OMS/T. Hongisto
De nombreux Afghans n’ont pas accès aux services de santé en raison du conflit qui fait rage dans le pays. Salim a pu être traité à l’hôpital d'Emergency.
© Photo

Du traumatisme au rétablissement : les soins d’urgence en Afghanistan

17 avril 2018
Après le début des combats dans le district rural de Chark‑Logar, Salim et sa famille ont dû fuir leur maison. Pendant la fusillade, son frère a été tué et Salim a été touché à l’estomac. Il lui a fallu 2 heures pour atteindre un premier poste de secours. Pendant le trajet, il a été séparé de sa femme et de ses enfants. Deux jours plus tard, il a été transféré vers un hôpital géré par Emergency, une ONG italienne spécialisée dans les soins de traumatologie.

Une situation d’urgence complexe parmi les plus longues au monde

L’histoire de Salim est loin d’être une exception dans l’Afghanistan d’aujourd’hui, car le pays s’est enfoncé dans une situation d’urgence complexe parmi les plus longues au monde. Il est confronté à un conflit prolongé, à des catastrophes naturelles fréquentes et à des mouvements de population de masse.

Pour compliquer le tout, un grand nombre de personnes déplacées, de rapatriés et de réfugiés se concentrent dans les centres urbains et aux alentours. Les établissements de santé déjà dépassés sont souvent dans l’incapacité d’absorber le fardeau supplémentaire que représentent les nouveaux arrivants.

Reconstruire un système de santé gravement affaibli

 Le Ministère de la santé, avec le soutien du Groupe sectoriel pour la santé mené par l’OMS, cherche à reconstruire un système de santé gravement affaibli par des années de conflit. Les défis à relever sont nombreux : les infrastructures sont endommagées, il manque des agents de santé formés et les ressources des établissements de santé sont insuffisantes. L’insécurité et la pauvreté généralisée compliquent encore la situation.

Plus des trois quarts de la population a maintenant accès à des services de soins de santé primaires, mais il reste des lacunes importantes. Les soins de traumatologie et les handicaps dus à des traumatismes sont l’un des principaux défis auxquels est confronté l’Afghanistan et le système de santé publique déjà sollicité à l’excès ne peut pas y faire face tout seul.

La plupart des soins de traumatologie à Kaboul, la capitale du pays, sont assurés par l’ONG italienne Emergency, qui prodigue des soins spécialisés qui ne sont proposés par aucun établissement gouvernemental.

5 millions de patients traités

Emergency travaille dans le pays depuis presque 20 ans et a traité plus de 5 millions de patients. Son travail a été reconnu par le Ministère de la santé. Le centre chirurgical pour les victimes de guerre d’Emergency à Kaboul traite la population locale et accueille des patients provenant de régions isolées. Ses services sont gratuits.

En 2017, à la demande de l’OMS et en collaboration avec le district et les directions provinciales de la santé, Emergency a formé 497 médecins et infirmiers travaillant dans les provinces à la traumatologie pré‑hospitalière et à la prise en charge de victimes en grand nombre. Emergency, qui fait partie du Groupe sectoriel pour la santé, finance son personnel international et ses opérations grâce à des dons privés, ainsi que grâce à des subventions de l’OMS, du Fonds humanitaire commun et de la Commission européenne.

D’après le Dr David Lai, coordonnateur du Groupe sectoriel pour la santé en Afghanistan, c’est la combinaison de projets ciblés spécifiques, d’aide extérieure, de responsabilité nationale et de temps qui permettra à tous les citoyens afghans d’avoir accès à long terme à des soins de qualité. Il ajoute que les travaux menés par Emergency sont un exemple de la façon dont un pays doit utiliser différentes ressources pour reconstruire son secteur sanitaire.
«La mission du Groupe sectoriel pour la santé est d’appuyer le Ministère de la santé publique pour qu’il joue un rôle moteur dans l’intervention sanitaire humanitaire afin de prévenir et de limiter la morbidité et la mortalité associées à la crise. Soigner les personnes déplacées par la guerre améliore l’état de santé de millions d’entre elles, transformant le désespoir en espoir»,  explique le Dr Lai.

À la demande de l’OMS, Emergency a formé 497 médecins et infirmiers.

En 2001, le Ministère de la santé publique afghan a hérité d’un système de santé anéanti présentant des statistiques sanitaires parmi les plus alarmantes au monde. Le taux de mortalité maternelle était estimé à 1600 pour 100 000 naissances vivantes, un niveau jamais enregistré auparavant (Barlett et al., 2005).

En 2002, les taux de mortalité du nourrisson et de l’enfant étaient de 165 et de 257 pour 1000 naissances vivantes, respectivement. C’étaient alors les quatrièmes taux les plus élevés au monde. En outre, moins de 10% de la population vivait à moins d’une heure de marche d’un établissement de santé en 2001 (Ministère de la santé publique, 2008).

Mettre en place des services de santé essentiels

Le système de santé a été reconstruit sur la base de l’ensemble de services de santé essentiels (Basic Package of Health Services, BPHS). 

En 2003 et en 2004, le Ministère de la santé publique et ses partenaires ont mis au point un ensemble complet de services de santé de base et un ensemble de services hospitaliers essentiels. Les services de santé sont assurés par des ONG (inter)nationales grâce à un mécanisme novateur de sous-traitance et, dans certaines provinces, par le Ministère de la santé publique.  
Cette approche de santé publique dirigée par le Ministère de la santé publique, avec l’appui sans faille de partenaires multilatéraux et bilatéraux du développement, a permis de progresser considérablement dans des circonstances difficiles ; les indicateurs sanitaires et la prestation des services se sont considérablement améliorés.

Le nombre d’établissements de santé et d’agents de santé a sensiblement augmenté. La couverture par l’ensemble complet de services de santé de base et l’ensemble de services hospitaliers essentiels (système de santé public) est actuellement de plus de 60% dans un rayon équivalant à une heure de marche.

Bien que la situation sanitaire se soit améliorée, de nombreux indicateurs sanitaires restent extrêmement inquiétants et la qualité et la couverture des services de santé doivent être améliorées, notamment en ce qui concerne les soins hospitaliers et de traumatologie. Un financement durable et accru s’impose.