En Fédération de Bosnie-Herzégovine, le taux de vaccination ne dépasse pas 40% dans certains endroits et continue à baisser, faisant grandir le risque d’importantes flambées épidémiques. Mais personne ne sait exactement pourquoi.
Un ensemble de facteurs – réticence de plus en plus grande face à la vaccination, désinformation dans les médias sociaux, manque de confiance dans le système de santé, pénurie d’agents de santé et problèmes d’approvisionnement – semblerait expliquer pourquoi le taux de couverture est faible. Mais il s’agit de suppositions fondées sur peu d’éléments.
«Actuellement, la programmation de la vaccination dans notre pays repose sur beaucoup de suppositions» déplore le Dr Sanjin Musa, épidémiologiste à l’Institut de santé publique de Bosnie-Herzégovine. «Il nous faut des données de meilleure qualité pour savoir quels sont les groupes de population où la couverture est la plus faible et pourquoi elle est si faible.»
À l’aide du Programme d’adaptation de la vaccination (TIP), méthode de recherche structurée, le pays s’efforce de recenser les populations sensibles aux maladies à prévention vaccinale, de déterminer quels sont les obstacles et les facteurs d’incitation à la vaccination, et de recommander des mesures basées sur des données factuelles pour augmenter la couverture.
État des lieux
Le TIP a été mis au point en 2013 par le Bureau régional OMS de l’Europe pour aider les professionnels de la santé, les autorités de santé publique et les décideurs à adapter les services de manière à combler les disparités de la couverture vaccinale. La première étape du processus consiste, pour les pays, à faire une analyse de situation pour passer en revue les données sur la couverture et sur les flambées, réunir les informateurs clés et déterminer les informations manquantes.
En 2016, seulement 78% des enfants de Bosnie-Herzégovine avaient reçu les trois doses de vaccin contenant des valences diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC), 79 % les trois doses de vaccin antipoliomyélitique et 83% la première dose de vaccin antirougeoleux – chiffres qui sont tous inférieurs aux cibles mondiales d’au moins 90 à 95%. La couverture vaccinale varie également beaucoup dans les cantons et dans les villes, et dans certains endroits, le taux est même tombé entre 40 et 50%.
Ces faibles taux de vaccination exposent la population du pays à des flambées épidémiques de grande ampleur. D’importantes flambées de rougeole, d’oreillons et de rubéole sont survenues ces dix dernières années, en partie à cause de l’interruption des programmes de vaccination pendant la guerre au début des années 1990, mais aussi à cause d’une réticence face à la vaccination.
«Compte tenu des importantes flambées de rougeole qui frappent la Région, y compris les pays limitrophes que sont l’Italie, la Roumanie et la Serbie, le pays est constamment en alerte.»
Serbie, le pays est constamment en alerte» constate le Dr Musa. La vaccination est gratuite et obligatoire dans le pays, mais il n’y a aucun dispositif pour en garantir la bonne application.
Élucider les raisons du faible taux de couverture
Une fois l’analyse de situation TIP achevée en 2017, le pays a commencé à recenser les domaines où des travaux de recherche s’imposaient. Deux études sont en cours.
La première porte sur l’attitude des agents de santé vis-à-vis de la vaccination, dans l’optique de mettre au point d’autres formations et d’autres outils. Actuellement, certains agents de santé connaissent mal la vaccination ou craignent les plaintes suite aux manifestations indésirables.
La deuxième étude consiste à passer en revue les dossiers des patients des centres de soins de santé primaires pour dégager les caractéristiques des soignants qui vaccinent ou non leurs enfants, comme l’âge, le nombre d’enfants et le niveau de revenu. Une fois ces caractéristiques connues, on pourra mettre au point des stratégies vaccinales pour améliorer l’accès à la vaccination et réduire les réticences.
«En cas de réticence face à la vaccination, il est essentiel d’instaurer la confiance et de comprendre la communauté» commente Katrine Bach Habersaat, conseillère technique de l’unité Maladies à prévention vaccinale et vaccination au Bureau régional OMS de l’Europe. «Beaucoup pensent que la réticence face à la vaccination vient de ce que les gens ne veulent pas se faire vacciner, mais sous la surface, c’est plutôt une question de commodité, suivant qu’il est plus ou moins facile de faire vacciner ses enfants.»
Les études TIP devraient se terminer dans le courant de l’année. La collaboration de l’OMS avec 11 pays du sud-est de l’Europe consiste notamment à accélérer les progrès indispensables pour atteindre les buts et les objectifs stratégiques du Plan d’action européen pour les vaccins 2015-2020 (EVAP).