Aperçu de la situation
Description de la situation
L’insécurité a continué d’entraver la riposte à la maladie à virus Ebola (MVE) la semaine dernière. Le 3 mai, à Katwa, une équipe chargée des enterrements dignes et sécurisés a été violemment attaquée après l’enterrement d’une personne décédée de la MVE. À Butembo et dans les zones de santé environnantes, les activités de riposte ont été interrompues de façon répétée en raison de plusieurs incidents de sécurité graves survenus entre le 4 et le 6 mai. Le 8 mai, un groupe de plus de 50 miliciens armés a infiltré le centre-ville. Les forces de sécurité ont repoussé l’attaque après un échange de tirs intense à proximité des résidences du personnel. Bien que les activités aient repris le 9 mai, après une suspension de près de cinq jours, les menaces de nouvelles attaques contre les équipes d’intervention et les centres de traitement Ebola restent courantes.
Ces incidents de sécurité, et en particulier l’inaccessibilité des communautés touchées par la MVE qui en résulte, demeurent un obstacle majeur à la riposte, les équipes ne pouvant assurer une surveillance robuste ni fournir les traitements et les vaccinations nécessaires. Les attaques violentes qui ont cours actuellement sèment la peur, perpétuent la méfiance et aggravent encore la multitude de difficultés auxquelles sont déjà confrontés les agents de santé de première ligne. Sans l’engagement de tous les groupes à mettre fin à ces attaques, il est peu probable que cette épidémie de MVE puisse rester sous contrôle dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
La transmission la plus intense concerne toujours les zones de santé sensibles de Katwa, Butembo, Mandima, Mabalako, Musienene, Beni et Kalunguta, qui représentent collectivement la grande majorité (93 %) des 303 cas notifiés au cours des 21 derniers jours entre le 17 avril et le 7 mai 2019 (Figure 1 et Tableau 1). Au cours de cette période, 78 aires de santé dans 15 des 21 zones de santé touchées à ce jour ont signalé de nouveaux cas (Figure 2). On s’attend à ce que la reprise des activités de riposte entraîne une augmentation substantielle du nombre de cas signalés au cours des semaines à venir en raison du retard accumulé à cause des perturbations.
Au 7 mai, le nombre total de cas confirmés et probables notifiés s’élevait à 1600, dont 1069 décès (soit un taux de létalité de 67 %). Parmi tous les cas dont l’âge et le sexe avaient été consignés, 57 % (907) étaient de sexe féminin et 30 % (475) étaient des enfants de moins de 18 ans. Le nombre d’agents de santé touchés a augmenté, s’établissant désormais à 97 (6 % du total des cas). À ce jour, 442 patients atteints de MVE soignés dans des centres de traitement Ebola (CTE) en sont sortis guéris.
Adaptation des stratégies de vaccination
Le 7 mai 2019, le Groupe stratégique consultatif d’experts (SAGE) a publié de nouvelles recommandations sur la vaccination contre le virus Ebola à la lumière du nombre croissant de cas de MVE et de l’insécurité persistante qui caractérise l’épidémie qui sévit en République démocratique du Congo (cliquez ici pour accéder aux recommandations complètes). Le SAGE a formulé des recommandations concernant l’ajustement de la dose vaccinale, l’élargissement des critères permettant de bénéficier du vaccin, l’amélioration des opérations de vaccination en anneau et le renforcement de la formation des agents de santé locaux pour appuyer les activités de lutte contre la MVE.
La dose vaccinale du rVSV ZEBOV GP et les critères à remplir pour recevoir le vaccin ont été revus. Pour les personnes exposées à un risque élevé, comme les contacts et les contacts des contacts, les nouvelles recommandations du SAGE préconisent l’administration de 0,5 ml de vaccin au lieu de 1 ml. Cette dose a déjà été utilisée lors de l’essai « Ebola ça suffit ! » mené en Guinée en 2015 et devrait être aussi efficace dans l’épidémie de MVE en cours. Les personnes à plus faible risque recevront désormais 0,2 ml de vaccin. Le SAGE recommande également d’élargir l’accès au vaccin à un plus grand nombre de personnes dans les zones de santé touchées. En plus des personnes à haut risque, il est maintenant recommandé de proposer le vaccin rVSV ZEBOV GP aux personnes qui sont des contacts potentiels du fait qu’elles habitent dans des villages ou des quartiers où des cas incidents (c.-à-d. des cas de MVE notifiés au cours des 21 derniers jours) ont été signalés. Le SAGE estime que l’élargissement des critères permettant de recevoir le vaccin permettrait de répondre en partie aux sollicitations des communautés des zones de santé touchées qui demandent que le vaccin soit plus largement disponible, de favoriser une plus grande confiance et de renforcer la volonté des communautés de participer à d’autres activités de riposte à la MVE.
