Les études d’impact sur la santé (EIS) et leur rôle dans la prise de décisions
4 octobre 2024 | Questions & réponsesLes études d’impact sur la santé (EIS) peuvent contribuer utilement à l’élaboration des politiques et à la prise de décisions.
Les EIS servent principalement aux projets, mais l’on y recourt aussi pour les politiques et les programmes. La diversité des contextes d’emploi potentiels est l’un des points forts de cette approche, mais c’est son utilisation à l’échelle stratégique, pour l’élaboration des politiques au niveau local, régional, national ou international, qui est l’une des possibilités les plus intéressantes. Les bailleurs de fonds peuvent aussi s’appuyer sur ces études pour s’assurer que les projets et les programmes prennent en compte la santé – la Banque asiatique de développement dispose ainsi de lignes directrices sur l’utilisation des EIS (Birley 1992).
Il est préférable de recourir aux EIS à un stade précoce de l’élaboration des politiques, lorsque l’on dispose encore de beaucoup de temps pour influer sur celles-ci. La plupart des changements interviennent en effet au cours de l’élaboration, bien avant que ces politiques ne fassent l’objet de consultations formelles. Pour pouvoir procéder ainsi, une relation de confiance doit bien sûr avoir été nouée avec les responsables politiques. Les EIS influencent l’élaboration du simple fait que les responsables savent que les enjeux de santé seront évalués et sont donc amenés à les prendre en compte plus explicitement, et car ils peuvent consulter régulièrement des personnes dotées de connaissances dans ce domaine, par des voies officielles ou informelles.
Les EIS sont une démarche transversale qui mobilise de nombreuses parties prenantes. De cette façon, elles contribuent à tisser des partenariats entre la population et les organisations et à rassembler des personnes issues de différents horizons en les conduisant à engager un dialogue autour la santé (et à aborder ensuite d’autres sujets !). Cette approche améliore ainsi la collaboration. Elle incite également à considérer les liens entre la politique évaluée et les autres politiques en cours d’élaboration ou de mise en œuvre. Souvent, la prise en compte de ces liens permet d’économiser du temps et des ressources, avec à la clé un renforcement des politiques.
Les décideurs peuvent se servir des EIS pour choisir entre différentes options qui leur sont présentées ou les aider à déterminer les évolutions à apporter aux politiques, sur la base des recommandations figurant dans ces études.
La population locale est partie prenante à la plupart des EIS. Souvent, les décideurs et décideuses souhaitent prendre en compte ses perceptions et ses opinions dans leurs politiques et les EIS peuvent aider à répondre aux éventuelles préoccupations de la communauté. Les responsables pourront ensuite agir en ayant l’assurance que le point de vue de la communauté comptait bien parmi les informations qui leur ont été communiquées.
Les responsables politiques doivent satisfaire à de nombreuses exigences au niveau international, national et local. Des orientations ou obligations peuvent notamment s’appliquer en ce qui concerne la collaboration intersectorielle ; la prise en compte de la durabilité ; la réduction des inégalités ; et l’impact sur la santé, le bien-être ou la qualité de vie des communautés locales. Les EIS peuvent aider les responsables à s’y conformer.
De nombreux facteurs influencent le processus politique et de multiples sources d’information différentes entrent en jeu – les EIS ne sont que l’une d’entre elles. C’est pourquoi il est si important d’associer les décideurs et décideuses dès les premiers stades de l’EIS, afin de les alerter sur les recommandations qui en découleront et d’éviter les surprises.
Outre les EIS, différents moyens peuvent être utilisés pour intégrer la santé dans l’élaboration des politiques :
- comités mixtes, conseils intersectoriels, groupes de travail, etc. ;
- audits (pour autant que les auditrices et auditeurs comprennent les liens entre la santé et les autres domaines) ;
- stratégies et programmes recouvrant plusieurs domaines d’action (dont la santé) ;
- évaluations de l’impact sur l’environnement (si elles intègrent la santé) ;
- processus budgétaires et de planification (s’ils incluent la santé) ;
- mesures individuelles prises par les responsables pour influencer d’autres politiques ;
- mémorandums d’accord ;
- outils intégrés d’évaluation et de sélection.
