisé plus de 10 fois ; il était temps d’admettre que j’avais un problème d’alcool. »

Le chemin difficile de la guérison

Mais la sortie de la dépendance n’a pas un processus linéaire. Deux ans plus tard, il a fait une rechute et a provoqué un accident de voiture. Personne n’a été blessé, mais ce fut un tournant. « Ça a été un électrochoc. J’ai compris que je risquais de mourir prématurément, ou d’emporter quelqu’un avec moi. »

Treize ans de sobriété plus tard, Arūnas a trouvé son équilibre. « Maintenant, je vois et j’entends tout clairement. Je ne parle que lorsque c’est nécessaire. Je suis devenu responsable. » Il participe toujours à des réunions et encadre d’autres personnes qui cherchent à guérir. Il reçoit des lettres de Lituanie et de l’étranger de personnes demandant de l’aide. « Il y a beaucoup d’aide disponible », explique-t-il. « Mais il faut faire le premier pas. »

Il évite toutes les boissons qui lui rappellent l’alcool, même les versions sans alcool. « Pour moi, il n’y a pas de consommation modérée, et les boissons sans alcool marquent le début d’un retour vers les mêmes travers. »

Des changements qui font la différence

Son conseil aux débutants est clair : « L’alcool empêche toute véritable relation. Quand on est ivre, on ne peut pas vraiment connaître une autre personne, et elle ne peut pas vous connaître. »

En Europe, l’alcool semble souvent faire partie intégrante de la vie sociale, qu’il s’agisse de fêtes familiales ou d’événements sur le lieu de travail. Ces environnements peuvent rendre la guérison plus difficile, surtout quand l’abstinence semble être une transgression des règles sociales. Mais cette culture évolue lentement. « Au moins, on ne voit plus personne boire au travail », remarque Arūnas. « On commence à comprendre à quel point c’est inapproprié. »

Pourtant, pour des millions de personnes dans la Région, si les troubles liés à la consommation d’alcool peuvent toujours être soignés, ils restent néanmoins négligés. Au-delà du courage personnel, la guérison nécessite un environnement favorable où l’on peut demander de l’aide sans être jugé, et où la sobriété est normalisée plutôt que remise en question. Outre les professionnels de santé, la famille et les amis jouent un rôle important, tant pour encourager une personne à chercher de l’aide que pendant le processus de guérison.

Arūnas regrette d’avoir pris conscience trop tard de ce que l’alcool lui avait fait perdre : « Chaque fois qu’on boit, on se met en danger soi-même, et on met en danger sa famille, son travail, sa vie. On peut vivre sans alcool, et la vie est bien meilleure ainsi », conclut-il.

Pour de l’aide et davantage d’informations

Si vous ou une personne de votre entourage subissez les méfaits de l’alcool, il est important de demander de l’aide. Vous pouvez trouver du soutien et des conseils en consultant votre médecin.

Arūnas a partagé son histoire avec nous dans le cadre de la campagne « Redéfinir l’alcool ». Cette campagne s’inscrit dans le cadre du projet conjoint de l’OMS et de l’UE « EVID-ACTION » (Evidence into Action Alcohol Project ou « Projet Alcool : des preuves aux actes ») qui vise à sensibiliser aux méfaits de l’alcool dans 30 pays (les 27 États membres de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et l’Ukraine) entre 2022 et 2026.