La Région africaine connaît l’un des plus lourds fardeaux de mortalité liée à l’alcool dans le monde – avec une moyenne de 70 décès pour 100 000 habitants – juste après l’Europe. Dans certains pays, ce chiffre atteint 84 décès pour 100 000 habitants. Avec la croissance rapide de la population, un nombre encore plus élevé de personnes risque d’être affecté si des politiques plus rigoureuses ne sont pas mises en œuvre. Or, sur une grande partie du continent, les politiques complètes de lutte contre l’alcool restent rares, obsolètes ou mal appliquées, ce qui laisse les pays mal préparés à faire face à l’augmentation des méfaits liés à la consommation d’alcool.
En avril, 60 représentants de 15 pays de la Région africaine de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se sont réunis à Accra, au Ghana, pour un atelier historique d’apprentissage inter-pays dans le cadre de l’initiative SAFER, visant à renforcer la collaboration et à accélérer la mise en œuvre des politiques de lutte contre l’alcool et de sécurité routière. Cet atelier a été organisé conjointement par l’OMS, l’initiative SAFER pilotée par l’OMS, et l’Initiative Bloomberg pour la sécurité routière mondiale (BIGRS), avec le soutien financier de Bloomberg Philanthropies et du gouvernement de la Norvège.
« La synergie entre l’initiative SAFER et l’initiative Bloomberg pour la sécurité routière est cruciale, car les deux partagent un objectif commun : réduire les méfaits liés à l’alcool et améliorer la sécurité routière. Saisissons cette opportunité pour œuvrer ensemble en faveur d’un Ghana et d’une Afrique plus sûrs et en meilleure santé. »
Hon. Kwabena Mintah Akandoh, ministre de la Santé du Ghana
Les 15 équipes nationales comprenaient des représentants des ministères de la santé, des transports, des finances, de la justice, ainsi que des bureaux des procureurs généraux, afin d’accélérer la mise en œuvre de politiques efficaces de lutte contre l’alcool et de sécurité routière.
« La collaboration multisectorielle n’est pas une option, mais une nécessité pour obtenir des résultats durables en santé publique. Les défis sanitaires d’aujourd’hui exigent une action coordonnée entre les secteurs gouvernementaux, la société civile, le secteur privé et les communautés. Seule une responsabilité partagée et des efforts conjoints permettront d’améliorer durablement la santé et le bien-être des populations. »
Dr Adelheid Onyango, directrice du Cluster Populations en meilleure santé, Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique
Les participants venaient d’Angola, du Burkina Faso, du Congo, du Gabon, du Ghana, de la Guinée équatoriale, de l’Éthiopie, du Kenya, de l’Île Maurice, du Mozambique, de la Namibie, du Nigeria, du Rwanda, des Seychelles et de l’Ouganda.
Cet événement s’appuyait sur deux ateliers dirigés par l’OMS en 2023 :
- L’atelier SAFER organisé en octobre 2023 à Addis-Abeba, axé sur le développement de politiques alcool dans sept pays.
- L’atelier BIGRS de mai 2023 à Kampala, centré sur la sécurité routière et les réformes législatives liées à l’alcool dans quatre pays.
L’atelier d’Accra a permis de rassembler les pays poursuivant la mise en œuvre de SAFER et de BIGRS avec huit nouveaux pays engagés, créant une plateforme régionale d’apprentissage et de collaboration entre pairs.
« Nous avons acquis plus de connaissances sur le paquet SAFER et appris des pays qui ont commencé plus tôt. »
Commentaire de participant
Une approche stratégique et fondée sur des données probantes
L’atelier s’appuyait sur des stratégies mondiales et régionales de l’OMS, dont le Plan d’action mondial de l’OMS pour l’alcool 2022–2030, qui fournit une feuille de route pour réduire l’usage nocif de l’alcool grâce au leadership national, à la coordination intersectorielle et à des interventions fondées sur les données. À l’échelle régionale, il s’inscrivait dans la Stratégie multisectorielle pour promouvoir la santé et le bien-être en Afrique (2023–2030) et le Cadre régional de lutte contre l’alcool, qui appellent à des approches intégrées et cohérentes au sein des systèmes de santé publique.
