L’OMS dirige une mission humanitaire conjointe à très haut risque à l’hôpital Al-Shifa de Gaza

18 novembre 2023
Déclaration

Plus tôt dans la journée, une équipe conjointe d’évaluation humanitaire des Nations Unies dirigée par l’OMS s’est rendue à l’hôpital Al-Shifa, dans le nord de Gaza, pour évaluer les conditions sur le terrain, effectuer une analyse rapide de la situation, déterminer les priorités médicales et établir des options logistiques pour de futures missions. L’équipe était composée d’experts en santé publique, d’agents de logistique et de membres du personnel de sécurité du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, du Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies, du Service de lutte antimines du Bureau pour les services d’appui aux projets, de l’Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient et de l’OMS. 

La mission a été inscrite sur la liste de déconfliction auprès des Forces de défense israéliennes (FDI), de manière à assurer un passage sûr le long de l’itinéraire convenu. Cependant, il s’agissait d’une opération à haut risque dans une zone de conflit actif, tandis que de violents combats se poursuivent à proximité de l’hôpital.

Avant cela, dans la journée, les FDI avaient donné l’ordre d’évacuer les 2500 personnes déplacées restantes qui avaient cherché refuge dans l’enceinte de l’hôpital. Ces personnes, tout comme un certain nombre de patients pouvant se déplacer et des membres du personnel de l’hôpital, avaient déjà quitté l’établissement au moment de l’arrivée de l’équipe.

Du fait du peu de temps disponible imposé par la situation sécuritaire, l’équipe n’a pu passer qu’une heure à l’intérieur de l’hôpital, qu’elle a décrit comme une « zone de mort », qualifiant la situation de « désespérée ». Des traces de tirs d’artillerie et d’armes à feu étaient clairement visibles. À l’entrée de l’hôpital, l’équipe a vu une fosse commune dans laquelle on lui a dit que plus de 80 personnes avaient été enterrées.

Le manque d’eau potable, de carburant, de médicaments, de nourriture et d’autres fournitures essentielles au cours des six dernières semaines a entraîné l’arrêt quasi total du fonctionnement de l’hôpital Al-Shifa – autrefois l’hôpital de référence le plus grand, le plus moderne et le mieux équipé de Gaza – en tant qu’établissement médical. L’équipe a constaté qu’en raison de la situation sécuritaire, le personnel s’est trouvé dans l’impossibilité de gérer efficacement les déchets dans l’hôpital. C’est ainsi que les couloirs et le sol de l’établissement étaient jonchés de déchets médicaux et solides, ce qui faisait courir un plus grand risque d’infection. Les patients et le personnel de santé avec qui l’équipe a pu parler étaient terrifiés. Ils craignaient pour leur sécurité et leur santé et souhaitaient être évacués. L’hôpital Al-Shifa ne peut plus admettre de patients, les blessés et les malades étant désormais dirigés vers l’hôpital indonésien, lui-même totalement débordé et à peine en mesure de fonctionner.

Il reste 25 agents de santé et 291 patients à Al-Shifa et plusieurs patients sont décédés au cours des 2 à 3 jours précédents en raison de l’arrêt des services médicaux. Parmi ces patients se trouvent 32 bébés dans un état extrêmement critique, deux personnes en soins intensifs sans ventilation et 22 patients dialysés dont l’accès à un traitement vital a été fortement compromis. La grande majorité des patients sont victimes de traumatismes de guerre, et beaucoup d’entre eux souffrent de fractures complexes et d’amputations, de traumatismes crâniens, de brûlures, de traumatismes thoraciques et abdominaux. Du reste, 29 patients souffrent de graves lésions de la colonne vertébrale et sont incapables de se déplacer sans assistance médicale. De nombreux patients de traumatologie présentent des plaies gravement infectées faute de mesures de lutte anti-infectieuse à l’hôpital et d’antibiotiques. 

Compte tenu de l’état actuel de l’hôpital, qui n’est plus opérationnel et n’admet plus de nouveaux patients, il a été demandé à l’équipe d’évacuer les agents de santé et les patients vers d’autres établissements. L’OMS et ses partenaires élaborent d’urgence des plans pour l’évacuation immédiate des patients restants, du personnel et de leurs familles. Dans les 24 à 72 heures à venir, sous réserve que les parties au conflit donnent des garanties pour un passage en toute sécurité, des missions supplémentaires seront organisées pour transporter d’urgence les patients d’Al-Shifa vers le complexe médical Nasser et l’hôpital européen de Gaza, dans le sud du territoire. Cependant, ces hôpitaux ont déjà dépassé leur capacité d’accueil et les nouvelles arrivées provenant de l’hôpital Al-Shifa mettront encore plus de pression sur un personnel et des ressources de santé surchargés. 

L’OMS s’inquiète fortement des besoins en matière de sécurité et de santé des patients, des agents de santé et des personnes déplacées qui ont trouvé refuge dans les quelques hôpitaux partiellement fonctionnels qui subsistent dans le nord du pays, car ces établissent risquent de cesser leurs activités par manque de carburant, d’eau, de fournitures médicales et de nourriture, et du fait de l’intensité des hostilités. Il convient de tout mettre en œuvre sans plus tarder pour rétablir le fonctionnement de l’hôpital Al-Shifa et de tous les autres hôpitaux afin de fournir les services de santé dont Gaza a un besoin urgent.

L’OMS réitère son appel pour que tout soit fait collectivement dans le but de mettre un terme aux hostilités et à la catastrophe humanitaire à Gaza. Nous en appelons à un cessez-le-feu immédiat, à un acheminement continu de l’aide humanitaire répondant aux besoins, à un accès humanitaire sans entrave à toutes les personnes qui en ont besoin, à la libération inconditionnelle de tous les otages et à la cessation des attaques contre les services de santé et d’autres infrastructures vitales. Les souffrances extrêmes de la population de Gaza exigent de nous que nous répondions immédiatement et concrètement en faisant preuve d’humanité et de compassion.