Bulletins d'information sur les flambées épidémiques

Hépatite E - Tchad

8 mai 2024

Description de la situation

Aperçu de la situation

Le 5 mars 2024, le point focal national du Tchad pour le Règlement sanitaire international (RSI) a signalé à l’OMS une flambée épidémique d’hépatite E dans la province du Ouaddaï, dans l’est du Tchad. Depuis avril 2023, cette province connaît un important afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan, dont une majorité de femmes et d’enfants. Du 2 janvier au 28 avril 2024, un total de 2092 cas suspects d’hépatite E, dont sept décès (taux de létalité de 0,3 %), ont été notifiés dans deux districts sanitaires de la province du Ouaddaï : Adré et Hadjer-Hadid. Sur les 2092 cas suspects, 103 (4,9 %) provenaient de la communauté d’accueil et 1989 (95 %) ont été signalés dans sept camps de réfugiés et zones de transit. Des tests de diagnostic rapide (TDR) et l’amplification en chaîne par polymérase (PCR) ont permis de confirmer le diagnostic sur les échantillons collectés. Les groupes d’âge les plus touchés sont dans la tranche de 6-17 ans (1113 cas) et de 18-59 ans (500 cas), soit respectivement 53,2 % et 23,9 % des cas suspects. Au total, 27 cas suspects (1,3 %) ont été signalés chez des femmes enceintes. L’hépatite E survient souvent dans des situations de crise humanitaire, comme les zones de conflits et les sites pour personnes déplacées. L’accès limité à l’eau potable et l’insuffisance de l’assainissement et de l’hygiène augmentent le risque de flambées épidémiques d’hépatite E. Les autorités sanitaires nationales ont activé le centre d’opérations d’urgence de santé publique. L’OMS a déployé une équipe multidisciplinaire à Adré pour aider à mettre en place des interventions, qui se poursuivent avec le soutien des partenaires. La prévention est le moyen le plus efficace de lutter contre l’hépatite E. L’approvisionnement en eau potable, les bonnes pratiques d’hygiène, le respect de normes de qualité pour l’approvisionnement public en eau et la mise en place de services d’assainissement gérés en toute sécurité permettent de réduire de manière significative le risque de propagation. L’OMS évalue le risque comme étant élevé au niveau national, modéré au niveau régional et faible au niveau mondial.

Description de la situation

Le 5 mars 2024, le point focal national du Tchad pour le Règlement sanitaire international (RSI) a signalé à l’OMS une flambée épidémique d’hépatite E dans la province du Ouaddaï, dans l’est du Tchad. L’alerte initiale concernant deux cas de syndrome d’ictère aigu a été donnée le 2 janvier 2024 par l’équipe d’une unité mobile soutenue par Médecins Sans Frontières (MSF) Suisse opérant sur le site du lycée d’Adré, transformé en camp de réfugiés, dans le district sanitaire d’Adré, province du Ouaddaï.

Du 2 janvier au 15 février 2024, le district sanitaire d’Adré a signalé 113 cas de syndrome d’ictère aigu. Sur les 113 cas, 28 (24,7 %) ont été analysés à l’aide d’un test de diagnostic rapide (TDR) pour l’hépatite E par MSF Suisse, dont onze (39,2 %) étaient positifs. Le 19 février 2024, le district sanitaire de Hadjer-Hadid, limitrophe du district d’Adré, a également signalé son premier cas suspect d’hépatite E dans le camp de réfugiés d’Allasha.

Entre le 1er et le 19 mars 2024, 40 échantillons au total ont été analysés par PCR à l’Institut Pasteur de Dakar, au Sénégal, pour l’hépatite E, la fièvre jaune, la dengue, la fièvre du Nil occidental, la maladie à virus Zika, le chikungunya, la fièvre de la vallée du Rift et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Sur les 40 échantillons, 36 (90 %) étaient positifs pour l’hépatite E. L’âge médian des cas confirmés est de 36 ans (fourchette allant de 2 à 55 ans). Le ratio hommes-femmes est de 0,9 parmi les cas confirmés et trois cas confirmés concernaient des femmes enceintes.
Du 2 janvier au 28 avril 2024, un total de 2092 cas suspects d’hépatite E, dont sept décès (taux de létalité de 0,3 %), ont été notifiés dans deux districts sanitaires de la province du Ouaddaï : Adré et Hadjer-Hadid. Sur les 2092 cas suspects, 103 (4,9 %) provenaient de la communauté d’accueil et 1989 (95 %) ont été signalés dans sept camps de réfugiés et zones de transit situés dans cinq aires de santé du district sanitaire d’Adré (Aboutenguésite, site d’Ambelia, camp d’Hilouta, site du Lycée d’Adré et camp de Metché) et du district sanitaire de Hadjer-Hadid (camp d’Allasha et camp d’Arkoum). La plupart des cas ont été signalés dans le district sanitaire d’Adré sur le site du Lycée d’Adré (966 ; 46,2 %), le camp d’Aboutengué (531 cas ; 25,4 %) et le camp de Metché (347 cas ; 16,6 %). Les hommes (1160 cas ; 55,4 %) sont les plus touchés. Au total, 27 cas suspects (1,3 %) signalés étaient des femmes enceintes. Les groupes d’âge les plus touchés sont dans la tranche de 6-17 ans (1113 cas) et de 18-59 ans (500 cas), soit respectivement 53,2 % et 23,9 % des cas suspects.

