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Déclaration – Petites nations, grand impact : défendre la santé, l’équité et l’innovation en période d’incertitude mondiale

Allocution d’ouverture du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, à la 11e Réunion de haut niveau de l’Initiative des petits États

12 mai 2025
Déclaration
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Bled (Slovénie), le 12 mai 2025 

Madame la Ministre Prevolnik, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation, Chers Collègues, Chers Amis : dober dan !

C’est un vrai plaisir d’être avec vous aujourd’hui, dans le cadre magnifique de la ville de Bled, au pied des Alpes juliennes. 

Au nom de l’OMS/Europe, je remercie vivement la Slovénie d’accueillir la 11e Réunion de haut niveau de l’Initiative des petits États, alors que les défis géopolitiques se multiplient et que la collaboration multilatérale est plus que jamais nécessaire. 
 

La Slovénie peut s’enorgueillir de sa longue tradition en matière de santé publique qui remonte au XIXe siècle. Les fondements des soins primaires ont été renforcés et défendus d’autant plus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. 

L’OMS elle-même a été créée à cette époque, il y a plus de 75 ans, avec notre ambitieuse Constitution qui fait de la santé un droit humain.

La Constitution slovène stipule aussi clairement que « tout le monde a droit aux soins de santé dans les conditions prévues par la loi ».

À l’heure où des millions de personnes dans la Région européenne de l’OMS et dans le monde restent confrontées à des difficultés financières et ne peuvent accéder à des soins de santé optimaux, cela vaut la peine de répéter que tout le monde a droit aux soins de santé.

Chers amis, si notre réunion annuelle des petits États est toujours une expérience enrichissante, elle l’est particulièrement en ces temps troublés. 

Face à l’adversité, contre vents et marées, les petits États continuent de montrer comment se développer, comment diriger et comment prospérer. 

J’ai suivi vos progrès tout au long de mon premier mandat de directeur régional, et je continuerai à le faire tout au long de mon second. 

Vous avez inscrit la santé et le bien-être au premier plan des grandes priorités politiques ; vous avez fait front commun pour défendre les besoins des petits États, que ce soit en matière de personnels de santé, de médicaments ou dans les discussions mondiales sur le traité sur les pandémies ; vous avez forgé de nouveaux partenariats, notamment dans le domaine du tourisme et de la santé ; et vous avez progressé vers l’objectif de l’instauration de la couverture sanitaire universelle, tout en tirant parti de données solides en matière de santé publique, notamment les « meilleurs choix » pour lutter contre les maladies non transmissibles – des mesures essentielles et à effets rapides pour aider à prévenir les maladies non transmissibles et à y faire face.

Notre monde a profondément changé depuis notre première réunion en 2014 à Saint-Marin : 
  • notre profil de santé évolue ;
  • le nombre de situations d’urgence a doublé au cours de la dernière décennie ; 
  • la crise climatique fait de plus en plus de victimes ; 
  • aujourd’hui, les moins de 15 ans sont moins nombreux que les plus de 65 ans ; 
  • les populations ont perdu confiance dans la science et les autorités ; 
  • un nombre inacceptable de femmes et de filles sont victimes de violences sexuelles ;
  • les maladies non transmissibles et les troubles de la santé mentale sont aujourd’hui une préoccupation majeure ; 
  • nos systèmes et nos personnels sont par conséquent soumis à une pression sans précédent.
Toutes ces mégatendances ont inspiré notre deuxième Programme de travail européen (2e PTE) pour les 5 prochaines années.

Avec vous comme source d’inspiration, nous, à l’OMS/Europe, avons appliqué la « prospective » à plus long terme comme outil de planification essentiel pour le 2e PTE. 

Avec des experts régionaux de premier plan, nous envisageons 4 scénarios possibles pour façonner l’avenir de la santé :
  • la poursuite ou le maintien du statu quo – avec des progrès aléatoires et inégaux ;
  • le déclin – marqué par la crise, la fragmentation et l’accroissement des inégalités ; 
  • la discipline – reflétant une approche plus lente, axée sur les valeurs et privilégiant l’équité ; 
  • la transformation – ou des systèmes révolutionnés par les technologies et l’innovation. 
Certes, s’il nous est impossible de prédire tous les aléas qui détermineront l’avenir, nous pouvons et devons agir pour éviter les conséquences indésirables à long terme.

Nous remercions ceux d’entre vous qui, grâce à leurs idées et à leur vision, ont contribué à l’élaboration du 2e PTE à venir dans un contexte de difficultés financières où la capacité d’adaptation et de souplesse, qui caractérise notamment les petits États, servira de test décisif pour l’OMS.