Le SAGE a conseillé d’adapter l’approche opérationnelle de la vaccination en anneau, en recourant à deux méthodes principales : la vaccination sur site éphémère et la vaccination géographique ciblée. La vaccination sur site éphémère consiste à inviter les contacts et les contacts des contacts à se faire vacciner dans un endroit temporaire, convenu au préalable, à une certaine distance du lieu d’habitation des contacts. La vaccination géographique ciblée concerne des villages ou des quartiers entiers dans lesquels l’insécurité ne permet pas d’identifier avec précision les contacts et les contacts des contacts ; tous les habitants de ces villages ou quartiers se voient donc proposer le vaccin qui sera administré dans un lieu fixe où la sécurité est assurée. Ces deux méthodes de vaccination ont déjà été utilisées avec succès auparavant et devraient rendre le processus de vaccination plus efficace et plus sûr, tant pour les prestataires de soins de santé que pour les patients dont ils s’occupent.
Le SAGE recommande également de proposer un autre vaccin que le rVSV-ZEBOV-GP aux personnes à faible risque dans les aires de santé ou les zones avoisinantes touchées. L’OMS a examiné les données scientifiques fournies par deux fabricants de vaccins ; le vaccin expérimental contenant l’adénovirus 26 exprimant la glycoprotéine du virus Ebola / MVA-BN (Ad26.ZEBOV/MVA-BN) est à l’étude et fait l’objet d’une évaluation par une coalition dirigée par la Coalition for Epidemic Preparedness (CEPI) et la London School of Hygiene and Tropical Medicine. À l’heure actuelle, ce vaccin est en phase avancée dans les essais officiels et devrait être déployé sur le terrain dans un proche avenir. Ces efforts vont dans le sens des recommandations antérieures du SAGE relatives à la nécessité de mener d’autres études pour évaluer l’efficacité d’autres vaccins contre le virus Ebola.
Le SAGE a également soutenu la proposition d’introduire d’autres formulaires de consentement éclairé et d’autres procédures de suivi susceptibles de simplifier et d’accélérer à la fois les processus de vaccination et les processus de suivi de l’innocuité du vaccin. À part les femmes enceintes qui feront l’objet d’un suivi actif jusqu’à l’accouchement ou la fin de la grossesse et les nourrissons âgés de 6 à 12 mois qui recevront une seule visite au 21e jour, toutes les autres personne vaccinées seront suivies par le biais d’une notification passive des manifestations indésirables par téléphone.
Outre les recommandations techniques, l’OMS et ses partenaires travaillent en étroite collaboration avec les habitants des communautés touchées par le virus Ebola afin de leur donner les moyens de s’approprier davantage la riposte. En intensifiant la formation et la collaboration avec les membres des communautés locales, l’OMS vise à faire en sorte que, d’ici la fin du mois, la majorité des équipes de vaccination soient composées de prestataires de soins locaux. La satisfaction des demandes communautaires formulées dans le cadre de projets de développement et l’assurance que toutes les personnes habitant dans les zones à risque sont bien informées de la situation de l’épidémie, de la prévention de la transmission et de la disponibilité de soins via des initiatives de communication de masse font également partie des éléments clés de l’appropriation de la riposte par les communautés.
Cas confirmés et probables de maladie à virus Ebola en fonction de la semaine d’apparition de la maladie, par zone de santé. Données au 7 mai 2019*

*Les données des dernières semaines sont sujettes à des retards dans la confirmation et la notification des cas, ainsi qu’au nettoyage en cours des données. Autres zones de santé : Biena, Bunia, Kalunguta, Kayna, Komanda, Kyondo, Lubero, Mangurujipa, Masereka, Musienene, Mutwanga, Nyankunde, Oicha, Rwampara et Tchomia.
Figure 2 : Répartition des cas confirmés et probables de maladie à virus Ebola par aire de santé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, République démocratique du Congo, données au 7 mai 2019

Tableau 1 : Cas confirmés et probables de maladie à virus Ebola et nombre d’aires de santé touchées, par zone de santé, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, République démocratique du Congo, données au 7 mai 2019**
**Le nombre total de cas et d’aires touchées au cours des 21 derniers jours est calculé en fonction de la date de la première alerte concernant des cas, qui parfois n’est pas la même que la date de confirmation, et il peut y avoir aussi des différences avec les notifications quotidiennes du Ministère de la santé.
