E Parker
95% of the rabies cases in humans are transmitted by dogs.
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Élimination de la rage en Inde par la sensibilisation, le traitement et la vaccination

28 septembre 2016

La rage, transmise à l’homme principalement par les morsures de chien, est toujours mortelle à partir du moment où les premiers symptômes se manifestent, mais elle est tout à fait évitable.

La transmission par les chiens est à l’origine de 95% des cas humains de rage.
E. Parker

Par un après-midi particulièrement chaud à Bangalore (Inde), un couple amène son enfant malade aux services d’urgence dans un hôpital public de soins neurologiques. La femme porte son enfant dans ses bras tandis que son compagnon la suit avec deux autres enfants, tous pieds nus et portant des vêtements en loques.

Le diagnostic de rage est posé et l’enfant meurt dans les heures qui suivent son admission. Mordu par un chien errant un mois avant, il n’a pas bénéficié à temps des soins médicaux qui auraient pu lui sauver la vie.

N’ayant pas les moyens de payer la crémation, la famille quitte discrètement l’hôpital peu après le diagnostic et on ne la verra plus. Le corps de l’enfant repose pendant plusieurs semaines à la morgue sans être réclamé et finit par être incinéré par la police.*

Les frais catastrophiques à la charge des familles et le manque de transport à partir des zones rurales empêchent les plus pauvres en Inde d’avoir accès aux services de soins de santé primaires et leur laissent supporter le fardeau de la rage.

Une maladie évitable

La rage, transmise à l’homme principalement par les morsures de chien, est toujours mortelle à partir du moment où les premiers symptômes se manifestent, mais elle est tout à fait évitable.

Un moyen efficace de prévenir l’infection consiste à laver soigneusement à l’eau et au savon les plaies dues aux morsures; par ailleurs, il existe la vaccination pré et postexposition pour les êtres humains. Il est possible de parvenir à l’élimination mondiale de la maladie par la vaccination de masse des chiens, à l’origine de 95% des cas de rage chez l’homme.

Pourtant, on estime que 59 000 personnes meurent de la rage dans le monde chaque année, environ 90% de ces décès surviennent chez les enfants vivant dans les zones rurales d’Afrique et d’Asie. Rien qu’en Inde, les estimations vont de 18 000 à 20 000 décès humains dus à la rage chaque année. Nombre d’entre eux sont des enfants, qui meurent souvent en dehors des établissements médicaux, ce qui signifie que ces décès ne sont pas enregistrés.

«On ignore l’ampleur véritable du problème de la rage en Inde», déplore le représentant de l’OMS pour ce pays, Hendrik Bekedam. «L’incidence notifiée est probablement sous-estimée car, en Inde, la rage n’est toujours pas une maladie à déclaration obligatoire.»

Mettre fin aux décès humains dus à la rage transmise par les chiens d’ici 2030

En décembre 2015, des pays du monde entier se sont réunis avec l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Alliance globale contre la rage (GARC) et ont décidé de mettre fin aux décès humains dus à la rage transmise par les chiens d’ici 2030. Le Dr Margaret Chan, Directeur général de l’OMS, a reconnu que l’élimination de cette maladie était à notre portée en disant: «La rage appartient aux livres d’histoire.».

Dans le cadre de l’Initiative One Health, l’OMS, l’OIE, la FAO et la GARC travaillent sur des campagnes simultanées pour éliminer la rage canine par la vaccination des chiens, par le traitement des expositions humaines à cette maladie au moyen du nettoyage des plaies et de la prophylaxie postexposition et par l’amélioration de l’éducation sur la prévention de la rage là où elle est le plus nécessaire.

Pour mettre fin aux décès humains dus à la rage transmise par les chiens d’ici 2030, il faudra que l’Inde joue un rôle actif: on y observe une forte concentration de cas, mais elle a également une vaste expertise technique et les ressources nécessaires pour mener une coopération avec les autres pays de la région.

«L’élimination de la rage en Inde est une tâche énorme, mais pas impossible», reconnaît le Dr Reeta Mani, Professeur agrégé à l’Institut national indien de la santé mentale et des neurosciences (NIMHANS : National Institute of Mental Health & Neurosciences). «La lutte contre la rage canine au moyen de la vaccination et de la limitation de la reproduction des chiens est impérative, bien qu’il s’agisse d’une tâche considérable dans un pays qui compte 25 millions de chiens errants.»

Si la taille de la population canine en Inde constitue un obstacle important, le Dr Mani évoque des développements récents positifs: «Les efforts de collaboration entre le secteur médical, le secteur vétérinaire et celui de la santé publique ont déjà apporté un réel changement. Nous avons observé une amélioration des taux de vaccination pré-exposition dans les populations vulnérables, comme les enfants, et une meilleure connaissance de la nécessité de la prophylaxie postexposition après une morsure.».

Ces dernières années, l’Inde a vaincu la poliomyélite, le pian et le tétanos maternel et néonatal. C’est une démarche collaborative qui permettra à cette génération d’assister aussi à la fin de la rage en Inde.

Une réserve de vaccins antirabiques à usage humain

De nombreux pays éprouvent des difficultés pour évaluer et prévoir la demande en vaccins antirabiques, ce qui peut entraîner des retards et des ruptures de stock sur le marché. Pour y remédier, l’OMS planifie la création d’une réserve de vaccins antirabiques à usage humain, à l’instar de la réserve de vaccins antirabiques à usage canin récemment créée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

«L’OMS cherche à mieux appréhender les besoins non satisfaits en vaccins à usage humain et la logistique nécessaire pour amener ces médicaments essentiels là où ils sont le plus indispensables: dans les populations rurales mal desservies», explique le Dr Bernadette Abela-Ridder, Chef d’équipe à l’OMS pour les zoonoses négligées. «En aidant les pays à prévoir leurs besoins, et en compilant ces données dans les besoins mondiaux, nous stabiliserons la demande permettant ainsi aux fabricants d’y répondre.». La réserve devrait être opérationnelle d’ici fin 2017.

Cette année, le thème de la Journée mondiale contre la rage, marquée le 28 septembre, est: «Rage: éduquer, vacciner, éliminer».


* Histoire rapportée à l’origine par le Dr Reeta Mani et publiée dans PLOS.

 

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