Les EIS cherchent à mettre en évidence les répercussions négatives, afin de les éviter ou de les réduire. Souvent réalisées dans une optique prospective, elles présentent l’avantage unique d’empêcher les effets dommageables. Les EIS s’intéressent également aux effets positifs que les mesures proposées pourraient avoir sur la santé, ce qui permet souvent aux décideurs et décideuses de revoir leurs propositions de façon à renforcer ces dimensions.
Manque de compétences et de connaissances
Contactez votre bureau régional de l’OMS afin d’obtenir les coordonnées de personnes ayant déjà réalisé des EIS dans votre domaine. Améliorez vos compétences en participant à des formations et en lisant les informations figurant sur ce site.
Manque de compréhension
Informez-vous ci-dessous sur les facteurs les plus pertinents pour votre secteur ou votre organisation et utilisez ces éléments pour mener une action de sensibilisation. Suggérez de consulter ce site Web pour une présentation rapide de la démarche.
Manque de ressources
Cela vaut pour tout domaine : si les EIS deviennent une priorité, les ressources suivront. Lorsque les ressources sont limitées, on peut envisager, par exemple, de recourir à des techniques d’évaluation rapide (qui ne nécessitent souvent que quelques jours ou semaines) ou de réaliser une EIS sur dossier (qui ne suppose pas de consulter directement la population). Il peut aussi s’avérer utile de s’appuyer sur des informations et des données issues d’EIS déjà conduites.
Absence d’outils ou de méthodes reconnus
Pour contrer cet argument, vous pouvez vous référer aux Méthodes pour les études d’impact sur la santé (en anglais) et aux bases de données et outils présentés sur cette page.
Manque de soutien politique
Informez-vous ci-dessous sur les facteurs les plus pertinents pour votre secteur ou votre organisation et utilisez ces éléments pour votre action de sensibilisation. Référez-vous aux EIS de la base de données pour expliquer comment la démarche a déjà été utilisée dans d’autres pays ou organisations. Soyez conscients des intérêts des groupes susceptibles de tirer parti de la promotion de certains projets ou, au contraire, du statu quo.
Manque de temps
Effectivement, les EIS prennent du temps – mais le résultat en vaut la peine. Même lorsqu’elles peuvent être réalisées assez rapidement, elles supposent que certaines personnes s’y consacrent. Une question que l’on peut se poser est la suivante : « Quelles risquent d’être les conséquences si l’on ne réalise pas l’EIS, en particulier si des problèmes apparaissent ultérieurement ? Pourra-t-on sérieusement invoquer le manque de temps si la politique est remise en cause par le public ou du point de vue juridique ? » Sans EIS, c’est plus tard que l’on risque de perdre du temps.
Priorités concurrentes
Informez-vous ci-dessous sur les facteurs les plus pertinents pour votre secteur ou votre organisation et utilisez ces éléments pour votre action de sensibilisation. Référez-vous aux EIS de la base de données pour expliquer comment la démarche a déjà été utilisée dans d’autres pays ou organisations.
Lacunes en matière de données factuelles
Il existe effectivement des lacunes, mais il est préférable de se fonder sur les meilleures données disponibles que de n’en utiliser aucune. Les EIS s’appuient sur les meilleures données factuelles disponibles et des résumés sont établis sur cette base.
L’OMS apporte un appui pour l’intégration de la santé dans les évaluations environnementales, par exemple en fournissant des notes de synthèse et en rassemblant des exemples utiles tirés de la pratique (notamment en matière de gestion des déchets).
Voici deux exemples de travaux menés dans ce domaine (rapports disponibles en anglais uniquement) :
- Lors de la phase de cadrage de l’EIS, évaluer le contexte de la politique visée en répondant aux questions suivantes :
- Quels sont les éléments en jeu (propositions, impacts potentiels sur la santé, autres intérêts) ?
- Comment la politique est-elle mise au point (consultation des parties prenantes et des citoyens ou prise de décisions confiée à un acteur central) ? Comment l’EIS peut-être s’inscrire dans ce processus ?
