La lutte antivectorielle est la principale méthode utilisée pour combattre plusieurs des grandes maladies infectieuses du monde. Lorsque des méthodes efficaces ciblant les moustiques, les diptères, les tiques, les punaises et autres vecteurs qui transmettent des agents pathogènes sont correctement mises en œuvre, on sauve des vies et on protège la santé de millions de personnes.
Selon les estimations, entre 2001 et 2015, 2 principales méthodes de lutte antivectorielle, à savoir les moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent à l’intérieur des habitations, ont permis de prévenir 663 millions de cas de paludisme en Afrique subsaharienne1. On est également parvenu à de fortes baisses de l’incidence de l’onchocercose, de la leishmaniose viscérale et de la maladie de Chagas moyennant la lutte antivectorielle à grande échelle2.
Toutefois, lutter contre les vecteurs représente un défi constant et tant les vieilles maladies que les maladies émergentes font apparaître de nouvelles menaces. La récente flambée de maladie à virus Zika3, la réémergence de la fièvre jaune4 et l’augmentation des cas de dengue et de Chikungunya ont mis en évidence combien il était important d’instaurer une lutte antivectorielle durable et urgent de renforcer les capacités mondiales de riposte à ces menaces.
Aujourd’hui, plus de 80% de la population mondiale est exposée au risque de maladies à transmission vectorielle et la moitié au risque d’au moins 2 de ces maladies5. La plupart de ces maladies sont concentrées dans les communautés les plus pauvres des régions tropicales et subtropicales; elles sont à l’origine d’une mortalité et d’une morbidité inacceptables et entravent la croissance économique6,7 .
Les agents pathogènes responsables du paludisme, de la dengue, de la filariose lymphatique, du Chikungunya, de la maladie à virus Zika, de la fièvre jaune, de l’encéphalite japonaise et de la fièvre à virus West Nile sont transmis aux hommes par les moustiques. Les maladies sont transmises par différents vecteurs: l’onchocercose est transmise par des simulies, la leishmaniose par les phlébotomes, la maladie de Chagas par des réduves, la maladie de Lyme et l’encéphalite par les tiques, la trypanosomiase humaine africaine par les mouches tsé-tsé et la schistosomiase par les glossines.
Lors de son allocution à l’Assemblé mondiale de la Santé en 2016, le Directeur général s’est dit très préoccupé par l’insuffisance des efforts de lutte antivectorielle dans le monde entier8. Une nouvelle approche complète visant à prévenir les maladies et à intervenir en cas de flambées était clairement nécessaire. Cette approche, devant associer de multiples secteurs et communautés doit être fondée sur les meilleures données disponibles.
Un an plus tard, le 30 mai 2017, la Soixante-Dixième Assemblée mondiale de la Santé a accueilli favorablement l’approche stratégique présentée dans une nouvelle action mondiale pour lutter contre les vecteurs pour 2017-20309. L’action mondiale pour lutter contre les vecteurs vise à réduire la charge de morbidité et la menace des maladies à transmission vectorielle au moyen d’une lutte antivectorielle efficace, adaptée aux besoins locaux et durable.
Il s’agit non pas d’un schéma directeur pour combattre une seule maladie, mais plutôt d’une méthode pour combattre de multiples vecteurs et maladies, laquelle nécessite une action de plusieurs secteurs autres que celui de la santé, notamment l’environnement, la planification urbaine et l’éducation. Nous pensons que cette approche utilisera les ressources avec un meilleur rapport coût/efficacité et produira des résultats plus durables.
Deuxièmement, il faut tirer parti des mesures existantes destinées à lutter contre un type de malnutrition en vue de réduire simultanément les autres types de malnutrition. En l’absence d’une telle approche «améliorée», les responsables de l’élaboration des politiques manqueront des occasions de mettre en œuvre une action plus efficace et intégrée, comme le montre l’expérience de l’Amérique latine. En effet, dans cette région, on a observé, avec toutefois des tendances diverses, une baisse significative globale du retard de croissance accompagnée d’une augmentation rapide de l’obésité 9.
