Aperçu de la situation
Description de la situation
Le 13 octobre 2020, les autorités sanitaires françaises ont officiellement notifié 13 cas confirmés en laboratoire de fièvre à virus Mayaro en Guyane française (France).
En septembre 2020, l’Institut Pasteur de la Guyane (IPG, membre du Laboratoire national de référence français pour les arbovirus) a identifié 2 cas d’infection à virus Mayaro confirmés par RT-PCR (amplification en chaîne par polymérase après transcription inverse) et 1 cas probable ayant donné un résultat positif à la recherche d’anticorps dirigés contre le virus Mayaro. Les patients présentaient des symptômes analogues à ceux de la dengue et des douleurs articulaires, avec des résultats de RT-PCR négatifs pour la dengue.
Face à ce diagnostic inattendu, une recherche rétrospective a été menée pour identifier d’éventuels cas supplémentaires de fièvre à virus Mayaro parmi les patients qui présentaient des symptômes de type dengue mais qui avaient obtenu des résultats de test négatifs pour la dengue. Des analyses de RT-PCR ont été effectuées sur des échantillons prélevés entre le 15 juillet et le 15 septembre, dans des laboratoires situés principalement dans la région de Cayenne. Ces échantillons de sang provenaient de patients qui présentaient des symptômes semblables à ceux de la dengue et qui avaient été testés négatifs pour la dengue dans les 5 jours suivant l’apparition des symptômes. Au total (en comptant à la fois les premières détections et celles issues de la recherche rétrospective), l’IPG a identifié 11 cas de fièvre à virus Mayaro sur 79 échantillons analysés par RT-PCR. Ces cas ont été notifiés le 21 septembre 2020.
Le 2 octobre et le 8 octobre 2020, 2 cas supplémentaires ont été signalés par l’Institut Pasteur de la Guyane à Cayenne, ce qui porte à 13 le nombre total de cas confirmés, sur les 97 échantillons analysés entre le 15 juillet et le début octobre. Les symptômes de ces 13 cas confirmés sont apparus entre le 18 juillet et le 29 septembre 2020. Sur les 13 cas confirmés, 11 vivaient dans la région côtière urbaine du pays, dont 9 dans la zone de Cayenne (1 à Cayenne, 4 à Rémire-Montjoly, 4 à Matoury), 1 à Kourou et 1 à Montsinéry-Tonnegrande. Seuls 2 cas vivaient dans une zone rurale/sylvatique, à Roura (dont 1 dans le village de Cacao, situé plus à l’intérieur du pays). L’âge des patients variait entre 11 et 68 ans (valeur médiane = 40 ans) et le ratio hommes/femmes était de 1,2:1.
On sait que le virus Mayaro circule en Guyane française depuis 1998, mais le nombre annuel de cas confirmés par RT-PCR par l’IPG se situait entre 1 et 3 entre 2017 et 2019, sur un nombre total d’échantillons testés allant de 150 à plus de 600 chaque année. Conformément aux critères établis pour le dépistage du virus Mayaro, les échantillons de sang analysés avaient été prélevés dans les 5 jours suivant l’apparition des symptômes de type dengue et étaient négatifs pour le virus de la dengue.
La détection de 13 cas confirmés en moins de 3 mois est donc inhabituelle. En outre, le virus se transmet principalement selon un cycle sylvatique et la transmission en milieu urbain n’a que rarement été décrite. Il est donc atypique que 11 des 13 cas de fièvre à virus Mayaro identifiés (85%) résident en zone urbaine.
Le vecteur du virus Mayaro (moustique de l’espèce Haemagogus) est également vecteur du cycle sylvatique du virus de la fièvre jaune et est présent dans les habitats sauvages ou ruraux de la région des Amériques et des Caraïbes. Le virus Mayaro a également été isolé chez des moustiques appartenant à d’autres genres, dont : Culex, Mansonia, Aedes, Psorophora et Sabethes.
