Aperçu de la situation
Description de la situation
Au début du mois de juillet 2021, la Division de la santé de la province de la Tshopo, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), a reçu une alerte faisant état d’une suspicion de flambée épidémique. Cette alerte initiale faisait suite à une augmentation du nombre de décès parmi des patients présentant des symptômes de fièvre, de céphalées et de raideur de la nuque ; certains avaient également des diarrhées sanglantes. Des échantillons de sang et de selles ont été prélevés et testés pour la maladie à virus Ebola, la shigellose et la salmonellose. Ces tests, réalisés par le laboratoire de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) à Kinshasa, ont donné des résultats négatifs le 19 août.
On a soupçonné que les patients étaient atteints de méningite et des prélèvements de liquide céphalorachidien (LCR) ont été effectués. Au 16 septembre, 37 échantillons de LCR avaient été envoyés par le laboratoire des Cliniques universitaires de Kisangani au laboratoire de l’INRB à Kinshasa. Le 1er septembre, sept de ces échantillons ont été expédiés de Kinshasa à l’Institut Pasteur de Paris, où il a été confirmé le 6 septembre par RT-PCR (transcription inverse et amplification en chaîne par polymérase) qu’ils étaient positifs pour Neisseria meningitidis. Du 6 au 13 septembre, le laboratoire de l’Institut Pasteur de Paris a soumis ces échantillons à des tests supplémentaires (sérotypage), concluant que les méningocoques appartenaient au sérogroupe W. Il est prévu que les 30 échantillons restants soient également envoyés à l’Institut Pasteur de Paris.
Les tests de sensibilité aux antibiotiques ont montré que cette souche de méningocoque est sensible à la ceftriaxone. Les enquêtes rétrospectives préliminaires laissent penser que la flambée épidémique a commencé début juin dans deux zones minières de la zone de santé de Banalia, au nord de Kisangani, la capitale de la province de la Tshopo. Cette flambée est active et des cas continuent d’être signalés.
Au 18 septembre 2021, 608 cas suspects, dont 12 cas confirmés et 161 décès (taux de létalité de 26 %), avaient été signalés au total dans la zone de santé de Banalia. Parmi ces cas, 68 % (416/608) étaient âgés de 15 ans ou plus. En outre, sur les 20 aires de santé appartenant à la zone de santé de Banalia, 16 ont notifié au moins un cas suspect de méningite.
Action de santé publique
Les autorités sanitaires nationales soutiennent la riposte à cet événement, en coordination avec l’OMS. Les mesures prises sont les suivantes :
- Le comité local de gestion des situations d’urgence sanitaire organise des réunions régulières pour coordonner les activités de riposte au niveau provincial ainsi que dans la zone de santé de Banalia ;
- Une campagne de vaccination réactive contre la méningite, à l’aide d’un vaccin contenant l’antigène du méningocoque W, est en cours de planification ;
- Des enquêtes approfondies continuent d’être menées au niveau communautaire afin d’identifier les liens épidémiologiques ;
- Une recherche active des contacts et des cas suspects est en cours dans les carrières d’exploitation minière et dans la communauté ;
- La surveillance à base communautaire a été renforcée ;
- Des cliniques mobiles ont été mises en place pour faciliter la prise en charge des cas, le prélèvement d’échantillons et l’application de mesures de lutte anti-infectieuse dans les zones touchées ;
- Le Groupe international de coordination (GIC) a fourni 5000 doses supplémentaires de ceftriaxone pour renforcer les stocks d’antibiotiques ;
- Des activités de communication sur les risques sont mises en œuvre.
Évaluation du risque par l’OMS
Depuis 2015, de nombreux cas suspects de méningite ont été notifiés en République démocratique du Congo. Certaines parties du pays se trouvent dans la ceinture africaine de la méningite [1], une région où la méningite bactérienne est endémique et où sévissent des épidémies, avec 6000 à 10 000 cas suspects signalés chaque année. Cependant, seule une très faible proportion des cas (0-2 %) est confirmée en laboratoire chaque année.