Les 5 priorités essentielles abordées dans notre nouveau programme de travail sont les suivantes :
  • La sécurité sanitaire. C’est notre principale préoccupation. Les menaces pesant sur notre santé doivent être traitées au même titre que les autres menaces pesant sur la sécurité et la paix dans le monde. Et pour cela, nos communautés doivent être les coconceptrices de nos stratégies et de nos interventions.
  • Le vieillissement. En soi, la longévité est un triomphe et un témoignage du progrès, mais elle exige que les systèmes de santé et de soins s’adaptent. En effet, le vieillissement en bonne santé commence dès la naissance, ce qui nécessite l’adoption d’une approche fondée sur le cycle de vie. 
  • Les maladies non transmissibles et la santé mentale. Ce ne sont pas seulement des défis pour la santé, mais aussi, compte tenu de leur effet domino, des défis pour la société. Pour obtenir de meilleurs résultats, il faut combiner prévention et soins. 
  • Le changement climatique. L’Europe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Il importe dès lors de s’engager à prendre sans attendre des mesures cohérentes. La Commission paneuropéenne sur le climat et la santé, que nous lançons en Islande en juin, contribuera à la réalisation de cet objectif. 
  • La transformation des systèmes de santé. Cette transformation doit exploiter l’IA et d’autres innovations en matière de santé numérique pour véritablement tirer parti des possibilités étonnantes existant actuellement, et de celles qui se présenteront. En effet, à l’OMS/Europe, nous avons déjà commencé à intégrer l’IA dans diverses fonctionnalités, et les résultats sont vraiment intéressants et efficaces en termes de temps.
Mais la transformation des systèmes de santé souligne en fin de compte l’importance des soins de santé primaires, la « locomotive » qui rend les systèmes de santé plus intelligents, plus forts et, surtout, plus humains, compte tenu de leur lien direct avec les individus, les familles et les communautés. 

En Slovénie, il existe une tradition centenaire qui consiste à travailler main dans la main avec la santé publique, en maintenant la participation sociale et l’équité au premier rang des priorités politiques, et en développant un système qui réponde aux besoins de tous, y compris des plus vulnérables. 

En conclusion, l’OMS est là pour vous servir, vous les États membres, comme elle l’a toujours fait. 

Mais, chers amis, vous n’êtes pas sans savoir que l’OMS est confrontée à une crise existentielle, déclenchée par une crise financière résultant de la décision des États-Unis de se retirer [de l’Organisation]. 

À l’OMS/Europe, nous prenons des mesures draconiennes pour pouvoir répondre aux attentes des États membres. 

Nous réduisons les effectifs et les coûts, redéfinissons les priorités des fonctions essentielles, restructurons les programmes et recherchons de nouvelles méthodes de mobilisation des ressources. 

Ce qui restera, c’est un modèle beaucoup plus léger, mais d’une valeur substantielle, véritablement adapté à l’avenir.

Mon objectif est de faire de l’OMS/Europe le Bureau régional de l’OMS le plus souple, le plus réactif et le plus innovant.

Cela signifie qu’il faut mettre en place une organisation rapide, flexible et axée sur les résultats, comme le souligne le 2e PTE.

S’appuyant sur les travaux menés avec les États membres en matière de gouvernance participative, l’instauration d’une gouvernance encore plus ouverte, mesurable et vérifiable au sein de l’OMS/Europe permettra de renforcer davantage la confiance.

Je m’engage également à faire de l’OMS/Europe un moteur de l’innovation et de la santé publique tournée vers l’avenir, à travers notamment un laboratoire du futur et à travers des sommets et des rapports du futur réguliers, l’objectif étant de cocréer de nouveaux modèles de santé publique avec les États membres et les partenaires. 

Mais le tableau que je veux dresser est en fait plus large, car cela ne concerne pas seulement l’OMS en tant qu’entité, c’est beaucoup plus important. 

Ce qui est en jeu, ce sont les progrès que nous avons durement acquis pour contenir la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens. 

Ce qui est en jeu, c’est la mise au point de vaccins pour les enfants et la recherche sur le cancer. 

Ce qui est en jeu, ce sont les connaissances essentielles qui sous-tendent la préparation aux futures pandémies et notre capacité à surveiller les menaces sanitaires mondiales et à intervenir. 

Ce qui est en jeu n’est rien de moins que la sécurité et le bien-être des personnes, partout dans le monde ; la santé en tant que droit humain. 

Nous nous réunissons aujourd’hui, une semaine avant la Soixante-dix-huitième Assemblée mondiale de la santé à Genève, peut-être l’Assemblée de la santé la plus importante de mémoire d’homme.

L’OMS/Europe compte sur vous, pays membres de l’Initiative des petits États, pour soutenir la santé publique régionale et mondiale sur divers fronts. Il s’agit notamment d’officialiser l’accord tant attendu sur les pandémies, un pilier essentiel de la sécurité sanitaire mondiale, et de soutenir une augmentation essentielle des contributions des États membres à l’OMS.

Dans ces moments-là, l’OMS dépend de la force de ses alliés et de l’engagement de ses partenaires. À une époque marquée par la fragmentation, le multilatéralisme est important. L’Initiative des petits États constitue justement un excellent exemple de multilatéralisme, axé sur la compréhension et le respect mutuels, le partage d’informations et autres formes de collaboration, pour aboutir à des résultats collectifs. 

La santé est la plus grande richesse ou, comme on dit en Slovénie, « Zdravje je največje bogastvo ». Et je sais pertinemment que dans chacune de nos langues maternelles, il existe un proverbe qui exprime la même vérité universelle.

Votre partenariat stratégique, voire votre amitié, est le type de partenariat que l’OMS/Europe s’est engagée à maintenir et qu’elle continuera à défendre au fur et à mesure que nous avancerons ensemble.

Hvala vsem ! Je vous remercie.