Une enquête épidémiologique est en cours, notamment pour établir l’historique des déplacements des cas et déterminer si les infections ont été contractées dans des zones forestières ou si un cycle urbain de transmission doit être suspecté.
Action de santé publique
Les mesures de santé publique suivantes sont prévues ou déjà appliquées :
- Enquête entomologique et expertise entomologique par l’IPG ;
- Réunion d’un comité d’experts pour discuter de la mise en œuvre d’une stratégie de surveillance entomologique et virologique des arbovirus et examiner la compétence des vecteurs dans les zones qui ne sont pas encore touchées ;
- Prévention par la lutte antivectorielle : des mesures de santé publique visant à réduire au minimum l’exposition des personnes aux moustiques doivent impérativement être prises pour prévenir la propagation du virus, et donc de la maladie ;
- Diffusion d’informations dans les communautés concernant le risque de transmission et les moyens de réduire le risque d’exposition aux vecteurs, que ce soit en milieu rural ou à l’intérieur des habitations dans les zones périurbaines ou limitrophes de zones rurales.
Évaluation du risque par l’OMS
Le virus Mayaro a été isolé pour la première fois à Trinité-et-Tobago en 1954. Une étude rétrospective a cependant mis en évidence des signes d’infection par le virus Mayaro dans des échantillons de sérum recueillis lors de la construction de canaux au Panama et en Colombie entre 1904 et 1914. Depuis lors, des cas ont été signalés en Amérique centrale et en Amérique du Sud, en particulier dans les régions entourant le bassin de l’Amazone, et la littérature scientifique fait état de cas importés par des voyageurs au Canada, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et dans certaines zones non identifiées de l’Amérique du Nord.
Bien que certaines études évoquent une transmission du virus Mayaro en zone urbaine, la plupart des flambées épidémiques décrites aux Amériques au cours de la dernière décennie sont survenues parmi des communautés rurales dans la région amazonienne de la Bolivie, du Brésil, du Pérou et du Venezuela. La majorité des cas humains concernaient des personnes qui travaillaient ou vivaient dans des forêts tropicales humides. Le réservoir du virus Mayaro n’est pas connu, mais certaines études ont indiqué que le virus avait été isolé ou que des taux d’anticorps élevés avaient été observés chez des hôtes vertébrés, notamment des primates non humains.
L’évolution du milieu naturel, la déforestation, l’urbanisation et l’exploitation minière donnent lieu à des contacts accrus entre les populations de vecteurs et les hôtes et peuvent mener à l’émergence du virus Mayaro dans de nouvelles zones ou à sa résurgence dans des zones préalablement touchées.
La fièvre à virus Mayaro est une zoonose transmise par les moustiques. Elle est due au virus Mayaro, un arbovirus du genre Haemagogus de la famille des Togaviridae. Le virus se transmet principalement selon un cycle sylvatique faisant intervenir des primates non humains et des moustiques Haemagogus. La survenue de cas humains est associée à une exposition récente à un milieu forestier humide où vivent les vecteurs.
Au premier stade de la maladie, le tableau clinique est non spécifique, semblable à celui d’autres arboviroses (dengue, chikungunya, Zika). La période d’incubation varie de 1 à 12 jours. Il s’agit d’une maladie à résolution spontanée, qui dure entre 3 et 5 jours, avec une persistance éventuelle de l’arthralgie pendant des semaines ou des mois. Toutefois, comme c’est le cas pour d’autres alphavirus, l’infection par le virus Mayaro peut entraîner de graves complications, comme une fièvre intermittente, des troubles neurologiques, une myocardite, ou même la mort.
Compte tenu du caractère générique des symptômes des arboviroses, des erreurs de diagnostic sont possibles. Des cas de maladie à virus Mayaro peuvent échapper à la détection lorsque la communauté médicale n’a pas de connaissances suffisantes sur la maladie.