L’hépatite E survient souvent dans des situations de crise humanitaire, comme les zones de conflits et les sites pour personnes déplacées. Depuis janvier 2024, des cas suspects d’hépatite E ont été signalés dans des camps accueillant des réfugiés soudanais et des rapatriés tchadiens dans la province du Ouaddaï, dans l’est du Tchad. L’accès limité à l’eau potable et les mauvaises conditions d’assainissement et d’hygiène augmentent le risque de flambées d’hépatite E dans les situations de crise humanitaire comme les zones de guerre et les camps de réfugiés et de personnes déplacées. Les dernières épidémies d’hépatite E signalées au Tchad ont touché la province de Salamat, dans le sud-est du pays, en 2017, avec plus de 1 800 cas et 23 décès enregistrés, et la province de Tandjilé, dans le sud-ouest, en 2021, avec plus de 380 cas et deux décès signalés.

Épidémiologie

L’hépatite E est une maladie du foie causée par le virus de l’hépatite E (VHE). L’hépatite E est présente dans le monde entier et courante dans les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie où l’accès à l’eau potable est restreint, l’assainissement et l’hygiène personnelle laissent à désirer et les services de santé sont limités, ou dans les zones d’urgence humanitaire.

Le virus est essentiellement transmis par voie fécale-orale, principalement par l’intermédiaire de l’eau contaminée. Les facteurs de risque pour l’hépatite E sont liés aux mauvaises conditions sanitaires, à cause desquelles le virus excrété dans les matières fécales de personnes infectées contamine l’eau destinée à la consommation. L’infection disparaît spontanément en 2 à 6 semaines et le taux de létalité est compris entre 0,5 et 4 %. L’hépatite fulminante, une atteinte grave de la fonction hépatique causée par le VHE, est plus fréquente pendant la grossesse. Les femmes enceintes, en particulier au cours du deuxième et du troisième trimestres, courent un risque accru d’insuffisance hépatique aiguë, de perte du fœtus et de décès. Le taux de létalité peut atteindre 10-50 % au cours du troisième trimestre de grossesse.
Action de santé publique

• Les autorités sanitaires nationales ont activé le centre d’opérations d’urgence de santé publique et nommé un gestionnaire d’incident.
• Un plan de riposte a été élaboré pour guider les activités de riposte et contribuer à la mobilisation des ressources.
• Les activités de riposte se poursuivent dans les districts touchés avec le soutien des partenaires (OMS, MSF Espagne, MSF Suisse, UNICEF, PAM, HCR), notamment le renforcement de la surveillance épidémiologique, la confirmation des cas en laboratoire, la prise en charge des cas, la lutte anti-infectieuse, l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH), la communication sur les risques et la mobilisation communautaire.
• L’OMS a déployé une équipe pluridisciplinaire à Adré pour appuyer la mise en place de la riposte (coordination des partenaires de santé, harmonisation des listes de cas, collecte d’échantillons et envoi à l’Institut Pasteur de Dakar, etc.).
• Des agents de santé communautaires ont été formés par l’OMS et MSF Suisse à la détection des cas, à la recherche active des cas et à la sensibilisation des communautés dans les camps de réfugiés et de rapatriés.
• La construction de puits forés et de latrines à fosse ainsi que l’élimination des boues fécales sont menées avec le soutien des partenaires WASH, notamment MSF Espagne et l’UNICEF.
• Les sources d’eau utilisées par les populations touchées font l’objet d’inspections sanitaires.1
• Le Ministère tchadien de la santé publique et de la prévention évalue actuellement la nécessité de procéder à la vaccination.

Action de santé publique

Action de santé publique

  • Les autorités sanitaires nationales ont activé le centre d’opérations d’urgence de santé publique et nommé un gestionnaire d’incident.
  • Un plan de riposte a été élaboré pour guider les activités de riposte et contribuer à la mobilisation des ressources.
  • Les activités de riposte se poursuivent dans les districts touchés avec le soutien des partenaires (OMS, MSF Espagne, MSF Suisse, UNICEF, PAM, HCR), notamment le renforcement de la surveillance épidémiologique, la confirmation des cas en laboratoire, la prise en charge des cas, la lutte anti-infectieuse, l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH), la communication sur les risques et la mobilisation communautaire.
  • L’OMS a déployé une équipe pluridisciplinaire à Adré pour appuyer la mise en place de la riposte (coordination des partenaires de santé, harmonisation des listes de cas, collecte d’échantillons et envoi à l’Institut Pasteur de Dakar, etc.).
  • Des agents de santé communautaires ont été formés par l’OMS et MSF Suisse à la détection des cas, à la recherche active des cas et à la sensibilisation des communautés dans les camps de réfugiés et de rapatriés.
  • La construction de puits forés et de latrines à fosse ainsi que l’élimination des boues fécales sont menées avec le soutien des partenaires WASH, notamment MSF Espagne et l’UNICEF.
  • Les sources d’eau utilisées par les populations touchées font l’objet d’inspections sanitaires.1
  • Le Ministère tchadien de la santé publique et de la prévention évalue actuellement la nécessité de procéder à la vaccination.

