Tactiques utilisées par l’industrie du tabac et les industries connexes pour attirer les jeunes générations

À mesure que les gens ont pris conscience des méfaits du tabagisme et que la lutte antitabac s’est intensifiée à l’échelle mondiale au cours de la dernière décennie, l’acceptabilité sociale du tabac a régressé. Cette évolution a incité l’industrie du tabac à revoir ses tactiques pour tenter de redorer sa réputation et de fidéliser une nouvelle génération de consommateurs.

 L’industrie du tabac a déployé des efforts délibérés et bien documentés pour repenser et changer l’image de ses produits afin de conserver sa rentabilité. Elle a introduit les filtres à cigarettes et les produits du tabac dits « légers » et « doux » dans le but d’éviter que les fumeurs arrêtent de fumer, de réduire leur perception des risques et des effets indésirables (1) et d’atténuer l’efficacité des politiques de lutte antitabac (2). Ces pratiques de marketing trompeuses perdurent aujourd’hui encore, l’industrie préconisant de réduire les méfaits du tabac par le biais de nouveaux produits tels que les inhalateurs électroniques contenant ou non de la nicotine, communément appelés « cigarettes électroniques », ainsi que les produits du tabac chauffés.

Les cigarettes électroniques sont souvent commercialisées comme des produits de consommation à « faible risque », « sans fumée », « socialement acceptables ». Sous prétexte de proposer une alternative plus saine, ces stratégies promotionnelles sont destinées à redonner un caractère normal au tabagisme et à encourager l’utilisation à long terme de produits à base de nicotine qui, comme le tabac, sont incontestablement nocifs pour le consommateur. L’industrie du tabac et les industries connexes s’appuient sur le fait que les effets à long terme des cigarettes électroniques sur la santé n’ont pas encore été établis et que ces produits ne sont pas encore réglementés dans la plupart des pays. Elles peuvent ainsi contourner l’interdiction de la publicité en faveur du tabac et promouvoir l’utilisation de leurs produits dans des environnements sans fumée (2).

 Certains fabricants ont également tendance à associer cigarettes électroniques et produits du tabac chauffés, ce qui sème la confusion dans l’esprit du consommateur potentiel et brouille la distinction entre produit du tabac et produit sans tabac. Ces techniques de positionnement social, associées à des tactiques de marketing stratégique, sont particulièrement efficaces pour cibler les enfants et les adolescents et peuvent favoriser la dépendance à la nicotine chez les jeunes du monde entier.

• Célébrités et personnes influentes. La publicité se déplace de plus en plus vers les réseaux sociaux, et les industries de la nicotine et du tabac ne dérogent pas à la règle. Elles invitent les « influenceurs », qui sont en contact avec les enfants et les adolescents sur les réseaux sociaux et suscitent leur intérêt, à devenir « ambassadeurs de la marque » ou bien elles leur offrent des incitations financières pour promouvoir leurs produits (3, 4). Les influenceurs peuvent donner l’impression d’une promotion plus authentique des produits (5), en particulier lorsque les publications ne divulguent pas les détails du parrainage.
• Bourses d’études. Les entités liées au tabac et aux inhalateurs électroniques de nicotine proposent des bourses d’études aux lycéens, aux étudiants et aux diplômés (6, 7), certaines demandant aux candidats de rédiger des travaux sur les dangers du tabac et les avantages potentiels de l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine (8, 9).
• Programmes scolaires et camps de jeunes. Les entités liées au secteur du tabac et des inhalateurs électroniques de nicotine rémunèrent les établissements scolaires pour qu’ils leur permettent d’intervenir en classe ou après les cours. Elles parrainent également des camps d’été où elles diffusent des idées erronées sur les risques liés à l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine et commercialisent leurs produits sous le couvert de la promotion de « solutions de remplacement moins risquées » que les produits du tabac conventionnels (10) .

• Publicité numérique et sur les réseaux sociaux. Avec l’omniprésence des smartphones et l’accès continu à Internet, les fabricants de tabac et de nicotine exploitent stratégiquement les plateformes numériques et les réseaux sociaux pour communiquer avec les jeunes générations (2), notamment par le biais de leurs applications et jeux vidéo préférés (11, 12). Les réseaux sociaux permettent aux utilisateurs d’interagir avec les fonctionnalités marketing, ce qui accroît l’exposition des enfants et des adolescents et l’influence qu’ils subissent (3). Ils permettent également aux spécialistes du marketing d’accéder aux profils des utilisateurs et de leurs amis et ainsi de cibler efficacement les clients potentiels (13). Les pays qui ont instauré des interdictions sur la publicité, la promotion et le parrainage mais qui n’ont pas explicitement interdit la publicité transfrontalière risquent de voir les jeunes exposés à la publicité numérique et sur les réseaux sociaux provenant d’autres pays. Entre 2007 et 2016, un peu plus de 100 hashtags associés aux fabricants de tabac ont été vus plus de 25 milliards de fois dans le monde (4). 
• Présentations attrayantes dans les commerces de détail. Les commerçants situés à proximité des établissements scolaires sont bien souvent rétribués pour qu’ils présentent des produits à base de nicotine et de tabac dans leur magasin, sur des présentoirs pour point de vente élégants, avec des supports marketing séduisants et dans des vitrines aux couleurs vives qui attirent les jeunes clients (14). Des espaces de vente au détail modernes et attrayants, offrant une grande diversité de produits qui séduisent les jeunes, sont également couramment utilisés aujourd’hui pour commercialiser des produits nouveaux.  
• Supports et produits publicitaires placés à la hauteur des yeux des enfants. Dans de nombreux pays, des produits à base de nicotine et de tabac sont présentés à hauteur des yeux des enfants et à proximité des magasins vendant des jouets, des gadgets électroniques, des sucreries, des en-cas ou des sodas (14).

