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Déclaration – Renforcer les soins de santé primaires pour sauver les systèmes de santé défaillants

Déclaration du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, à l’occasion de la conférence internationale célébrant le 45e anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata et le 5e anniversaire de la Déclaration d’Astana

23 octobre 2023
Déclaration
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Monsieur le Président Tokayev, Docteur Tedros, Mesdames et Messieurs, chers collègues et amis,

Құрметті ханымдар мен мырзалар! Киелі Қазақ жерінде кездескенімізге өте қуаныштымыз! [Traduction : Mesdames et Messieurs, nous sommes très heureux de vous rencontrer sur la terre sacrée du Kazakhstan !]

C’est pour moi un très grand honneur d’être présent aujourd’hui pour célébrer le 45e anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata ainsi que le 5e anniversaire de la Déclaration d’Astana. Je me souviens très bien d’avoir signé ici, il y a 5 ans, la Déclaration d’Astana qui a ravivé les politiques et les pratiques en matière de soins de santé primaires, 40 ans après Alma-Ata.

J’ai promis de traduire ces engagements en actions audacieuses et pragmatiques, et c’est ce que je défends sans relâche en Europe et en Asie centrale pendant mon mandat de directeur régional.

J’ai été très impressionné ce matin par l’exposition d’affiches dans le foyer qui présente 24 témoignages inspirants de transformation des soins de santé primaires dans le monde entier, et démontre avec éclat que l’esprit d’Astana n’est pas simplement une aspiration, mais aussi une indéniable réalité. Il y a un nombre particulièrement important de 70 pays représentés ici aujourd’hui, et donc autant de témoignages inspirants de soins de santé qui n’attendent que d’être racontés par vous tous, les véritables héros de cette transformation.

Si ceux d’entre nous qui sont présents aujourd’hui sont entièrement convaincus de l’importance des soins de santé primaires, soyons honnêtes et reconnaissons que, dans de nombreux pays, nous observons un décalage entre notre vision et la réalité sur le terrain.

Notre défi est de veiller à ce qu’une priorité politique suffisamment élevée soit accordée au renforcement des soins de santé primaires. Or, les ressources ne sont tout simplement pas à la hauteur de nos ambitions et, par conséquent, les personnels de santé sont appelés à fournir et à assumer une charge de travail considérable. Le résultat, bien connu de vous tous, est aussi la cause de vos insomnies : pénurie de personnel de santé, actions syndicales et grèves, déserts médicaux, épuisement professionnel et perte croissante de confiance.

Nous devons donc nous demander franchement pourquoi les soins de santé primaires sont si souvent négligés au profit d’avancées médicales plus prestigieuses et de haute technologie. Pourquoi les soins de santé primaires sont-ils encore relégués à la périphérie de nos systèmes de santé ?

À bien y réfléchir, si les pouvoirs publics veulent investir dans les soins de santé primaires avec l’argent du contribuable, ils doivent d’abord démontrer la rentabilité indéniable de cet investissement.

Et nous savons qu’il est difficile, voire irréaliste, de chiffrer la valeur des soins de santé primaires pour nos communautés et nos sociétés. Comment mesurer réellement l’importance de la relation établie entre un médecin, un patient et sa famille tout au long d’une vie ? Comment quantifier les bénéfices des soins de santé mentale dans la communauté ? Comment déterminer la valeur du soutien émotionnel et social apporté aux victimes de violence ?

Ensuite, et plus encore, il faut garantir l’adhésion des acteurs puissants du secteur des soins de santé, et c’est malheureusement souvent là que l’on rencontre de la résistance.

La vérité, c’est qu’il a toujours été beaucoup plus facile de présenter des arguments commerciaux et politiques en faveur de la construction d’un tout nouvel hôpital, fait de briques et de mortier, avec autant de lits et de patients.

Or, les temps changent : les pays, les régions et les municipalités reconnaissent de plus en plus que les sociétés saines et heureuses sont aussi plus résilientes, plus productives et plus cohésives. Si notre système de santé était un arbre, les soins de santé primaires en seraient les racines. Mais sans racines solides, l’arbre ne peut croître, et encore moins fleurir. Les personnes, à savoir les médecins, les personnels infirmiers, les thérapeutes, sont au cœur des soins de santé primaires. Elles vous accompagnent tout au long de votre vie, lorsque vous souffrez de maladies complexes, dans les bons comme dans les mauvais moments. Ces personnes vous connaissent intimement, vous et votre communauté.

Permettez-moi maintenant d’exprimer ma gratitude et mon admiration à notre hôte, le Kazakhstan. Monsieur le Président, je me félicite de votre leadership en plaçant la santé et le bien-être au centre de votre agenda social – au niveau national, au niveau régional ici en Asie centrale, ainsi qu’au niveau mondial.

Grâce à votre soutien, les chefs d’État d’Asie centrale ont, pour la première fois, approuvé une feuille de route historique pour la santé et le bien-être en Asie centrale à Douchanbé en septembre dernier, plaçant ainsi la santé au centre des programmes de développement social, politique et économique.

Nous sommes particulièrement reconnaissants au Kazakhstan d’accueillir le Centre européen de l’OMS pour les soins de santé primaires, basé à Almaty, qui est très sollicité pour l’assistance technique en matière de développement des soins de santé primaires qu’il apporte à de nombreux pays de la Région.

En conclusion, nous ne pouvons pas nous contenter de continuer comme si de rien n’était. Nous devons changer radicalement notre état d’esprit. Je vous demande simplement, à chaque fois que vous prenez une décision, de bien réfléchir et de vous poser la question suivante : est-ce que je promeus le renforcement des soins de santé primaires ? Est-ce que je contribue à l’équité en santé et à l’inclusion ? Est-ce que je ne laisse personne de côté ? Suis-je en train de promouvoir un système de santé axé sur les soins de santé primaires, ou les soins de santé primaires sont-ils indiscontinûment condamnés à être cloisonnés et livrés à la concurrence d’autres programmes ?

Redéfinir nos systèmes de santé dans une optique de soins de santé primaires n’est pas seulement un choix. C’est une obligation morale, une condition préalable au type de société dans laquelle nous aspirons tous à vivre, à savoir une société fondée sur la confiance et l’empathie, où la santé et le bonheur s’épanouissent pour tous.

Барлығына зор денсаулык пен амандық тілеймін! Рақмет! [Traduction : Bonne santé et prospérité à tous ! Je vous remercie !]