Évaluation du risque par l’OMS

Évaluation des risques par l’OMS

L’épidémie se produit dans la province du Ouaddaï, qui connaît un important afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan depuis avril 2023. La majorité des cas d’hépatite E ont été signalés dans le district sanitaire d’Adré qui compte trois camps de réfugiés, avec en moyenne 50 000 réfugiés par camp, et un site de réfugiés temporaire accueillant environ 170 000 réfugiés (estimation du HCR).

Le risque à l’échelle nationale est considéré comme élevé en raison des mouvements continus de population entre les différents camps de réfugiés et les communautés d’accueil ; des mauvaises conditions d’hygiène, du manque d’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires améliorées, y compris pour la gestion des eaux usées, ainsi que de l’accès limité aux services médicaux essentiels dans les camps touchés ; et des difficultés dans la prise en charge des cas chez les femmes enceintes. En outre, le manque de moyens financiers pour contenir efficacement la flambée contribue à augmenter le risque de propagation de la maladie dans la province du Ouaddaï et dans le reste du pays.

Même si aucune flambée d’hépatite E n’a été officiellement signalée dans les pays voisins du Tchad, le risque global au niveau régional est considéré comme modéré en raison des mouvements de population continus entre le Tchad et le Soudan ou la République centrafricaine, qui font craindre une propagation de l’épidémie dans la sous-région. Au niveau mondial, le risque est considéré comme faible.

Conseils de l’OMS

Pour prévenir la propagation de l’hépatite E, l’OMS recommande d’améliorer l’accès à l’eau potable, grâce au traitement des eaux, et à des moyens d’assainissement adéquats. La qualité de l’eau potable doit être régulièrement contrôlée dans les zones touchées par l’épidémie. Les latrines améliorées et les sources d’eau potable devraient être davantage couvertes afin de prévenir la défécation à l’air libre et d’assurer une bonne hygiène des mains. Les activités de promotion de la santé et de prévention, ainsi que la garantie de services de soins de santé rapidement disponibles, appropriés et équitables pour lutter contre les épidémies d’hépatite E, peuvent contribuer à améliorer les résultats en matière de santé publique, en particulier lorsque les ressources sont limitées. Étant donné que la période d’incubation du VHE va de 2 à 10 semaines, des cas peuvent continuer à apparaître jusqu’à la dixième semaine (période d’incubation maximale) même après l’adoption de mesures visant à assurer la promotion de services d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène gérés de manière sûre.

Les interventions doivent cibler les populations vulnérables en établissant ou en renforçant le diagnostic prénatal pour les femmes enceintes présentant des symptômes, en améliorant les conditions d’hygiène de la population, en renforçant les capacités nationales de diagnostic et de prise en charge clinique des cas, ainsi que la collaboration transfrontalière avec les pays voisins.

Même s’il n’existe pas de traitement spécifique concernant l’infection par le VHE, il existe quelques principes généraux importants pour le triage des personnes présentant des signes d’insuffisance hépatique aiguë et ayant besoin de soins hospitaliers et de traitement des complications. Ces questions sont abordées dans les orientations de l’OMS (Waterborne outbreaks of hepatitis E : chapitre « diagnosis and case management of hepatitis E in outbreak settings »). Dans certaines situations, notamment en cas de flambée épidémique, les risques de morbidité et de mortalité liées à l’hépatite E ou à ses complications sont particulièrement élevés.

À ce jour, le seul vaccin contre l’hépatite disponible est le vaccin recombinant HEV 239 (Hecolin®), homologué en Chine et au Pakistan. L’OMS ne formule pas de recommandation quant à l’introduction du vaccin dans les programmes nationaux de vaccination systématique dans les pays où les épidémies ou les cas sporadiques d’hépatite E sont courants. Cependant, l’OMS recommande aux autorités nationales d’envisager d’utiliser ce vaccin pour endiguer ou prévenir une flambée d’hépatite E ainsi que pour en atténuer les effets chez les personnes à haut risque comme les femmes enceintes.

Sur la base des informations actuellement disponibles sur cet événement, l’OMS déconseille toute restriction aux voyages et aux échanges commerciaux.

Plus d'informations

Citation recommandée : Organisation mondiale de la Santé (8 mai 2024). Bulletin d’information sur les flambées épidémiques; Hépatite E au Tchad. Disponible à l’adresse : https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2024-DON517

 


(1) Sanitary inspection packages – a supporting tool for the Guidelines for drinking water quality: small water supplies (who.int).

(2) Services d’assainissement gérés en toute sécurité : utilisation d’installations améliorées qui ne sont pas partagées avec d’autres ménages et où les excréments sont éliminés en toute sécurité in situ ou enlevés et traités hors site.