Renverser la tendance : le cas exemplaire de la Slovénie dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus

17 décembre 2020
Communiqué de presse
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La Slovénie a parcouru un long chemin avant de devenir l’un des pays les plus performants de la Région européenne de l’OMS en matière de lutte contre le cancer du col de l’utérus. Alors que ses statistiques sur l’incidence du cancer du col de l’utérus étaient parmi les pires d’Europe, la Slovénie a réussi à renverser la tendance grâce à la volonté politique, à la coopération et à un solide programme de dépistage.

Une vision commune du changement

La Slovénie a mis en place son registre national du cancer dans les années 1960, ce qui a permis aux autorités sanitaires slovènes de suivre les taux d’incidence. L’augmentation sensible des taux de cancer du col de l’utérus dans les années 1990 a sonné l’alarme chez les experts, et a conduit à la création de ZORA, le programme national slovène de dépistage du cancer du col de l’utérus.

« Nos statistiques étaient auparavant parmi les pires d’Europe – l’incidence de cancer du col de l’utérus était vraiment élevée en Slovénie », explique le docteur Urska Ivanuš, responsable de ZORA. « Grâce à ZORA, géré par l’Institut d’oncologie de Ljubljana, nous avons mis en place un programme global, centralisé et basé sur la population qui a rapidement donné des résultats très concrets et tangibles : l’incidence du cancer du col de l’utérus a presque diminué de moitié depuis que ZORA existe. »

Le docteur Ivanuš évoque l’une des éléments fondamentaux de cette avancée remarquable : « l’un des principaux facteurs de cette réussite est la vision commune partagée par les acteurs concernés, l’équipe de base du programme devant jouer un rôle de chef de file dans la concrétisation de cette vision. Croire aux données probantes, croire en la cause, travailler dur et avec enthousiasme, écouter et comprendre toutes les parties prenantes, surveiller et adapter, tout cela est crucial pour mener à bien un changement. »

Des dépistages réguliers plutôt qu’opportunistes

Grâce à ZORA, la pratique du dépistage opportuniste, à savoir proposer un test de dépistage ponctuel aux femmes se rendant dans les centres de santé pour d’autres raisons, a été abandonnée. Il s’avère en effet que cette pratique a un impact très limité sur l’incidence du cancer du col de l’utérus. En revanche, grâce à ZORA, on a commencé à effectuer un test de dépistage chez les femmes une fois tous les 3 ans.

« On craignait de passer à côté des cancers, mais il s’est avéré que c’était tout le contraire », explique le docteur Ivanuš. Au fur et à mesure que la fréquence de dépistage était modifiée, le taux de femmes ayant des résultats positifs et nécessitant un rappel est passé de 15 à 5 %.

« En bref, nous avons réussi à dépister davantage de femmes, à suivre les résultats plus efficacement, à mieux communiquer les conclusions aux prestataires de dépistage et aux femmes elles-mêmes, et à obtenir de meilleurs résultats globaux », explique le docteur Ivanuš. « Notre équipe ZORA avait un rêve. Ce rêve a désormais abouti à un plan concret : un plan pour éliminer le cancer du col de l’utérus ! »

Ne jamais attendre les premiers signes

Le programme ZORA a été bien accepté par les femmes slovènes, et plus de 70 % d’entre elles se font régulièrement dépister.

« Les femmes devraient considérer le dépistage comme faisant partie d’un mode de vie sain. Tout comme elles pratiquent quotidiennement une activité physique ou essaient de manger sainement, elles doivent veiller à se faire dépister régulièrement. C’est un message important que nous devons transmettre à toutes les femmes. N’attendez pas les premiers signes car ils apparaîtront tardivement », souligne le docteur Ivanuš.

« Le cancer du col de l’utérus est en effet l’un des rares cancers où un « pré-cancer » peut être réellement détecté. Il peut s’agir d’une très petite modification du col de l’utérus, limitée à la surface, et si nous la décelons et la traitons, nous pouvons empêcher le cancer de se développer », explique le docteur Ivanuš. « Le cancer du col de l’utérus est également le seul cancer pouvant donner lieu à 2 interventions de santé publique importantes, sûres et efficaces : le dépistage et la vaccination. »

Les cibles « 90-70-90 »

« Il existe un véritable élan mondial à cet égard, et nous disposons des outils nécessaires pour réussir. Mais pour éliminer le cancer du col de l’utérus, nous devons atteindre 3 cibles cruciales », explique le docteur Aiga Rurane, représentante de l’OMS en Slovénie :

  • 90 % des filles sont entièrement vaccinées contre le papillomavirus humain à l’âge de 15 ans ;
  • 70 % des femmes bénéficient d’un dépistage réalisé à l’aide d’un test de haute performance à l’âge de 35 ans et à nouveau à l’âge de 45 ans ;
  • 90 % des femmes chez qui un cancer du col de l’utérus a été diagnostiqué sont traitées.

« Ces cibles 90-70-90 doivent être réalisées simultanément pour assurer un impact maximal, » ajoute le docteur Rurane.

Grâce aux excellents résultats enregistrés pour 2 de ces cibles (dépistage de 70 % des femmes et traitement de 90 % des femmes chez qui un cancer du col de l’utérus a été diagnostiqué), la Slovénie pourrait très bien devenir l’un des premiers pays européens à atteindre l’ensemble des 3 cibles.

« Nous n’avons pas encore réalisé l’objectif de vaccination de 90 % des filles. Depuis 2009, la Slovénie vaccine gratuitement les filles de sixième année de l’école primaire contre le papillomavirus humain. Mais 60 % de ces filles suivent le programme de vaccination systématique, ce qui n’est guère suffisant pour obtenir les effets souhaités de la vaccination au niveau de l’ensemble de la population », explique le docteur Ivanuš.

« Nous devons accroître la couverture, mettre en place un dépistage primaire du papillomavirus humain avec des tests plus précis qui permettent d’espacer davantage les dépistages, et renforcer le système de surveillance », ajoute-t-elle.

« Les progrès que nous avons accomplis jusqu’à présent sont le fruit des efforts indéfectibles et du travail assidu menés pendant de nombreuses années par un grand nombre de professionnels de santé en Slovénie, aux multiples partenariats et à l’engagement continu des pouvoirs publics », explique le docteur Rurane. « La Slovénie peut être fière de ce qu’elle a accompli, et elle est un exemple pour les pays de la Région et du monde entier. »