Action de santé publique
Pour des informations détaillées sur les actions du Ministère congolais de la santé, de l’OMS et des partenaires en matière de santé publique, veuillez consulter les derniers rapports de situation publiés par le Bureau régional OMS de l’Afrique :
Évaluation du risque par l’OMS
L’OMS suit en permanence l’évolution de la situation épidémiologique et du contexte de l’épidémie pour s’assurer que l’appui à la riposte est adapté à l’évolution des circonstances. D’après la dernière évaluation, le risque demeure très élevé aux niveaux national et régional, mais faible à l’échelle mondiale. On constate une augmentation hebdomadaire du nombre de nouveaux cas depuis la fin février 2019. La détérioration générale de la situation sécuritaire et la persistance de poches de méfiance au sein des communautés, exacerbées par les tensions politiques et l’insécurité, ont entraîné des suspensions temporaires récurrentes et des retards dans les enquêtes sur les cas et les activités de riposte dans les zones touchées, réduisant l’efficacité globale des interventions. Toutefois, le dialogue communautaire récemment instauré, les initiatives de sensibilisation et le rétablissement de l’accès à certains points névralgiques ont permis d’améliorer l’acceptation par les communautés des activités de riposte et des enquêtes sur les cas. La forte proportion de décès dans les communautés signalés parmi les cas confirmés, la proportion relativement faible de nouveaux cas qui étaient des contacts connus sous surveillance, l’existence de chaînes de transmission liées aux infections nosocomiales, les retards persistants dans la détection et l’isolement dans les CTE, et les difficultés à notifier en temps utile les cas probables et à intervenir sans délai sont autant de facteurs qui augmentent la probabilité d’apparition de nouvelles chaînes de transmission dans les communautés touchées et le risque de propagation géographique en République démographique du Congo et dans les pays voisins. Les nombreux mouvements de population des zones touchées par la flambée vers d’autres zones de la République démocratique du Congo et, par-delà les frontières poreuses, vers les pays limitrophes pendant les périodes d’insécurité accrue, augmentent encore les risques. La longueur de la flambée actuelle, la fatigue du personnel chargé de la riposte et les ressources limitées représentent des risques supplémentaires. À l’inverse, la bonne préparation opérationnelle et les activités de préparation dans plusieurs pays limitrophes ont probablement renforcé la capacité à détecter rapidement les cas et atténué la propagation au niveau local. Il est toutefois indispensable que ces activités continuent d’être mises en œuvre à plus grande échelle.
Conseils de l’OMS
Sur la base des informations actuellement disponibles, l’OMS déconseille d’instaurer des restrictions aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la République démocratique du Congo. Il n’existe actuellement aucun vaccin homologué pour protéger les populations contre le virus Ebola. Par conséquent, il n’est pas raisonnable d’exiger un certificat de vaccination anti-Ebola pour limiter la circulation transfrontalière ou la délivrance de visas aux passagers quittant la République démocratique du Congo. L’OMS continue de surveiller attentivement les mesures prises pour les voyages et le commerce en relation avec cet événement, effectuant les vérifications nécessaires le cas échéant. Pour le moment, aucun pays n’a pris de mesures entravant sensiblement les voyages internationaux à destination ou en provenance de la République démocratique du Congo. Les voyageurs doivent demander conseil à leur médecin avant de partir et respecter les règles d’hygiène.
Pour de plus amples informations, voir :
- Le Directeur général de l’OMS réitère la volonté de riposter au virus Ebola malgré une nouvelle attaque
- L’OMS s’inquiète des dégâts causés aux centres de traitement Ebola en RDC (en anglais)
- Highlights from the April 2019 meeting of the IHR Emergency Committee on the EVD outbreak in the Democratic Republic of the Congo
- Points forts de la réunion du Comité d’urgence du RSI portant sur la flambée de maladie à virus Ebola en République démocratique du Congo qui s’est tenue en avril 2019 (en anglais)
- Recommandations provisoires de l’OMS sur la vaccination anti-Ebola (en anglais)
- La riposte à Ebola en République démocratique du Congo risque de faiblir
- Recommandations de l’OMS à l’intention des voyageurs internationaux concernant l’épidémie de maladie à virus Ebola en République démocratique du Congo
- Maladie à virus Ebola en République démocratique du Congo – Préparation opérationnelle dans les pays limitrophes
- Aide-mémoire sur la maladie à virus Ebola