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Aux avant-postes de la lutte contre la fièvre de Lassa au Nigéria

15 mars 2018
Début janvier, John a vécu l’une des expériences les plus terrifiantes de sa vie. Ce mécanicien, qui vit dans un village rural dans l’État d’Edo, dans le sud du Nigéria, a contracté la fièvre de Lassa.
«J’avais peur que la maladie m’emporte», explique John, qui préfère utiliser un pseudonyme. Il a commencé par aller à l’hôpital le plus proche de chez lui, dont il est sorti au bout de quelques jours. Pourtant, il se sentait toujours mal donc il a consulté un autre médecin qui a pensé qu’il pouvait être atteint de la fièvre de Lassa.
John a été emmené dans un centre renommé de traitement et de recherche, l’Institute of Lassa Fever Control, situé au sein de l’Irrua Specialist Teaching Hospital, où le bon diagnostic a été posé et où il a été traité. «Je saignais par le nez, par la bouche et par les oreilles», raconte John.
La fièvre de Lassa est une fièvre hémorragique aiguë qui se transmet par contact direct avec le sang, l’urine ou toute autre sécrétion corporelle d’une personne infectée, ou par l’exposition à l’urine ou aux selles de rats infectés. «Les médecins et les infirmiers ont fait ce qu’il fallait», ajoute-t-il. «J’ai arrêté de saigner.»
L’Institut d’Irrua est au cœur de la riposte nigériane face à la plus terrible flambée de fièvre de Lassa jamais enregistrée dans le pays. Il est situé dans l’État d’Edo, qui concentre plus de 40% des 365cas confirmés. L’hôpital est doté d’une unité d’isolement spécialisée pour les patients atteints de fièvre de Lassa. «Habituellement, 24patients au maximum sont admis dans le service de soins en isolement, mais il nous arrive parfois d’en accueillir 45en même temps», explique le Professeur Sylvanus Okogbenin, médecin en chef de l’Irrua Specialist Teaching Hospital. «Nous avons dû mettre sur pied de nouvelles unités dans certains bâtiments encore en construction.»
Des tentes d’isolement montées par l’ALIMA (Alliance for International Medical Action) sont équipées pour traiter davantage de patients. Les horaires de travail du personnel de l’hôpital ont été allongés en raison de l’augmentation de la charge de travail. «On vient pour le quart du matin, mais on finit par rester aussi pour le quart de l’après-midi.
La main-d’œuvre dont nous disposons est insuffisante», explique Patience Osobase, infirmière-administratrice adjointe. Si aucun membre du personnel de l’Institut d’Irrua n’a été infecté par la fièvre de Lassa, 16agents de santé au Nigéria ont été infectés et quatresont décédés.
Un protocole est en vigueur au sein de l’hôpital pour éviter que les agents ne contractent la maladie, mais l’énorme charge de travail a mis ces procédures à rude épreuve. Le Nigeria Centre for Disease Control (NCDC) est à la tête de la lutte contre la flambée de fièvre de Lassa en collaboration avec les ministères de la santé des États et les départements de la santé des autorités locales.
«Le NCDC a porté la riposte face à cette flambée au niveau le plus élevé», explique le Dr Chikwe Ihekweazu, Coordonnateur national et Directeur général du NCDC. «Nous avons activé notre Centre des opérations d’urgence et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre cette flambée.»
Le NCDC, l’Organisation mondiale de la Santé et d’autres partenaires ont envoyé des agents pour prêter main-forte à l’Institut d’Irrua. Kevin Ousman – spécialiste de la lutte contre l’infection à l’OMS – collabore avec les agents de santé afin de faire en sorte que l’infection ne se propage pas au sein de l’établissement de santé.
«Nous avons trouvé des solutions très rapides, à notre sens, qui sont en train d’être appliquées de toute urgence», déclare M. Ousman. «Nous aidons également à la formation du personnel, afin de mettre en place des réponses pérennes pour l’établissement.»
L’OMS apporte son soutien à l’intervention en axant son action sur le renforcement de la coordination, de la surveillance, des tests en laboratoire, de la prise en charge clinique, de l’engagement communautaire et des mesures en faveur de la lutte contre l’infection. «Plus le traitement est entamé tôt, plus les chances de survie des patients sont élevées», explique le Dr Wondimagegnehu Alemu,
Représentant de l’OMS au Nigéria. «Il est donc absolument essentiel que les patients se rendent dès que possible dans les établissements de traitement.» John est conscient que le traitement précoce lui a sauvé la vie. Le 15fé vrier, il a été déclaré guéri de la fièvre de Lassa et il est sorti de l’hôpital. Il est maintenant rentré chez lui et il s’emploie à retrouver des forces en se promenant autour de chez lui. «Personne ne devrait mourir de cette maladie», déclare-t-il. John espère reprendre le travail rapidement afin d’être en mesure de subvenir aux besoins de sa mère, qui est âgée.