Du 1er janvier au 1er août 2021, la RDC a notifié un total cumulé de 3842 cas suspects, dont 189 décès, soit un taux de létalité de 5 %.
Dans la province de la Tshopo, qui se trouve dans la ceinture africaine de la méningite, la dernière épidémie de méningite a été signalée en novembre 2009, avec 214 cas et 18 décès (taux de létalité de 8 %). En mai 2016, la province a organisé une campagne de vaccination préventive contre la méningite A, au cours de laquelle près de 1,7 million de personnes âgées de 1 à 29 ans ont été vaccinées. Depuis, une surveillance passive a été assurée dans la province dans le cadre de la surveillance intégrée des maladies.
La méningite à méningocoques est associée à un fort taux de létalité (atteignant 50 % en l’absence de traitement) et à une incidence élevée de séquelles graves (plus de 10 %). Dans le cadre de l’événement actuel, 608 personnes ont déjà été touchées et 161 sont décédées. On peut s’attendre à une augmentation du nombre de cas et de décès, compte tenu de l’infectiosité et de la létalité de la méningite bactérienne.
Des défis logistiques, auxquels s’ajoutent des difficultés d’accès et de communication dans de nombreux secteurs de la zone de santé concernée, entravent la mise en œuvre d’une riposte adéquate.
Le pays doit en outre consacrer des efforts à la riposte contre la pandémie de COVID-19, ce qui a une incidence sur ses systèmes de santé et ses capacités de surveillance. Par ailleurs, d’autres épidémies sont en cours dans le pays, limitant les ressources disponibles pour intervenir face à cette flambée de méningite.
Au niveau national, il existe un risque élevé de propagation de la maladie à d’autres zones de santé et à la ville de Kisangani, capitale de la province de la Tshopo, en raison des mouvements de population entre la zone touchée et d’autres parties du pays.
Au niveau régional, le risque est jugé modéré en raison des mouvements transfrontaliers entre les populations de la République centrafricaine et de la province de la Tshopo et de la présence à Banalia de plus de 100 sites miniers où viennent travailler des personnes des provinces voisines et de la République centrafricaine. Toutefois, les mesures transfrontalières prises pour lutter contre la COVID-19 pourraient limiter les déplacements et améliorer la détection des cas symptomatiques.
Au niveau mondial, le risque est jugé faible.
Conseils de l’OMS
Afin de combattre efficacement l’épidémie actuelle, il est indispensable de renforcer les capacités du pays et de veiller à la disponibilité des moyens de diagnostic nécessaires. L’organisation de la riposte exige une logistique adéquate, une formation appropriée des agents de santé sur l’identification et la notification des cas, la mise en place d’une communication sur les risques dans les zones de santé touchées pour sensibiliser la communauté aux mesures de prévention de la transmission de la méningite, aux symptômes à surveiller et aux situations dans lesquelles une consultation médicale s’impose, ainsi qu’un renforcement de la surveillance communautaire et des capacités des laboratoires.
Il convient en outre que le pays prépare et mène une campagne rapide de vaccination contre la méningite W pour les populations à risque.
Les autorités devraient renforcer la prise en charge clinique par la ceftriaxone, fournir des soins psychosociaux aux patients et aux familles et surveiller les patients atteints de séquelles pendant et après la maladie.
Sur la base des informations disponibles concernant la flambée actuelle, l’OMS déconseille toute restriction aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la République démocratique du Congo.Plus d'informations
- OMS AFRO (2018): Procédures opérationnelles standard pour la surveillance, la préparation et la riposte aux épidémies de méningite en Afrique;
- Méningite à méningocoques (en anglais)
- Lutte contre les épidémies de méningite à méningocoque
- OMS (2015): Contrôle des épidémies de méningite en Afrique: guide de référence rapide à l’intention des autorités sanitaires et des soignants
- Rapport de situation du Bureau de l’OMS en RDC
[1] Région d’Afrique subsaharienne, qui s’étend du Sénégal à l’Éthiopie, où le taux d’incidence de la méningite est très élevé.