« Dans notre unité, nous avons reçu un ventilateur de classe supérieure. C’est un appareil exceptionnel, de premier ordre », déclare le docteur Halushchak. « Ils nous ont également donné des lits d’hôpital – c’est tout simplement fantastique. Les patients sont très satisfaits car les lits sont entièrement réglables. Ils peuvent les lever et les abaisser, les ajuster dans n’importe quelle position requise. Absolument idéal. Nous avons reçu de nouvelles unités d’électrocautérisation pour la salle d’opération, ainsi qu’une station d’anesthésie Mindray, qui est un véritable bijou. Et ce ne sont là que les équipements récemment installés dans mon service. »
Depuis 2019, le docteur Anatolii Yaroslavovych Halushchak dirige le département d’anesthésiologie et de soins intensifs pour polytraumatisés à l’hôpital Mechnykov de Dnipro (Ukraine).
Cet hôpital est l’un des établissements médicaux les plus importants d’Ukraine. On y a soigné plus de 41 000 patients blessés depuis le début de l’invasion à grande échelle par la Fédération de Russie. L’Union européenne (UE), en partenariat avec l’OMS, a fourni à l’unité de soins intensifs 10 lits spécialisés et d’autres équipements, tels qu’un ventilateur, pour prendre en charge les patients qui sont dans un état critique, souffrant souvent de blessures complexes occasionnées par des explosions ou dues au contexte de guerre.
Ces équipements sont l’une des facettes du soutien de l’UE et de l’OMS au traitement des traumatismes et des polytraumatismes en Ukraine, par la fourniture de matériel médical et l’organisation de sessions de formation visant à renforcer les capacités du personnel de santé dans toutes les régions du pays touchées par la guerre.
Gérer l’imprévisible
Grâce au soutien crucial de l’UE et de l’OMS, les personnels de santé de l’hôpital Mechnykov continuent de sauver des vies, malgré les menaces et les attaques permanentes contre l’infrastructure de l’établissement.
L’un des épisodes les plus dévastateurs s’est produit le 25 octobre 2024, lorsqu’un missile a explosé à seulement 30 mètres de l’hôpital. Plus de 500 vitres ont volé en éclats. Des opérations étaient en cours et des médecins ont été légèrement blessés par des éclats de verre. Pourtant, ils ne se sont pas arrêtés.
« Nous avons déplacé les patients qui étaient dans un état critique vers des zones sûres, déblayé les morceaux de verre brisé et les débris, et entamé immédiatement les réparations. Notre objectif était de rouvrir les salles d’opération le plus rapidement possible », se souvient le docteur Halushchak.
Depuis les premiers jours de la guerre jusqu’à l’invasion à grande échelle de 2022, l’hôpital Mechnykov a été une bouée de sauvetage pour les patients souffrant de traumatismes, en particulier de polytraumatismes ou de blessures complexes et multisystémiques. Les blocs opératoires n’ont pas désempli. Les mots « épuisement professionnel » ou « extrême fatigue » ne font pas partie du vocabulaire du docteur Halushchak. Lorsqu’il parle de son métier, une étincelle luit dans ses yeux. « Au bloc opératoire, tout est une question de travail d’équipe. Nous fonctionnons comme un seul corps. Parfois, un simple coup d’œil suffit pour savoir s’il faut augmenter ou diminuer la pression. Tout se met en place comme par enchantement. »
Travaillant avec une équipe de plus de 70 professionnels, dont des anesthésistes, du personnel infirmier et des aides-soignants, le docteur Halushchak souligne qu’ils sont tous formés pour faire face à l’imprévisible. « La plupart des membres de notre équipe sont ici depuis 2014. Notre personnel infirmier, par exemple, est très polyvalent. Il travaille dans les salles d’opération, les unités de soins intensifs et les divers services, partout où l’on a besoin de lui. De jeunes médecins nous ont rejoints en cours de route, mais le noyau reste le même. C’est une famille. »
Innovation et résilience
Fondé en 1798, l’hôpital Mechnykov est l’un des plus anciens établissements médicaux d’Ukraine.
Mykola Pyrohovis, légendaire chirurgien et pionnier de la médecine, aurait pratiqué des opérations dans ses murs. Il a révolutionné la médecine de guerre en formalisant le triage, en mettant au point des techniques d’aseptisation et en introduisant le moulage en plâtre pour les fractures. Son héritage d’innovation et de résilience est toujours d’actualité.
Quant au service du docteur Halushchak, il est spécialisé dans les polytraumatismes, l’un des domaines les plus difficiles de la médecine moderne. Chaque opération est unique. Qu’il s’agisse de retirer un éclat d’obus du cerveau ou de préserver un membre mutilé, l’objectif est le même : sauver des vies, préserver la dignité et aider les patients à retrouver un semblant de normalité.
« Il s’agit de blessures touchant plusieurs systèmes organiques : le cerveau et l’abdomen, la poitrine et le squelette. Chaque cas est différent. Chaque combinaison est nouvelle. »
« Nous avons plus de 40 salles d’opération, et toutes sont en activité. Certains chirurgiens pratiquent plus de 50 interventions par mois, soit 5 fois plus qu’en temps de paix. Dans la période actuelle, nous avons transfusé près de 22 tonnes de sang aux blessés. Ici, les gardes ne se terminent pas à l’heure prévue – elles se terminent lorsque le dernier patient a été opéré. Au début de la guerre, de nombreux membres du personnel, dont des chirurgiens et des infirmiers, restaient à l’hôpital plusieurs jours d’affilée. Aujourd’hui encore, Serhii Ryzhenko, le directeur général de Mechnykov, est présent sur le site 24h/24 et 7j/7 », explique le docteur Halushchak.
« Il y avait un journaliste », se souvient le docteur Halushchak. « Avant qu’il n’arrive chez nous, personne ne s’attendait à ce qu’il survive. Mais nous l’avons opéré. Nous l’avons rattrapé au bord du gouffre. Et maintenant ? Il est de nouveau à la télévision, il donne des interviews – comme je le fais maintenant avec vous. »
Rester fort
Très tôt, le docteur Halushchak s’est orienté vers la médecine. « Je ne me souviens pas exactement de ce qui m’a conduit à cela », dit-il, « mais je me souviens qu’en cinquième année d’école, je savais que je deviendrais médecin. Mes parents étaient respectivement mineur et économiste, ce n’était donc pas dans la famille. Mais je le savais. »
Bien que la lourde tâche du leadership fasse partie de son rôle, on peut encore le voir dans le bloc opératoire, travaillant comme anesthésiste à temps plein. « Bien sûr ! Si vous perdez le contact avec la pratique, vous perdez vos aptitudes », lance-t-il d’un ton détaché.
Et oui, il trouve encore le temps d’apprendre. « On ne peut jamais dire que l’on sait tout en médecine. Il y a toujours à apprendre. Nous avons reçu une formation de l’OMS à Kiev. Elle était axée sur l’organisation des évacuations dans les situations d’urgence avec un grand nombre de victimes. Ils nous ont donné beaucoup d’informations pertinentes – ça a été extrêmement utile. »
Travailler 18 heures d’affilées, vivre à l’hôpital pendant les pics de crise, opérer alors que tombent les missiles : voilà la ligne de front du système de soins de santé en Ukraine. « Psychologiquement, c’est difficile », admet le docteur Halushchak. « Mais nous ne pouvons pas lever le pied. Nous devons montrer l’exemple. Si nous restons forts, notre équipe reste forte. C’est notre champ de bataille, et nous devons gagner. »