« Les enfants qui suivent un traitement contre le cancer sont confrontés à des défis qui vont au-delà de la maladie physique, » explique le professeur Sergey Sharikov qui dirige le projet d’écoles à l’hôpital « Nous enseignons/ils apprennent. » L’objectif du projet est d’inspirer et d’apporter du bonheur à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les enfants qui suivent un traitement contre le cancer. Selon sa philosophie, l’apprentissage ne se limite pas à l’acquisition de connaissances, il est un élément clé de la résilience psychologique des enfants face à une maladie potentiellement mortelle.
« Pour les enfants hospitalisés en raison de leur maladie, l’éducation peut signifier que la vie ne s’arrête pas avec un diagnostic, » ajoute le professeur Sharikov. « Grâce à des cours personnalisées et au soutien d’enseignants dévoués, les enfants du programme peuvent, pendant le traitement, poursuivre leurs intérêts, de l’art à la science, et se fixer des objectifs pour la vie, après leur guérison. »
Lancée en 2011 au Centre national de recherche Rogachev d’hématologie, d’oncologie et d’immunologie pédiatriques de la Fédération de Russie, cette initiative s’est depuis étendue à des écoles en Ouzbékistan et au Kirghizistan. Ces pays ont adapté le programme éducatif à leur contexte local, en créant des écoles à l’hôpital qui répondent aux besoins de leurs communautés.
« Nous devons montrer la lumière »
Si les taux de survie des cancers pédiatriques se sont rapidement améliorés ces dernières décennies dans la Région européenne de l’OMS, tous les enfants ne jouissent pas d’une égalité d’accès aux outils de diagnostic et à un traitement de qualité. Bien que plus de 80 % des cancers pédiatriques puissent être guéris, le taux de mortalité annuel des enfants chez qui un cancer a été diagnostiqué varie de 9 à 57 % selon les pays. Dans l’ensemble, 20 % des enfants chez qui un cancer a été diagnostiqué meurent encore de cette maladie dans la Région.
Ayant lui-même été confronté à un cancer, le professeur Sharikov parle sans détours de l’impact émotionnel de la maladie : « j’ai eu un cancer à l’âge adulte, pas pendant mon enfance. Je sais de quoi il en retourne. Pour moi, il est évident que lorsque nous parlons du cancer, nous devons montrer la lumière. Le parcours d’un malade atteint de cancer est parsemé d’ombres, c’est pourquoi nous devons nous rappeler qu’il y a aussi un côté positif. L’inspiration a le pouvoir de guérir, et c’est ce que nous essayons d’apporter dans nos écoles. »
Le professeur Sharikov cite Stepan Khotovitsky, un médecin russe du XIXe siècle et l’un des pères fondateurs de la pédiatrie dans le pays : « les enfants ne sont pas des adultes en miniature. » C’est particulièrement vrai pour les enfants atteints de cancer. Pour supporter les traitements et surmonter la pression mentale, ils ont besoin d’approches différentes adaptées à leurs besoins spécifiques.
Les séjours à l’hôpital peuvent être longs et les traitements sont physiquement et mentalement épuisants. L’absence de routine et la séparation d’avec les amis et les camarades de classe peuvent donner aux enfants le sentiment d’être coupés de la normalité. « Pour beaucoup de ces enfants, l’éducation est le fil qui les relie au monde qu’ils connaissaient avant. En ce sens, notre objectif est de réconforter les enfants grâce à nos cours, de préserver ce sentiment de normalité, » explique le professeur Sharikov.
L’école Mehrli Maktab en Ouzbékistan
Dans la partie sud-ouest de Tachkent, la capitale ouzbèke, se trouve l’un des établissements les plus récents du projet international « Nous enseignons/ils apprennent, » à savoir l’école Mehrli Maktab. L’école est située dans l’aile sud du Centre médical scientifique et pratique d’oncologie, d’hématologie et d’immunologie pédiatriques, et enseigne aux enfants de 2 à 18 ans des matières telles que l’électronique, l’informatique, la musique et les mathématiques.
L’année dernière, les élèves de l’école Mehrli Maktab ont remporté un succès remarquable lors du Festival international de la jeunesse de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) « La planète de l’art – 2024, » qui s’est tenu au Kazakhstan. Onze élèves de l’école ont été récompensés en tant que lauréats et finalistes, Samira Idrisova remportant la palme. L’exposition finale des meilleures œuvres s’est tenue au siège de l’UNESCO à Paris (France), où les œuvres des enfants ont reçu une reconnaissance internationale.
Grâce au soutien actif du ministère de l’Éducation préscolaire et scolaire et du ministère de la Santé, l’école Mehrli Maktab se développe dans l’ensemble de l’Ouzbékistan. Des succursales ont déjà été créées à Andijan, Fergana et Noukous, et de nouveaux sites sont en cours d’ouverture à Namangan, Samarkand et Boukhara. Chaque réalisation est une source d’inspiration et prouve que les talents des élèves peuvent rendre le monde plus lumineux et plus bienveillant.
Investir dans l’avenir de tous
« Le partenariat avec l’Ouzbékistan et le Kirghizistan est inestimable, » précise le professeur Sharikov. « Nous avons beaucoup appris les uns des autres sur la manière d’adapter l’enseignement et le soutien émotionnel aux défis spécifiques auxquels sont confrontés les enfants dans différents pays. »
Aujourd’hui, plus de 70 hôpitaux et centres de traitement du cancer de la Région accueillent des centres d’enseignement dans le cadre du projet « Nous enseignons/ils apprennent. » En Ouzbékistan et au Kirghizistan, le projet a permis de créer respectivement 7 et 2 écoles, et l’aventure ne fait que commencer.
« Ces enfants ne sont pas seulement des patients atteints de cancer, ce sont de futurs scientifiques, artistes et dirigeants. En investissant dans leur éducation, nous investissons dans un avenir meilleur pour nous tous, » conclut le professeur Sharikov.