Peu de tests de diagnostic sont disponibles et la maladie à virus Mayaro est mal connue en dehors des zones d’endémie. Les cas importés peuvent être diagnostiqués par erreur comme des cas de dengue, de maladie à virus Zika ou de chikungunya sur la base du tableau clinique. Dans les régions d’endémie, la co-infection par d’autres arbovirus peut également conduire à des erreurs de diagnostic de la maladie à virus Mayaro.
Le risque de propagation internationale semble faible pour l’instant, mais on ne peut exclure une telle propagation si l’existence d’un cycle de transmission urbaine est démontrée.
Dans la zone urbaine côtière autour de Cayenne, des cas supplémentaires risquent de survenir s’il s’avère qu’une transmission a eu lieu dans les forêts périurbaines. L’enquête se poursuit pour identifier les lieux d’infection les plus probables.
Le risque de propagation au niveau national ne peut être exclu car le virus circule sur un vaste territoire, au-delà de Cayenne et de ses environs. Des enquêtes sont en cours afin d’identifier les zones touchées.
La pandémie actuelle de COVID-19 risque de perturber l’accès aux soins de santé à cause de la charge qu’elle fait peser sur le système de santé et sur les soignants et de la diminution de la demande due aux obligations de distanciation physique ou à la réticence des communautés. Dans le contexte de cette pandémie, un autre aspect à prendre en compte est la capacité de traitement des laboratoires locaux et des laboratoires nationaux de référence, qui doivent faire face à une augmentation de la demande pour l’analyse d’échantillons pour la COVID-19, en sus d’une flambée de dengue en cours et d’une flambée localisée de maladie à virus Oropouche (pour plus d’information, consulter le bulletin d’information sur les flambées épidémiques publié le 13 octobre).
En outre, étant donné qu’aucun kit de diagnostic n’est disponible dans le commerce, seul le laboratoire national de référence a les moyens de diagnostiquer la maladie à virus Mayaro. Au 18 octobre 2020, 10 268 cas de COVID-19, dont 69 mortels, avaient été notifiés en Guyane française.
Conseils de l’OMS
Compte tenu de la présence étendue du principal vecteur de transmission dans les zones rurales de la Région et du fait que des cas de fièvre à virus Mayaro ont récemment été détectés dans de nouvelles zones géographiques, l’OMS encourage les États Membres à prendre les mesures nécessaires pour détecter les cas et informer les professionnels de la santé de la nécessité d’inclure la maladie à virus Mayaro dans le diagnostic différentiel d’autres arboviroses, comme le chikungunya, la dengue, la maladie à virus Oropouche, la fièvre jaune et la maladie à virus Zika. Étant donné que le tableau clinique de la fièvre à virus Mayaro est comparable à celui d’autres arboviroses, comme la dengue, le chikungunya, la maladie à virus Oropouche, la fièvre jaune et la maladie à virus Zika, la surveillance du virus Mayaro pourrait être intégrée aux systèmes existants de surveillance des arbovirus.
La prévention de la maladie repose principalement sur les trois piliers suivants : surveillance, diagnostic et lutte antivectorielle. Pour prévenir la maladie à virus Mayaro, il est impératif d’éviter les piqûres de moustiques, et donc les contacts entre le vecteur et l’homme. Dans le cas des vecteurs Haemagogus et Aedesdont l’activité culmine en début et en fin de journée, l’application de mesures de protection individuelle doit être encouragée. La participation des communautés et la mobilisation sociale peuvent contribuer au succès des interventions à la source visant à supprimer les gîtes de ponte des moustiques.
Sur la base des informations actuellement disponibles sur cet événement, l’OMS ne recommande aucune restriction aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la Guyane française.
Plus d'informations
Références
- Alerte épidémiologique de l’OPS/OMS. Fièvre à virus Mayaro - Situation des flambées épidémiques dans les Amériques. 1er mai 2020. Disponible (en anglais) ici
- Mayaro virus in Latin America and the Caribbean, Special report, Pan American Journal of Public Health, 2020. Disponible ici
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