Chios en flammes : regard d'un photographe sur une menace croissante pour la santé

11 juillet 2025
Dimitris Tosidis / OMS
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Le ciel rougi par les flammes, sur lequel se découpent les toits de Vrontados, une petite ville de Chios.

« Le bruit d'un incendie qui fait rage est terrifiant – on l'entend souvent avant de le voir », explique le reporter-photographe Dimitris Tosidis. « Ce bruit indique qu'il se rapproche, même si le feu est à une certaine distance. C'est à ce moment-là que l'on comprend vraiment la menace qu'il représente ».

Au mois de juin, Tosidis était en reportage à Chios, une île isolée couverte principalement de maquis épais et de pâturages, située à 7 à 10 heures de bateau de la Grèce continentale. 

Il n'avait pas prévu de photographier des incendies, mais lorsqu'il a appris que plusieurs d'entre eux s'étaient déclarés, il s'est directement rendu sur les lieux. En tant que reporter-photographe, Tosidis avait déjà couvert des incendies, mais il déclare que chacun d'entre eux est un rappel de leur impact dévastateur, non seulement sur l'environnement, mais aussi sur la santé humaine. 

À Chios, il a constaté une fois de plus avec quelle rapidité la fumée, la chaleur et la peur provoquées par les incendies peuvent terrasser une communauté.

 

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Une colline boisée en feu à Vrontados. De nombreux habitants se sont portés volontaires pour s'attaquer aux flammes et tenter de protéger les personnes âgées qui n'avaient pas été évacuées.

Cet été, la Grèce, comme d'autres pays d'Europe, a connu des chaleurs extrêmes, produisant des conditions qui aggravent les incendies. Ceux qui se sont déclarés à Chios le 22 juin se sont propagés rapidement, consumant plus de 4 000 hectares de forêts et de terres agricoles, soit une superficie équivalente à plus de 10 000 terrains de football. 

Le premier jour, quelque 190 pompiers et 35 véhicules ont été déployés, soutenus par 5 hélicoptères et 2 avions. Au troisième jour, des renforts de lutte contre les incendies avaient été déployés depuis toute la Grèce et le nombre d'intervenants d'urgence était passé à 444 pompiers, avec 85 véhicules, tandis que le soutien aérien se présentait sous la forme de 11 hélicoptères et de 2 avions bombardiers d'eau. 

Le 25 juin, les autorités grecques ont déclaré l'état d'urgence et émis de multiples ordres d'évacuation pour Chios, alors que les flammes ravageaient les forêts et les terres agricoles de l'île. 

Pas moins de 20 localités ont été évacuées, avec des dommages aux maisons, aux véhicules et aux infrastructures. Trois bâtiments d’habitation ont été complètement détruits.

 

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La fumée obscurcit le ciel alors qu'un incendie ravage le maquis.

Selon les autorités grecques, la possibilité d’un acte criminel est envisagée comme cause des incendies de Chios. Mais Tosidis pense qu'en raison du changement climatique, les incendies se déclarent plus tôt dans l'année, durent plus longtemps et se transforment plus rapidement en embrasement massif.

« C’est ma propre expérience de la lutte contre les incendies dans ma ville natale de Thessalonique qui est ma plus grande motivation pour documenter ce que nous appelons le changement climatique », déclare-t-il.  

« Lorsque vous vous approchez d'un feu, la chose la plus importante à comprendre est que le vent peut tourner ; dans ce cas-là, la fumée vous atteint et vous ne pouvez plus respirer. Vous devez vous placer dans le sens du vent. Généralement, j'ai un équipement de protection - une combinaison et un masque avec une ventilation et des filtres - mais comme je ne m'attendais pas à couvrir ces incendies, je n'avais rien de tout cela avec moi ».

 

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Sur l'île de Chios, des habitants font de leur mieux pour contenir un incendie qui grignote du terrain vers leurs maisons, en attendant l'arrivée des pompiers.

« Lorsque je suis arrivé sur les lieux, les habitants tentaient par tous les moyens d'éteindre les prémices d'un incendie sur leur terrain. Je leur ai dit : « Vu la façon dont le vent souffle, le feu atteindra votre propriété dans 40 minutes environ ».

