Bulletins d'information sur les flambées épidémiques

Disease outbreak news - Ethiopie

25 mai 2020

Aperçu de la situation

Entre le 2 et le 8 avril 2020, six cas humains suspects de dracunculose dans le village de Duli, district de Gog, région de Gambella (Éthiopie), ont été notifiés à l’OMS.

Description de la situation

Entre le 2 et le 8 avril 2020, six cas humains suspects de dracunculose dans le village de Duli, district de Gog, région de Gambella (Éthiopie), ont été notifiés à l’OMS. Au 27 avril 2020, le programme éthiopien d’éradication de la dracunculose avait détecté une autre personne avec un ver émergé, morphologiquement similaire au ver de Guinée humain, ce qui porte le total à sept cas suspects. Cette notification fait suite à plus de deux années consécutives sans aucun cas signalé, les derniers cas ayant été notifiés en décembre 2017. Depuis sa création en 1993, le programme éthiopien a fait des progrès remarquables vers l’interruption de la transmission de cette maladie chez l’homme malgré l’existence d’une faible transmission du parasite chez des hôtes non humains tels que les chiens et les babouins péridomestiques.

Parmi ces sept cas suspects, cinq ont été détectés du côté Angota du village de Duli et deux dans les villages de Metaget Dipach et Wadmaro à Gog Dipach Kebele. Toutes les personnes infectées ont utilisé de l’eau de boisson insalubre provenant d’étangs situées dans des fermes. Ces sources d’eau ont été associées à l’infection des babouins en juin 2019 dans le même village.

Des spécimens de vers provenant de tous les cas suspects ont été recueillis et sont prêts à être envoyés au laboratoire des Centers for Disease Control des États-Unis d’Amérique pour confirmation.1. Morphologically, all specimens are consistent with Dracunculus medinensis.

Figure 1. Évolution des cas de dracunculose par année de 1993 à 2020 (du début de l’année à ce jour*)

 

* Les sept cas de 2020 sont en attente de confirmation.

Action de santé publique

En réponse à l’épidémie, une équipe composée de membres de l’Institut éthiopien de santé publique, du Bureau régional de santé de Gambella et du Carter Center, principal partenaire mondial de l’OMS pour soutenir l’éradication du ver de Guinée, a mené une enquête préliminaire et mis en place les mesures d’intervention immédiate

suivantes :

  • Au 11 mai 2020, une recherche active des cas avait été menée dans sept villages (les villages où les cas ont été détectés et les villages à risque voisins). Les enquêteurs ont sondé 217 ménages et 1 447 personnes ont été interrogées et ont reçu une éducation sanitaire dans le district de Gog. De même, 2 302 personnes ont été interrogées dans des villages voisins et dans trois zones non villageoises du district d’Abobo.
  • Au 8 mai 2020, un total de 173 cas suspects ont été identifiés et admis dans un centre de confinement des cas pour un suivi étroit ; 108 ont été pu quitter le centre et les 65 cas suspects restants, qui comprennent les sept cas suspects susmentionnés, pourront rentrer chez eux si la dracunculose est exclue.
  • L’année dernière, 557 personnes ayant utilisé la ou les mêmes sources d’eau que les sept cas suspects actuels ont été identifiées. Elles sont suivies quotidiennement sur leur lieu de résidence par les volontaires du village, les agents de lutte contre le ver de Guinée et les agents de vulgarisation sanitaire.
  • Un traitement larvicide à base d’abate a été appliqué dans tous les étangs concernés connus des fermes de Duli et des villages de Metaget Dipach et Wadmaro dans le Gog Dipach Kebele. Cette opération sera répétée chaque mois jusqu’à la fin de la saison de transmission.
  • Les pratiques d’utilisation des filtres ont été évaluées pendant l’inspection, et 80 tuyaux et 60 filtres en tissu ont été distribués en remplacement.
  • L’OMS a fourni des conseils sur la manière de mener les activités de lutte contre la dracunculose sur le terrain pendant la pandémie de COVID-19.
  • L’OMS a maintenu un solide système de surveillance dans tous les camps de réfugiés des régions de Gambella et de Benishangul Gumuz.

Évaluation du risque par l’OMS

La dracunculose, une maladie tropicale négligée, est causée par le parasite Dracunculus medinensis (nématode ou ver rond).

Elle est généralement transmise par l’eau de boisson contenant des puces d’eau – également appelées copépodes (petits crustacés) – qui sont infectées par des larves deD. medinensis. Manger du poisson cru ou d’autres animaux aquatiques portant des larves infectées par le ver de Guinée est une autre voie de transmission plausible. Après l’ingestion, les larves migrent à travers la paroi intestinale dans les tissus corporels, où elles se transforment en vers adultes et migrent lentement dans les tissus sous-cutanés vers la surface de la peau, provoquant des cloques douloureuses qui se rompent au contact de l’eau, permettant au ver femelle d’émerger et de libérer des larves.

Les larves sont ingérées par les copépodes et au bout de deux semaines, ces larves se métamorphosent dans les cavités corporelles des copépodes et deviennent infectieuses. À partir du moment où l’infestation se produit, il faut entre 10 et 14 mois pour que le cycle de transmission s’achève et qu’un ver parvenu à maturité émerge du corps.