« Cet atelier nous a aidés à traduire notre plan d’action national en stratégies concrètes et réalisables. »
Commentaire de participant
Conformément à ces cadres, l’atelier a suivi une approche structurée et fondée sur des données pour soutenir les progrès politiques :
- Sessions préparatoires en ligne et réunions bilatérales pour examiner les plans et les contextes nationaux.
- Séances en présentiel à Accra : évaluations contextuelles, élaboration de plans de mise en œuvre, échanges entre pairs.
- Tables rondes avec la participation à distance de Vital Strategies, Movendi International et de l’Université de Stirling, abordant des thèmes tels que l’ingérence de l’industrie de l’alcool et l’évaluation des politiques.
- Utilisation de l’Enquête mondiale de l’OMS sur l’alcool et la santé pour guider les plans nationaux.
« L’intégrité des politiques doit être protégée contre les ingérences de l’industrie de l’alcool. »
Dr Frank John Lule, Représentant de l’OMS au Ghana
Une participation multilingue
L’atelier s’est tenu en quatre langues de travail – anglais, français, portugais et espagnol – pour refléter la diversité des pays participants. Cela a posé des défis logistiques mais a aussi permis une dynamique inclusive, facilitant les échanges au-delà des barrières linguistiques et régionales.
« Cela nous a permis de comprendre où nous en sommes par rapport à nos voisins, même si nous parlons des langues différentes. »
Commentaire de participant
Des échanges stratégiques
L’un des moments les plus marquants fut la « galerie interactive » – une session participative durant laquelle chaque délégation nationale présentait son travail et ses plans de mise en œuvre. Les autres équipes circulaient entre les stations pour discuter, donner leur avis et partager des idées.
« La galerie interactive a été une grande opportunité pour l’échange de connaissances et a affiné notre réflexion. »
Commentaire de participant
Ce format a suscité des échanges spontanés sur les obstacles, les solutions et les opportunités. Il a renforcé le sentiment d’appropriation et de réflexion stratégique.
Résultats et engagements
Cet atelier marque un tournant décisif du passage de la planification à l’action coordonnée. Grâce à un engagement renouvelé, un objectif commun et une dynamique régionale renforcée, les pays sont mieux préparés que jamais à réduire les méfaits liés à l’alcool et à améliorer la santé publique.
Résultats clés :
- 15 pays ont finalisé ou révisé leurs plans SAFER
- 8 nouveaux pays ont présenté des évaluations de situation et des stratégies de mise en œuvre
- Des engagements formels ont été partagés par les équipes nationales
- L’OMS et ses partenaires ont identifié des études de cas à diffuser
- Des prochaines étapes concrètes ont été définies en matière de suivi, d’appui technique et d’échanges inter-pays
Les pays ont également identifié 2 à 3 mesures prioritaires parmi les interventions à fort impact de SAFER pour accélérer leur action nationale. Exemples :
- Augmenter les droits d’accise pour réduire l’accessibilité économique de l’alcool
- Instaurer un âge légal minimum pour l’achat et la consommation d’alcool
- Réglementer la densité et la localisation des points de vente
- Renforcer les lois contre la conduite en état d’ivresse (abaisser le taux légal à ≤ 0,05 g/dl)
- Intégrer le repérage, les interventions brèves et les traitements dans les soins de santé primaires via le programme mhGAP de l’OMS
L’OMS continuera à accompagner les pays dans la mise en œuvre de leurs plans, à offrir un appui technique ciblé, à favoriser les apprentissages entre pays et à suivre les progrès via ses enquêtes mondiales et les bilans nationaux.
Évaluation
Les retours post-atelier montrent un haut niveau de satisfaction et offrent des pistes d’amélioration pour les futurs événements. Tous les participants se sont déclarés satisfaits, plus de la moitié « très satisfaits » et un sur cinq « extrêmement satisfaits ». Le format interactif – combinant travaux en groupe, apprentissage entre pairs et sessions animées – a été particulièrement apprécié, tout comme la compétence et la réactivité des animateurs. Nombreux sont ceux qui ont souligné le renforcement de la collaboration intersectorielle, une orientation plus claire, une motivation renouvelée, et des actions concrètes pour faire avancer leurs plans SAFER. Les commentaires tels que « nous ne sommes pas seuls dans ce combat » ou « cela a renforcé mes connaissances et renforcé mon engagement » traduisent une solidarité accrue et une volonté renforcée.