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À la rencontre de Lisandro : migrant, bénévole, influenceur, survivant de la variole du singe et séropositif

7 août 2023
Lisandro Moises Enrique est à la fois chaleureux et sérieux, ce qui le rend immédiatement sympathique. Cet Argentin de 48 ans s’est installé il y a 4 ans à Barcelone (Espagne), et adore la plage, l’ambiance et la qualité de vie qu’offre cette ville.

« C’est détendu ici, et la liberté et la diversité sont respectées. On a tout, y compris des aliments en provenance de partout dans le monde, » souligne-t-il. Il admet toutefois, en souriant, que la viande de son pays lui manque. Ainsi que sa grand-mère.

Lisandro vivait déjà à Barcelone lorsque la COVID-19 s’est déclarée. Ça n’a pas été facile, explique-t-il. Puis, en juin dernier, il a contracté la variole du singe. 

« J’ai tout d’abord eu peur quand j’ai appris que j’avais la variole du singe. J’avais peur pour mon entourage, peur pour les personnes qui m’avaient rendu visite [avant le diagnostic] et qui avaient touché des surfaces que j’avais également touchées, » se souvient-il.

« La variole du singe m’a empêché de travailler ou de remplir d’autres obligations professionnelles. J’ai dû m’isoler pendant près d’un mois. Cela a affecté ma vie sociale, mes finances et bien d’autres choses encore. C’était compliqué. Il faisait également très chaud, la situation n’était donc pas facile. » 

Lisandro ajoute : « mais l’infection a été détectée rapidement, et au moins les symptômes n’étaient pas très graves. Malheureusement, je ne pouvais pas en dire autant de la personne qui m’a transmis la variole du singe. Il souffrait de nombreuses lésions, et ses symptômes ont duré beaucoup plus longtemps. La variole du singe a fini par porter atteinte à son estime de soi, et il craignait de perdre son travail. »

Pendant son isolement, Lisandro a reçu des appels quotidiens du personnel du BCN Checkpoint, un centre de proximité qui soutient les gays, les bisexuels et les autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, ainsi que les femmes transgenres. Le centre se concentre sur la détection du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles. 

Lisandro était bénévole au BCN Checkpoint avant l’épidémie de variole du singe, et il a poursuivi sa collaboration, bien qu’en ligne, lorsqu’il a été infecté par le virus. Le personnel lui demandait comment ses symptômes évoluaient, et comment on pouvait l’aider.

Sur Instagram, Lisandro a également commencé à évoquer son expérience avec la variole du singe, et à publier des informations (un « guide complet », comme il l’appelle) sur la manière d’éviter de contracter et de propager le virus. Lorsque les vaccins contre la variole du singe sont devenus disponibles, il a posté des informations sur les endroits où les communautés touchées pouvaient se faire vacciner ainsi que sur les personnes éligibles. 

Vivant avec le VIH depuis 1994 (son compte Instagram s’appelle d’ailleurs « LisandroPositivo »), Lisandro a également partagé des informations sur le risque de variole du singe chez les personnes séropositives. Alors que les informations sur la variole du singe étaient rares, et que de nombreuses questions restaient sans réponse, les messages de Lisandro ont dû constituer une aide essentielle pour ses quelque 10 000 abonnés. 

« En tant que migrants, nous avons toujours des droits » 

Évoquant son travail avec le BCN Checkpoint, Lisandro admet que sans l’aide du centre pendant la pandémie de COVID-19 et les combats qu’il a mené contre la variole du singe, sa vie dans sa nouvelle ville aurait été très différente. 

Bien qu’il se soit senti soutenu et qu’il ait reçu les soins dont il avait besoin, il nous confie : « je connais pas mal de migrants à Barcelone. Certains d’entre eux sont arrivés récemment et ont contracté la variole du singe. Ils avaient peur de se rendre dans les services de santé publique car ils n’avaient pas de papiers ou de passeport de l’Union européenne. Ils préféraient ne pas demander de l’aide par crainte d’être rejetés ou découverts. » 

Il ajoute, « en tant que migrants, nous avons toujours des droits. » C’est important de ne jamais l’oublier. Les migrants doivent s’informent de leurs droits auprès des organisations de proximité. En ce qui concerne la variole du singe, plus vite les cas sont détectés et soignés, mieux c’est pour tout le monde. »

Le message de Lisandro aux professionnels de santé est sans équivoque : « les préjugés et la stigmatisation n’aident jamais. Les maladies sont des maladies. Elles doivent être soignées avec respect et attention, quelle que soit la personne qui en souffre. » 

Il continue de faire du bénévolat pour le BCN Checkpoint, qui travaille en étroite collaboration avec les autorités sanitaires locales et propose la vaccination contre la variole du singe dans ses locaux à toutes les personnes concernées, y compris les migrants avec ou sans carte d’assurance maladie.

L’appel de l’OMS/Europe : atteindre toutes les communautés mal desservies en leur délivrant des conseils sur la santé, et en leur offrant dépistage et vaccination contre la variole du singe

L’OMS/Europe demande que l’on fournisse des ressources durables, que l’on accroisse la vigilance et que l’on abaisse les obstacles au dépistage et à la vaccination afin de maîtriser la variole du singe et, à terme, de l’éliminer dans la Région européenne de l’OMS. L’Organisation diffuse ce message dans le cadre de sa campagne « Éliminer la variole du singe : placer les populations concernées au cœur de notre intervention, » organisée de mai à septembre 2023, ainsi que par l’entremise de sa boîte à outils relative à la communication sur les risques, à la mobilisation des communautés et à la gestion de l’infodémie pour l’élimination de la variole du singe (mai 2023), et de sa dernière note d’orientation sur la variole du singe (avril 2023).

L’OMS/Europe exhorte notamment les pays à atteindre tous les groupes mal desservis, y compris les migrants. Or, il n’est jamais facile d’atteindre les groupes généralement laissés de côté, comme les migrants, qui n’ont pas forcément de liens avec le système de santé officiel, et d’instaurer un climat de confiance avec eux. Davantage d’efforts doivent être déployés pour qu’ils puissent accéder aux conseils sur la variole du singe ainsi qu’aux tests de dépistage et à la vaccination.  

Le recueil d’études de cas de l’OMS/Europe sur la mobilisation des communautés dans la lutte menée contre la flambée de variole du singe, lancé dans le cadre de la campagne « Éliminer la variole du singe », permet de mieux comprendre comment la maladie peut être combattue. Les enseignements tirés de cette publication, notamment sur la manière d’atteindre les groupes mal desservis, sont essentiels si nous voulons avoir une chance d’éliminer la variole du singe dans la Région.