Les symptômes de la dracunculose peuvent comprendre des vertiges, une légère fièvre, une éruption cutanée inconfortable, des nausées, des vomissements et une diarrhée.

Si le taux de mortalité est faible, l’invalidité est une conséquence courante de la dracunculose : les personnes infectées sont handicapées pendant des semaines ou des mois. Elles ont des difficultés à se déplacer en raison de la douleur et des complications causées par des infections bactériennes secondaires. Le handicap qui survient lors de l’extraction du ver et au cours du rétablissement empêche les gens de travailler dans leurs champs, de s’occuper des animaux, d’aller à l’école et de s’occuper de leur famille, ce qui crée un fardeau économique et social pour les communautés touchées ainsi qu’un cercle vicieux de pauvreté.

La dracunculose affecte les populations des communautés rurales, défavorisées et isolées qui, pour l’eau de boisson, sont essentiellement tributaires de points d’eau de surface à ciel ouvert comme les étangs. Elle touche les 10 % les plus pauvres de la population mondiale qui n’ont pas accès à l’eau potable ou aux soins de santé. Les personnes qui vivent dans des villages où il y a eu un cas récent de dracunculose chez l’homme ou l’animal sont les plus exposées.

Bien que la transmission du ver de Guinée soit limitée à deux districts seulement (Gog et Abobo de la région de Gambella) en Éthiopie, la présence de communautés difficiles à atteindre et le manque de sources d’eau potable dans les zones reculées non villageoises, un important afflux de réfugiés et des infections animales dont le rôle dans la transmission de la dracunculose est inconnu, demeurent des obstacles importants à l’élimination de la dracunculose en Éthiopie.

En Éthiopie, seule la région de Gambella reste endémique pour cette maladie. Les cas humains actuellement signalés se trouvent dans le district de Gog situé dans cette région. Dans les districts de Gog et d’Abobo de la région de Gambella, on signale une faible transmission du ver de Guinée chez les chiens et les babouins péridomestiques. Les communautés vivant dans cette zone sont donc plus exposées au risque de contracter la maladie.

Le risque de propagation internationale est faible. Toutefois, en raison des mouvements transfrontaliers réguliers de population entre l’Éthiopie et le Soudan du Sud, dus à l’insécurité dans le Soudan du Sud et aux activités des éleveurs nomades, le risque de propagation de la dracunculose entre les deux pays demeure élevé.

Dans le contexte de la pandémie COVID-19, les systèmes de santé sont mis à rude épreuve dans le monde entier en raison de la croissance rapide de la demande de services pour la prise en charge de cette maladie et d’autres maladies existantes. Le soutien du Carter Center et de l’OMS a permis de renforcer la surveillance active dans toutes les communautés des districts de Gog et d’Abobo, y compris celles qui vivent dans des zones transfrontalières, en particulier dans les camps de réfugiés et alentours, afin de prévenir toute propagation de la maladie au Soudan du Sud.

Conseils de l’OMS

Il n’existe ni vaccin pour prévenir cette maladie, ni médicament pour traiter les patients. La prévention est toutefois possible, et la maladie est sur le point d’être éradiquée grâce à la mise en œuvre des stratégies préventives suivantes :

  • renforcement de la surveillance pour détecter chaque cas dans les 24 heures suivant l’émergence du ver ;
  • prévention de la transmission par l’isolement et le traitement de chaque cas par un nettoyage régulier et le bandage des zones cutanées concernées jusqu’à ce que le ver soit complètement expulsé de l’organisme ;
  • prévention de la contamination de l’eau de boisson en empêchant les personnes ou les animaux hôtes infectés chez lesquels des vers émergent de patauger dans l’eau ;
  • élargissement de l’accès à des sources d’eau potable améliorées pour prévenir l’infection ;
  • filtrage de l’eau provenant de points d’eau à ciel ouvert avant de la boire ;
  • mise en œuvre de la lutte contre le vecteur à l’aide du larvicide téméphos ; e
  • promotion de l’éducation sanitaire et du changement de comportement.

Actuellement, il n’y a que cinq pays où la transmission de la maladie est autochtone : l’Angola, l’Éthiopie, le Mali,2 le Soudan du Sud et le Tchad. Chaque pays a son propre programme national d’éradication de la dracunculose.

Après avoir revendiqué l’interruption de la transmission, les pays d’endémie doivent démontrer et documenter l’absence de transmission autochtone de la dracunculose pendant au moins trois années consécutives pour pouvoir être pris en considération par la Commission internationale pour la certification de l’éradication de la dracunculose. La Commission décide, après une délibération satisfaisante, de recommander ou non le pays pour une certification par l’Organisation mondiale de la Santé de pays exempt de transmission du ver de Guinée.

Pour plus d’informations sur la dracunculose (maladie du ver de Guinée):

1Exigence de l’OMS : tous les spécimens de vers doivent être prélevés sur chaque cas pour confirmation en laboratoire et envoyés au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche, la formation et la lutte contre la dracunculose aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis d’Amérique.

2Le Mali n’a pas signalé de cas humains pendant quatre années consécutives (2016-2019) mais a continué de signaler une transmission autochtone chez les animaux.