Allocution d’ouverture du Directeur général de l’OMS lors du point presse – 2 novembre 2023

2 novembre 2023

Bonjour ou bonsoir,

Les mots me manquent pour décrire l’horreur qui règne actuellement à Gaza.

Depuis les terribles attentats commis par le Hamas contre Israël le 7 octobre, plus de 10 000 personnes ont été tuées, dont plus de 8 500 à Gaza et 1 400 en Israël. En Israël comme à Gaza, 70 % des personnes tuées sont des femmes et des enfants.

On compte plus de 21 000 blessés et plus de 1,4 million de Gazaouites déplacés.

La situation sur le terrain est indescriptible.

Des hôpitaux bondés de blessés, gisant dans les couloirs ;

Des morgues croulant sous les corps ;

Des médecins pratiquant des opérations sans anesthésie ;

Des milliers de personnes cherchant à s’abriter des bombardements ;

Des familles entassées dans des écoles surpeuplées, ayant désespérément besoin de nourriture et d’eau ;

Des toilettes qui débordent, entraînant un risque de propagation de maladies ;

Et, partout, la peur, la mort, la destruction, la perte.

À ce jour, l’OMS a vérifié 237 attaques contre les services de santé, dont 218 commises sur le territoire palestinien occupé et 19 en Israël.

Les attaques contre les services de santé constituent une violation du droit international humanitaire. 

Sur les 36 hôpitaux de la bande de Gaza, 14 ne sont pas fonctionnels et les autres sont limités par le manque de nourriture, d’eau potable et de carburant destiné à alimenter les générateurs.

Alors que les besoins sanitaires explosent, notre capacité à y répondre s’effondre. 

23 hôpitaux ont reçu l’ordre d’évacuer la ville de Gaza et le nord de Gaza. Mais une évacuation forcée dans ces circonstances mettrait la vie de centaines de patients en danger.

Déplacer un bébé sous assistance respiratoire serait risqué dans n’importe quel pays à revenu élevé.

Déplacer un bébé sous assistance respiratoire à Gaza mettrait gravement en péril la vie d’un enfant dont l’existence ne fait que commencer, qui ne sait rien de ce conflit, et qui n’en est pas responsable.

Une évacuation forcée placerait les patients, ainsi que les agents de santé, dans une situation inextricable. 

Et, dans la plupart des cas, ces gens n’auraient nulle part où aller. 

J’adresse toute ma reconnaissance aux agents de santé de Gaza et d’Israël qui font face aux conséquences de ce conflit.

Le meilleur moyen de soutenir ces agents de santé et les personnes qu’ils assistent est de renforcer le système de santé existant, en réapprovisionnant les hôpitaux et en assurant leur sécurité.

Ces deux dernières semaines, l’OMS a été en mesure d’acheminer 54 tonnes de fournitures humanitaires à Gaza.

Mais cela ne couvre absolument pas l’étendue des besoins. Il faut bien plus qu’une aide au compte-gouttes.

Avant le 7 octobre, 500 camions par jour en moyenne entraient dans la bande de Gaza avec des fournitures essentielles.

Depuis le 7 octobre, seuls 217 camions au total y ont pénétré.

Pour donner à l’action humanitaire toute l’ampleur nécessaire, nous avons besoin de centaines de camions qui se rendent dans la bande de Gaza chaque jour.

Nous remercions l’Égypte d’avoir ouvert le poste-frontière de Rafah pour permettre l’évacuation des blessés graves et des ressortissants étrangers.

Il est trop tard pour aider les morts. Mais nous pouvons aider les vivants.

Nous pouvons aider celles et ceux qui vivent constamment dans la peur. Nous pouvons aider les civils blessés. Nous pouvons aider les quelque 200 femmes qui sont censées accoucher chaque jour. Nous pouvons aider les enfants et les personnes âgées. Nous pouvons aider les personnes atteintes de maladies potentiellement mortelles qui ont besoin de soins médicaux urgents.

L’OMS fera tout ce qui est en son pouvoir pour que tous les Gazaouites aient accès à des services sanitaires et humanitaires vitaux. Mais cela est presque impossible pour le moment.

Nous avons besoin, à tout le moins, qu’une pause humanitaire soit déclarée dans les combats et, idéalement, que le conflit cesse.

Nous avons besoin que les restrictions d’accès soient levées et que les deux parties parviennent à un accord sur un passage sûr qui permette d’assurer la sécurité des voies d’accès.

Que cela soit clair : rien ne peut justifier les terribles attaques commises par le Hamas contre Israël.

Je comprends le chagrin, la colère et la peur du peuple israélien.

Je comprends aussi le chagrin, la colère et la peur du peuple palestinien.

L’OMS continue d’appeler le Hamas à libérer les otages qu’il détient en captivité, dont beaucoup ont besoin de soins médicaux urgents.

Nous continuons d’appeler Israël à rétablir l’approvisionnement en électricité, en eau et en carburant.

Nous continuons d’appeler les deux parties à respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire.

Et nous appelons celles et ceux qui le peuvent à désamorcer ce conflit, plutôt qu’à l’attiser.

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Alors que l’attention du monde entier est tournée vers Gaza et Israël, n’oublions pas le Soudan.

Depuis le début du conflit en avril, près de 6 millions de personnes ont été déplacées, dont 4,6 millions au Soudan.

Si l’on ajoute à cela les plus de 3 millions de personnes qui avaient déjà été déplacées avant la guerre, le Soudan compte aujourd’hui l’un des plus grands nombres de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Le système de santé, déjà fragile, croule sous le poids des traumatismes, des épidémies, de la malnutrition et des cas non traités de diabète, de cancer et de maladies cardiovasculaires, rénales et respiratoires.

Outre la rougeole, la rubéole, le paludisme et la dengue, des épidémies de choléra ont été déclarées dans trois États.

L’OMS se prépare à soutenir les campagnes de vaccination anticholérique.

Plus de 70 % des établissements de santé situés dans les zones de conflit ne sont pas fonctionnels. Et dans les régions qui ne sont pas directement touchées par le conflit, ils sont submergés de patients.

Les services essentiels ont été interrompus dans de nombreux domaines, notamment les soins de santé maternelle et infantile, la malnutrition aiguë sévère et le traitement des maladies non transmissibles.

Pendant ce temps, le système de santé continue de faire l’objet d’attaques. Depuis le début du conflit, l’OMS a vérifié 60 attaques contre les services de santé, y compris l’occupation d’un centre pédiatrique à Nyala, au Darfour du Sud, la semaine dernière.

Nous sommes heureux que le personnel de l’hôpital ait été libéré et qu’il soit sain et sauf, mais le centre pédiatrique a été pillé et a dû suspendre ses activités.

Je remercie tous les agents de santé au Soudan, dont la plupart n’ont pas été payés depuis six mois et qui continuent malgré tout de servir la santé dans ce contexte terriblement difficile.

Si les pourparlers entre les parties au conflit ont repris en Arabie saoudite, il n’y a aucun signe d’amélioration sur le terrain.

Nous appelons les parties à mettre en œuvre les engagements qu’elles ont pris en mai de cette année.

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Le regretté Kofi Annan a un jour déclaré que la souffrance, où qu’elle s’exprime, touche toute l’humanité.

Les souffrances endurées par les civils sur le territoire palestinien occupé, en Israël et au Soudan, et dans tant d’autres contextes de crise, nous concernent toutes et tous.

L’OMS fait tout ce qui est en son pouvoir pour alléger ces souffrances.

Mais la solution ultime est une solution qui n’est pas de notre ressort : la paix.

Christian, je vous rends la parole.