Depuis 20 ans, des conflits déchirent les provinces boisées de l’Ituri et du Nord-Kivu, au nord-est de la République démocratique du Congo, ainsi que les territoires de Nyiragongo, Rutshuru et Masisi. Ils touchent aussi la province du Sud-Kivu et, plus loin au sud-est de la région, la ville de Kalemie située sur les longues rives du lac Tanganyika.
Plus de 6 millions de personnes ont été déplacées du fait des insurrections armées à répétition. En mars 2023, en seulement deux semaines, quelque 100 000 personnes ont été forcées de partir de chez elles, et ainsi déracinées. Il s’agit là d’un environnement stressant, où les stations de radio locales peuvent être amenées à diffuser des appels du Comité international de la Croix-Rouge aux personnes armées visant à promouvoir la protection des civils et l’acceptation des missions humanitaires.
Les camps sont bondés et la vie y est difficile : peu de services, de mauvaises conditions d’hygiène, et la menace constante de maladies infectieuses comme le choléra, la rougeole et le virus respiratoire syncytial. La COVID-19 n’a fait qu’aggraver la situation.
Eugene Kabambi, du bureau de pays de l’OMS en République démocratique du Congo, s’est rendu à plusieurs reprises dans les provinces du Nord-Kivu et de Tanganyika ces derniers mois, alors que Gavi, l’Alliance du Vaccin, l’UNICEF et l’OMS participaient aux opérations de secours dans les camps en assurant des services intégrés de vaccination contre la COVID-19 ainsi que des services sanitaires de base et en combattant une épidémie de choléra.
Dans ce reportage photo, le photographe Guerchom Ndebo et Eugene Kabambi témoignent de la résilience, de l’esprit communautaire et de l’entraide dont font preuve ceux qui vivent dans les camps. Ces personnes déplacées, qui ne peuvent pas rentrer chez elles à cause des violences, vivent dans des conditions désastreuses. Parmi elles figurent des médecins, des infirmières, des enseignants, des agriculteurs.
![]() | « La situation est problématique parce qu’il n’y a pas de solutions pour ceux qui souffrent de maladies chroniques. Ici, il n’y a pas assez de toilettes ou de douches, et les abris sont trop petits pour les familles. Nous sommes trop exposés. » – Maisha, 57 ans, devant son abri dans le camp de Bulengo, à environ 15 kilomètres de Goma dans l’est de la République démocratique du Congo.
Photo: © WHO / Guerchom Ndebo |
Photo: WHO / Guerchom Ndebo
– 3 mars 2023. Des femmes enceintes attendent une consultation prénatale dans un centre de santé de transit mis en place par l’OMS et ses partenaires pour répondre aux besoins sanitaires urgents dans le camp de Bulengo.
Lorsque Kabambi s’est rendu à Bulengo en février et mars, des campagnes de vaccination contre la rougeole et de vaccination orale contre le choléra étaient en cours, auxquelles on s’efforçait d’intégrer la vaccination contre la COVID-19, car le pays n’avait pas réussi à augmenter les taux de couverture vaccinale en 2022. « Quand il y a une campagne de vaccination contre le choléra, on en profite pour convaincre les gens d’accepter le vaccin contre la COVID-19. »
L’eau potable et l’assainissement restent des besoins majeurs : bien que des camps comme celui de Bulengo soient situés à proximité du lac Kivu, l’eau ne peut pas être utilisée sans chloration. Il y a beaucoup de toilettes, mais elles sont pleines depuis longtemps ; on manque d’argent et de ressources pour les vider. C’est un problème quotidien, qui ouvre aussi la voie à d’autres épidémies.
Photo: © WHO / Guerchom Ndebo
En mars 2023, plus de 40 000 personnes s’étaient réfugiées dans le camp de Bulengo, entre Goma et Sake, près du lac Kivu. L’OMS et ses partenaires ont installé dans le camp un centre de soins d’urgence destiné aux résidents, avec la présence de vaccinateurs.
Les gens qui vivent dans le camp ont tous une vie chaotique, mais ils mettent aussi à profit leurs compétences. « Parmi les personnes déplacées, on trouve des infirmières et des médecins, qui travaillaient à Rutshuru et à Masisi, où il y a maintenant des conflits et des groupes armés qui occupent des territoires. Ces gens ont dû fuir de chez eux », raconte Kabambi.
Du fait de leur formation, ces personnes sont recherchées par les organismes d’aide humanitaire. Souvent, les résidents sont heureux de voir des agents de santé issus de leur région d’origine.
Photo: WHO / Eugene Kabambi
Il est urgent d’administrer des vaccins contre le choléra dans les camps de déplacés de la République démocratique du Congo. Ici, des agents de santé distribuent des vaccins oraux contre le choléra sur les sites de Bulengo, qui accueille des personnes déplacées à l’intérieur du pays, près de Goma, dans le Nord-Kivu (ci-dessus), et de Kanyaruchinya, dans la zone de santé de Nyiragongo (ci-dessous).
Photo: WHO / Eugene Kabambi
Photo: WHO / Guerchom Ndebo
Une marchande installe son étal dans le camp de Bulengo, près de Goma : mars 2023.
Photo: WHO / Guerchom Ndebo
Il existe plusieurs camps comme ceux de Bulengo, Kanyaruchinya, Bushagara et Lushagala, répartis autour de Goma et plus au sud dans la province de Tanganyika. En janvier 2023, alors qu’une épidémie de choléra faisait rage dans les camps, le Ministère congolais des affaires humanitaires a lancé une campagne de vaccination visant à vacciner 365 000 personnes à Goma. Cette campagne a été soutenue financièrement et logistiquement par Gavi, l’UNICEF et l’OMS, qui ont envoyé 614 équipes de vaccination sur place. L’OMS est également intervenue pour fournir des unités de traitement du choléra à Bulengo, ce qui a permis de réduire la pression sur d’autres sites surpeuplés comme celui de Kanyaruchinya.
En outre, des campagnes de vaccination contre la COVID-19 ont eu lieu de façon récurrente en République démocratique du Congo en 2022 et 2023. Certaines ont donné de meilleurs résultats que d’autres. Même le pape François a pris le temps d’appeler les gens à venir se faire vacciner alors qu’il sillonnait le pays. La République démocratique du Congo est un pays vaste – et éminemment important – de l’Afrique centrale, dont de nombreux territoires sont difficiles d’accès et durs à administrer.
En octobre 2022, le pourcentage total de Congolais ayant été primovaccinés contre la COVID-19 s’élevait à 6,2 %, contre 1 % en mars 2022. En avril 2023, tous les agents de santé en République démocratique du Congo avaient été primovaccinés et le pourcentage total de personnes primovaccinées dans le pays s’élevait à 13 %.
Photo: WHO / Guerchom Ndebo
« J’étais malade, mais maintenant je me sens mieux. Le centre de santé du camp nous est très utile. Ma fille est malade. J’espère qu’elle ira mieux après la visite. Elle souffre de diarrhée due aux mauvaises conditions de vie. »
– Rebecca, 37 ans, reçoit des médicaments pour sa fille d’un an et demi au centre de santé de transit mis en place dans le camp de Bulengo par l’OMS et ses partenaires.
Photo: WHO / Guerchom Ndebo
Jean-Marie, 71 ans, est assis avec sa famille devant leur abri. Ils ont fui de chez eux pour se réfugier dans le camp de Bulengo en février.
Jean-Marie est préoccupé par la dégradation des conditions de vie dans le camp.
« Les choses ne changent pas. Les gens veulent retourner chez eux. Retrouver leur village ou leur ville. »
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