L'inhalation de fumée représente un risque majeur à proximité des incendies de forêt : « Lorsque les gens protègent leurs biens, ils n'y pensent pas », déclare Tosidis. « Ils ne pensent pas à l'impact que cela pourrait avoir sur leur santé par la suite. »

 

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Le feu atteint les murs extérieurs d'une maison, et la propriétaire tente d'aider un pompier.

« Lorsque le feu a atteint la maison, le chaos a régné pendant une dizaine de minutes », relate Tosidis. Son collègue et lui-même ont déposé leur appareil photo pour aider à lutter contre le brasier.

« Je pense que j'étais plus inquiet que les propriétaires, bien qu'ils aient déjà eu l'expérience d'un incendie à proximité de leur propriété. Quand il arrive, le feu peut se déplacer tellement vite ! »

Comme plusieurs incendies brûlaient simultanément en divers points de l'île, il a fallu un certain temps avant que les pompiers n'arrivent. Lorsqu'ils ont été là, ils ont réussi, avec l'aide des habitants, à sauver cette propriété et le quartier.

 

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Les pompiers larguent de l'eau depuis un avion pour éteindre les flammes.

« J'ai été très impressionné par le niveau de préparation et d'organisation des habitants de Chios », dit Tosidis. « Ils avaient déjà formé des groupes de volontaires, ils avaient du matériel, ils se tenaient prêts avec de l'eau pour éteindre les flammes ».

Étant donné que l'île est très isolée et que certains endroits sont difficiles d'accès, les communautés locales sont souvent les premières à intervenir. « Les gens sont venus apporter leur aide depuis les villages situés de l'autre côté de l'île, où il n'y avait pas de danger. Je pense que c'est grâce à ce travail d'équipe et aux préparatifs des communautés que les dégâts n'ont pas été plus importants. »

 

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Un volontaire apporte un tuyau aux pompiers près de la ville de Chios, la plus grande agglomération de l'île.

« Pour les photographes professionnels, la chose la plus importante est d'essayer de livrer la vérité », déclare Tosidis. « Il n’y a pas de filtre ; ce ne sont pas des gens qui, sur les médias sociaux, essaient d'avoir l’air plus beaux qu'ils ne le sont. Ce sont des catastrophes. C'est la vie réelle. »

« Une seule image peut vous inciter à marquer un temps d’arrêt et à réfléchir », ajoute-t-il. « Si elle raconte une histoire, on s'y arrête et on prend le temps de réfléchir et de remarquer ce qui se passe dans le cadre. » 

Tosidis décrit l'expérience « horrifiante » de voir des incendies indomptés s'approcher de votre forêt, de votre maison, de votre village ou de votre ville. « Les montrer, c'est le moins que je puisse faire. Je crois beaucoup à la formule « agir au niveau local, penser au niveau mondial ». Le changement commence dans votre quartier, dans votre maison, et c'est peut-être une façon de rendre notre monde meilleur. »

L'OMS/Europe est profondément préoccupée par les répercussions croissantes, sur la santé physique et mentale, des incendies, qui sont de plus en plus fréquents et dévastateurs dans la Région européenne de l'OMS. Afin de protéger la santé humaine et d'aider les communautés à préserver leur sécurité quand un incendie se déclare, l'OMS/Europe conseille de
  • se tenir informé : écoutez les autorités locales et suivez les ordres d'évacuation si nécessaire ;
  • réduire l'exposition à la fumée : gardez les fenêtres et les portes fermées, et utilisez des purificateurs d'air si vous en avez ;
  • s’enquérir d’autrui : les enfants, les seniors, les femmes enceintes et les personnes ayant des problèmes de santé sont ceux qui courent le plus de risques. Restez en contact et aidez-les dans la mesure du possible ;
  • utiliser un masque approprié : si vous devez sortir, portez un masque bien ajusté qui vous aidera à filtrer les particules de fumée nocives ; 
  • obtenir une aide médicale si nécessaire : si vous ou vos proches avez des difficultés à respirer, des douleurs thoraciques ou une forte toux, demandez immédiatement une assistance médicale.
À l’heure où la crise climatique se transforme en une urgence de santé publique, nous devons nous unir pour assurer la sécurité des personnes et protéger les plus vulnérables. 

 

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