• Des arômes qui plaisent aux jeunes. Les produits du tabac, tels que le tabac sans fumée et le tabac pour pipe à eau, sont commercialisés dans des arômes sucrés et fruités, ce qui peut en renforcer l’attrait pour les non-fumeurs et masquer le goût âpre du tabac (15, 16). À ce jour, les chercheurs ont comptabilisé plus de 15 000 arômes pour cigarettes électroniques disponibles, y compris des arômes dont l’attrait pour les jeunes a été prouvé, comme la barbe à papa et les oursons en gélatine (17). Les publicités pour les produits aromatisés peuvent renforcer l’attrait des produits à base de nicotine et encourager les enfants et les adolescents à les acheter et à les essayer (18, 19). Les arômes peuvent rendre moins perceptibles la nocivité et le caractère dépendogène des produits à base de nicotine (20, 21).
• Des designs épurés, en format de poche. Les inhalateurs électroniques de nicotine et les produits de tabac chauffés sont largement présentés comme des produits modernes, high-tech et haut de gamme. Leurs designs sont épurés et leurs lancements très médiatisés : ils sont présentés comme des produits attrayants et inoffensifs. Les designs sobres peuvent être trompeurs, revêtir la forme d’une clé USB et être facilement dissimulés dans la main d’un jeune.
• Des personnages de dessins animés. Certains fabricants d’inhalateurs électroniques de nicotine utilisent des illustrations provenant de dessins animés et destinées aux enfants, comme les licornes, pour présenter leurs produits et commercialiser des arômes sucrés (22).

• Placement de produits dans les médias de divertissement, tels que la télévision et le cinéma (23). Les enfants et les adolescents qui regardent des films et des émissions de télévision qui contiennent des représentations du tabagisme courent un risque accru de se mettre à fumer (24). L’exposition au marketing des produits du tabac ou des cigarettes électroniques dans les médias de divertissement incite les enfants et les adolescents à utiliser ces produits (25, 26).
• Échantillons de produits gratuits. Des échantillons de produits contenant de la nicotine et du tabac sont distribués dans les zones très animées, et en particulier dans les lieux fréquentés par les jeunes, tels que les coins de rue, les centres commerciaux, les festivals et les concerts, afin d’attirer de nouveaux consommateurs (27, 28). Dans plus de 50 pays, 10% des élèves âgés de 13 à 15 ans ont déclaré s’être déjà vu proposer une cigarette gratuite par un représentant d’un fabricant de tabac (29).
• Objets portant un logo d’entreprise. Dans plus de 120 pays, parmi les élèves de 13 à 15 ans, 1 sur 10 déclare posséder un objet portant le logo d’un fabricant de tabac (29).

• Cigarettes à l’unité. La vente de cigarettes à l’unité ou en petits paquets rend les produits du tabac plus abordables et plus accessibles pour les écoliers (30). Les jeunes qui essayent les cigarettes à l’unité ne sont pas exposés aux mises en garde sanitaires figurant sur les paquets. Selon une enquête récemment menée auprès d’élèves de 13 à 15 ans dans 45 pays, les jeunes déclarent avoir récemment acheté des cigarettes à l’unité et, dans certains pays, la proportion atteint même 80%. (14).
• Cigarettes électroniques jetables. La possibilité de tester et de mélanger différents arômes d’e-liquides, surtout lorsque le coût initial est modique, encourage les enfants et les adolescents à utiliser des cigarettes électroniques jetables (31). Dans certains pays, où les arômes sont interdits dans les cigarettes électroniques à cartouches rechargeables, les enfants et les adolescents se tournent vers les cigarettes électroniques jetables afin de pouvoir utiliser des produits aromatisés (32).
• Distributeurs automatiques. Les distributeurs automatiques donnent aux jeunes un accès facile aux produits du tabac, car ils n’ont pas à présenter de pièce d’identité pour prouver leur âge. Dans certains pays, ces distributeurs sont placés dans des zones fréquentées par les jeunes, par exemple à proximité des établissements scolaires, et s’accompagnent de publicités et de présentoirs attrayants (14).
• Ventes sur Internet. La vente en ligne de produits à base de nicotine et de tabac facilite la vente aux mineurs, en particulier lorsqu’il n’y a pas de mécanisme permettant de vérifier leur âge (33). La vente en ligne permet également aux enfants et aux adolescents d’acheter des produits qui sont vendus dans des pays où la réglementation peut être différente (3, 34).