Les investissements qui s’étaient avérés efficaces pour réduire le retard de croissance, tels que les programmes de transferts de fonds, l’amélioration de l’assainissement, l’éducation des femmes et l’accès aux soins de santé n’avaient pas été mis à profit pour encourager et favoriser une alimentation saine et nutritive. Par exemple, les programmes de transferts de fonds auraient pu être élaborés de manière à contribuer davantage à l’amélioration d’une alimentation saine en vue de réduire le risque d’obésité10.
De même, il aurait été possible d’utiliser de façon optimale les programmes de distribution de repas à l’école axés sur la réduction de l’insécurité alimentaire afin d’inclure l’éducation en matière de nutrition9 et de veiller à ce que les boissons sucrées et les en-cas demeurent exclus des écoles. À l’avenir, l’intégration de mesures visant à lutter contre toutes les formes de malnutrition au moyen de ces programmes existants pourrait permettre d’en tirer un double parti.
Le succès dépendra du renforcement des capacités et des moyens des programmes des pays qui, ces dernières décennies, ont pâti des réductions de personnel et de l’érosion des compétences en matière de lutte antivectorielle. Il faut également renforcer la recherche fondamentale et la recherche appliquée en vue de fournir la base de connaissances nécessaire pour la lutte contre les maladies et leur élimination.
Il est essentiel de continuer d’investir dans l’innovation. On compte parmi les nouvelles interventions prometteuses, à différents stades de développement, de nouveaux insecticides, des répulsifs spatiaux, des pièges odorants, une protection améliorée des habitations, la lutte biologique s’appuyant sur Wolbachia et les moustiques transgéniques. Une fois leurs sécurité, efficacité, qualité et utilité confirmées par l’OMS, ces interventions devront être mises en œuvre sur le terrain et intégrées aux programmes de lutte antivectorielle en vue de maximiser les bénéfices.
Références
1. Cibulskis, RE, Alonso, P, Aponte, J et al. Malaria: global progress 2000–2015 and future challenges. Infect Dis Poverty. 2016; 5: 61
2. OMS. Investir pour réduire l'impact mondial des maladies tropicales négligées. Troisième rapport de l’OMS sur les maladies tropicales négligées. Organisation mondiale de la Santé, Genève; 2015 (disponible au 13 juin 2017)
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/192187/1/9789242564860_fre.pdf
3. Pan America Health Organization and WHO. Zika epidemiological update.(accessed May 31, 2017).
http://www2.paho.org/hq/index.php?option=com_content&id=11599&Itemid=41691
4. Pan America Health Organization and WHO. Yellow fever epidemiological update. (accessed May 31, 2017).)
http://www2.paho.org/hq/index.php?option=com_docman&task=doc_view&Itemid=270&gid=39764&lang=en
5. Golding, N, Wilson, AL, Moyes, CL et al. Integrating vector control across diseases. BMC Med. 2015; 13: 249
6. OMS. Rapport sur le paludisme dans le monde 2016. Organisation mondiale de la Santé; 2016
http://www.who.int/malaria/publications/world-malaria-report-2016/report/fr/
7. WHO. Integrating neglected tropical diseases in global health and development. Fourth WHO report on neglected tropical diseases. World Health Organization, Geneva; 2017
8. Allocution du Dr Margaret Chan, Directeur général, à la Soixante-Neuvième Assemblée mondiale de la Santé.
http://www.who.int/dg/speeches/2016/wha-69/fr
9. OMS. Action mondiale pour lutter contre les vecteurs 2017–2030. Organisation mondiale de la Santé, Genève; 2016
http://www.who.int/entity/malaria/areas/vector_control/Draft-WHO-GVCR-2017-2030-fre.pdf
10. Patouillard, E, Griffin, JT, Bhatt, S, Ghani, AC, and Cibulskis, R. Global investment targets for malaria control and elimination 2016-2030. BMJ Global Health. 2017; 2: e000176