- Qui participe à l’élaboration de la politique (décideurs, parties prenantes, chercheurs et autres experts, citoyens) ?
- Quel est le contexte institutionnel (procédures formelles de prise de décisions, règles de communication et relations informelles entre les différents acteurs) ?
Cette phase exploratoire permet de déterminer les liens qui pourraient être établis, dans le cadre de l’EIS, avec les décideurs et décideuses et les parties prenantes ayant des intérêts communs. Également, l’EIS permet d’anticiper plus efficacement les difficultés potentielles et d’élaborer des stratégies pour y faire face.
- Assortir l’EIS d’un plan pour la diffusion active de messages à certains moments clés. Les annonces (notamment celles sur le lancement de l’EIS et ses grandes étapes), la diffusion des résultats préliminaires et le recours aux groupes de discussion aideront à placer les enjeux de santé parmi les préoccupations des organismes concernés. Ces étapes sont tout aussi importantes que l’établissement d’un rapport de qualité. Les praticiens des EIS sont conscients du fait que ce processus ne s’arrête pas au moment où le rapport est établi ou la décision, arrêtée.
- Les praticiens des EIS doivent s’efforcer de nouer des relations à long terme avec les décideurs et les décideuses. L’engagement de l’autorité de santé permettra d’y parvenir lors de l’élaboration des politiques intersectorielles.
- Le cas échéant, associer un vaste éventail de parties prenantes au processus, et s’appuyer sur les meilleures données qualitatives et quantitatives disponibles. Les responsables de l’élaboration des politiques s’appuient sur les mêmes valeurs que celles sur lesquelles se fondent les EIS. L’inclusion des communautés locales leur donne accès à des données et des informations généralement difficiles à obtenir, qui rendent compte des réalités locales et reflètent une riche expérience.
- Veiller à pouvoir effectuer un suivi à long terme des EIS afin de déterminer les répercussions effectives de la politique ou du projet sur la prise en compte des enjeux de santé, les déterminants de la santé et la santé elle-même. Ces différents niveaux d’évaluation et leur adéquation sont abordés dans le document Evaluating your HIA (en anglais).
Pour en savoir plus sur la façon de conduire une étude d’impact sur la santé : https://www.who.int/tools/health-impact-assessments (en anglais)
Les EIS se fondent sur quatre valeurs qui se rapportent au contexte politique dans lequel elles s’inscrivent :
- démocratie – il s’agit de faire en sorte que les personnes prennent part à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, programmes ou projets susceptibles d’avoir un impact sur leurs vies ;
- équité – l’EIS permet d’évaluer comment la politique proposée va se répercuter sur les différentes franges de la population, notamment les populations vulnérables (du point de vue de l’âge, du genre, de l’origine ethnique et du statut socioéconomique) ;
- développement durable – il convient de prendre en compte les répercussions à court ou à long terme, évidentes ou plus difficiles à percevoir ; et
- usage éthique des données factuelles – les meilleures données quantitatives et qualitatives doivent être identifiées et utilisées dans l’évaluation. Il convient d’utiliser les meilleures méthodes possibles pour recueillir le plus vaste éventail de données factuelles.
L’EIS est une méthode participative qui permet de faire collaborer des personnes issues de multiples secteurs.
L’EIS peut servir de cadre pour associer efficacement les parties prenantes et leur permettre de se faire entendre.
L’EIS vise à fournir aux décideurs et décideuses un ensemble de recommandations à bases factuelles sur la proposition en question.
L’EIS se fonde sur un modèle global de la santé et suppose de travailler de façon intersectorielle afin de mettre en place une approche systématique pour évaluer les répercussions d’une proposition sur la population.
L’EIS ne s’intéresse pas seulement aux répercussions négatives (afin de les prévenir ou de les éviter), mais aussi aux effets positifs sur la santé.
L’EIS peut être utilisée à de nombreux niveaux différents – projets (ce qui est le plus fréquent), programmes (ensemble de projets) et politiques.
Les praticiens expérimentés peuvent respecter la plupart des calendriers et mener des EIS complètes (qui prennent bien sûr plus de temps) ou rapides.
