Quand les gens interpellent la Dre Quesada dans les rues de San José au Costa Rica afin de lui donner de l’argent pour «ses» enfants, elle les remercie mais ne partage pas cette opinion. Elle accepte l’argent pour la Fundación Pro Unidad de Cuidado Paliativo (Fondation pour l’unité des soins palliatifs), tout en précisant : «Non, ce ne sont pas mes enfants. Ils ne sont même pas les enfants de leur famille. Ce sont les enfants de tout le monde – les enfants de toute notre nation. Il nous incombe à tous de faire tout notre possible pour que le temps dont ils disposent encore dans ce monde soit simple, sans douleur, joyeux et doux».
Lorsqu’elle exprime cette vision aux délégués des États Membres de l’OMS, dans son discours d’acceptation du Prix Sasakawa, sa voix se bloque puis elle s’interrompt un instant et des applaudissements retentissent dans la salle de la plénière.
Après des études aux États-Unis, Lisbeth Quesada est retournée dans son pays en tant que jeune médecin et a consacré sa carrière aux soins palliatifs pédiatriques, pour aider les personnes en fin de vie, afin qu’elles soient traitées avec respect, professionnalisme et amour, ce qui l’a conduite à créer la Fondation.
Toutefois, c’est encore une autre perception que la Dre Quesada nie avec passion. «Il n’est pas question de nous faire passer pour un groupe de personnes se consacrant aux questions liées à la mort. Au contraire, nous œuvrons pour célébrer la vie! Nos patients ne sont pas des cadavres, ils sont toujours des êtres humains jeunes et en vie ! Nous nous efforçons, inlassablement, d’améliorer leur vie et celle de leurs proches, pendant le temps dont ils disposent encore.»
La Dre Quesada a créé à sa façon un système de soins palliatifs pédiatriques. Elle a participé à des émissions de télévision populaires, et c’est ainsi que les gens ont commencé à la reconnaître dans la rue. Elle a rencontré une première dame du Costa Rica, qui ne pouvait pas contribuer financièrement, mais a aidé le Ministère de la santé et la Dre Quesada à défendre cette cause. L’hôpital national pour enfants l’a accueillie pour commencer une tâche qui n’avait jamais été menée auparavant. Elle s’est entretenue avec des responsables de l’UNICEF et a obtenu tous leurs vieux meubles de bureau, et c’est ainsi qu’elle a ouvert les bureaux de la Fondation.
Une approche holistique, où chaque détail compte
Le véritable travail mené au quotidien par la Fondation est impressionnant de par son ampleur, son envergure et sa qualité.
«Les soins palliatifs comprennent le soutien physique, médical, social, spirituel et psychologique», explique la Dre Quesada. « Nous nous préoccupons et prenons soin de tous les aspects de la vie des patients enfants, de leur famille, ainsi que des médecins et des infirmières qui, souvent, ne sauraient pas comment agir.»
Le groupe de soutien des familles ayant subi un deuil réunit des centaines de parents dont les enfants sont décédés et ne savent pas où aller ni de quoi sera fait le reste de leur vie.
Des conseils et un soutien professionnels sont fournis aux proches des patients souffrant de maladies à un stade avancé sans perspective de réponse favorable au traitement. Les équipes s’occupent également d’enfants dont les conditions de vie se détériorent progressivement en raison de la maladie, de sorte qu’ils deviennent de plus en plus dépendants de leurs parents, des soignants et du personnel de santé. La Fondation travaille également sur les cas suivants : l’administration d’un traitement permettant de guérir les patients est possible mais un échec thérapeutique pourrait se produire, un décès prématuré pourrait survenir, un traitement intensif permettrait de prolonger une bonne qualité de vie, ou le traitement est exclusivement palliatif et il est susceptible d’être prolongé pendant plusieurs années.
Les garderies de la Fondation sont un lieu où les patients et leur famille peuvent recevoir un soutien médical, spirituel, social et psychologique, des soins infirmiers, avoir accès à des divertissements et à des jeux, et aussi bénéficier de thérapies spéciales.
Lors de leurs visites à domicile, indépendamment du lieu, les équipes de médecins et de personnels infirmiers apportent tout le soutien et les conseils nécessaires. La Fondation met également à disposition du matériel médical sous forme de prêt ou gratuitement, et ses équipes sont disponibles à tout moment pour fournir des soins hospitaliers ou des soins d’urgence.
«Nous pourrions prendre en charge davantage de familles et d’enfants, dans plus d’endroits», indique la Dre Quesada. «Le Costa Rica dispose d’un système médical socialisé, couvrant 98 % de la population et des résidents. Chacun a droit à une prise en charge des frais médicaux et chacun contribue à la sécurité sociale. Il ne s’agit pas d’une assurance», explique-t-elle avec passion. «Nous bénéficions de la couverture santé universelle depuis des années, et ce principe est même inscrit dans notre constitution! Une personne à qui l’on refuse un médicament coûteux peut saisir la cour constitutionnelle qui confirmera le droit de la personne de recevoir le médicament. Notre système de santé fonctionne et c’est un exemple pour le monde entier.»
Ailleurs, davantage d’enfants à aider
La Dre Quesada a une vision. «Le Costa Rica est numéro un en Amérique latine dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques, mais il faut partager ce système avec d’autres pays. Je veux apprendre à mes collègues et à d’autres pays à faire de même.»
Son rêve est de construire une structure dotée de plusieurs fonctions, telles que des hospices pour accueillir les enfants en fin de vie, des résidences pour les médecins et le personnel infirmier du Costa Rica mais également d’autres pays, afin qu’ils puissent apprendre et retourner dans des pays ne disposant pas d’un système de soins palliatifs pédiatriques. «Ils nous permettront ainsi d’atteindre plus d’enfants en Amérique latine.»
La somme obtenue grâce au Prix Sasakawa sera utilisée pour concrétiser ce rêve.