Si l’EIS est engagée suffisamment tôt dans le projet, elle peut constituer un outil clé pour le développement durable.
Plusieurs politiques et réglementations internationales contiennent des dispositions sur les EIS ou recommandent d’y recourir.
- Évaluation de l’impact sur l’environnement et évaluation stratégique environnementale
Des réglementations sur l’évaluation environnementale existent dans presque tous les pays. Au niveau international, la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, adoptée sous les auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, et son Protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale forment un cadre pour l’évaluation de l’impact sur l’environnement et pour l’évaluation stratégique environnementale, en principe ouvert à l’ensemble des États Membres de l’ONU. Fait important, le Protocole relatif à l’évaluation stratégique environnementale exige que des consultations soient menées avec les autorités de santé en ce qui concerne les effets significatifs probables sur la santé humaine (article 9). En outre, la réglementation de l’Union européenne – notamment la directive 2001/42/CE relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, qui se rapporte à l’évaluation stratégique environnementale, et la directive 2014/52/UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, qui a trait à l’évaluation de l’impact sur l’environnement – exige que l’évaluation environnementale d’une proposition recense, décrive et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs tels que les suivants :
- la population et la santé humaine ;
- la biodiversité (…) ;
- les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat ;
- les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ;
- l’interaction entre les facteurs visés aux points a) à d).
- Article 152 du Traité d’Amsterdam
Le Traité appelle l’Union européenne à examiner les répercussions possibles des principales politiques sur la santé. Il dispose qu’« un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté ». Selon la stratégie en matière de santé proposée par la Commission européenne, les politiques adoptées doivent veiller à ce que les aspects de santé publique soient pris en compte dans toutes les décisions et actions de l’UE et il convient donc de réaliser des évaluations de l’impact sur la santé. - Santé 21 – la politique de la santé pour tous
Les 51 pays de la Région européenne de l’OMS sont dotés d’un cadre stratégique commun pour le développement de la santé, qui présente des stratégies pour transformer les politiques nationales en programmes opérationnels pratiques au niveau local. Après une série de consultations avec les États Membres et plusieurs organisations de premier plan de la Région, quatre grandes stratégies d’action ont été retenues pour faire en sorte que la viabilité scientifique, économique, sociale et politique soit l’élément moteur de la mise en œuvre de la Santé 21[RR1] . La première consiste à ce que « des stratégies multisectorielles [visent] à influer sur les déterminants de la santé, en tenant compte des aspects physiques, économiques, sociaux et culturels et des spécificités de chaque sexe et en utilisant l’évaluation des effets sur la santé ». - Conférence sur l’environnement et la santé
Les participants à la troisième conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, tenue à Londres en 1999, ont reconnu que l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement et de santé étaient des enjeux importants. Plusieurs pays ont souscrit à l’idée d’un protocole sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement et l’évaluation stratégique environnementale, et ce thème a été soumis à la conférence consécutive sur l’environnement et la santé qui s’est tenue à Budapest en 2004. L’évaluation de l’impact sur la santé a également été mentionnée lors des conférences qui ont suivi à Parme (2010), Ostrava (2017) et Budapest (2023). - Déclaration de Libreville
En 2008, la Déclaration de Libreville sur la santé et l'environnement en Afrique a encouragé les gouvernements à intégrer la santé et l’environnement aux politiques publiques, stratégies de réduction de la pauvreté et plans de développement nationaux. La mise en œuvre de programmes intersectoriels sur la santé et l’environnement à tous les niveaux a été jugée comme l’un des facteurs décisifs pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.
Références bibliographiques :
Cave B, Claßen T, Fischer-Bonde B, Humboldt-Dachroeden S, Martin-Olmedo P, Mekel O et al. (2020). Human health: Ensuring a high level of protection. A reference paper on addressing Human Health in Environmental Impact Assessment. As per EU Directive 2011/92/EU amended by 2014/52/EU. Fargo, ND (USA); Utrecht, Netherlands: International Association for Impact Assessment and European Public Health Association (https://www.iaia.org/uploads/pdf/Human%20Health%20Ensuring%20Protection%20Summary_converted_1.pdf).