Le Directeur général de l’OMS fait le point sur la flambée de maladie à virus Zika

22 mars 2016
Déclaration

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse de pouvoir vous informer des avancées scientifiques et des données factuelles les plus récentes obtenues sur la maladie à virus Zika depuis le 1er février.

L’alerte mondiale a été donnée pour la première fois dans l’hémisphère occidental le 7 mai 2015, lorsque le Brésil a confirmé qu’une mystérieuse flambée entraînant une maladie bénigne accompagnée d’une éruption cutanée, dont les cas se comptaient par milliers, était due au virus Zika.

L’apparition d’une maladie infectieuse dotée d’un potentiel épidémique dans une nouvelle partie du globe terrestre est toujours un sujet de préoccupation.

L’absence d’immunité de la population confère au virus tout le loisir de se propager rapidement et éventuellement de se comporter de manière inattendue.

Au moment de l’annonce faite en mai, la maladie semblait bénigne – ce qui était rassurant – aucune hospitalisation ni aucun décès n’étant signalé. Les expériences passées nous ont cependant enseigné qu’il faut souvent craindre davantage des virus émergents que ne le laissent penser les premières observations.

Ainsi, les craintes sont venues du Brésil en juillet avec la notification d’une augmentation des cas de syndrome de Guillain-Barré (SGB), suivie de la notification à l’OMS, à la fin du mois d’octobre, d’une augmentation inhabituelle des cas de microcéphalie chez les nouveau-nés.

La possibilité qu’une piqûre de moustique puisse être liée à de graves malformations fœtales a vivement inquiété le grand public et a pris de court les scientifiques.

Le lien avec le syndrome de Guillain-Barré et d’autres troubles neurologiques graves a eu pour conséquence d’élargir le groupe des personnes à risque bien au-delà des femmes en âge de procréer.

Nous savons désormais que le virus peut se transmettre par voie sexuelle.

En moins d’une année, la maladie à virus Zika est passée du statut de curiosité médicale sans gravité à celui de maladie ayant de lourdes conséquences pour la santé publique.

La somme des connaissances acquises s’étoffe très rapidement. Je souhaite remercier tous les pays et les scientifiques qui ont travaillé d’arrache-pied pour aider l’OMS à constituer cette base de données factuelles.

Plus nous en savons, plus dramatique semble la situation.

Un schéma semble se dessiner selon lequel la détection initiale de la circulation du virus est suivie, dans un délai d’environ trois semaines, d’une augmentation inhabituelle des cas de syndrome de Guillain-Barré.

La détection des cas de microcéphalie et d’autres malformations fœtales survient plus tard, au fur et à mesure que les grossesses des femmes infectées par le virus arrivent à leur terme.

Au cours de la flambée actuelle, le Brésil et le Panama ont fait état de cas de microcéphalie. La Colombie enquête aussi sur plusieurs cas de microcéphalie pour établir un lien éventuel avec le virus Zika. Dans d’autres pays et territoires, le virus n’a pas circulé suffisamment longtemps pour que les grossesses soient arrivées à leur terme. Une équipe de l’OMS se trouve actuellement au Cabo Verde pour enquêter sur le premier cas de microcéphalie signalé dans le pays.

À ce jour, 12 pays et territoires ont signalé une augmentation de l’incidence du syndrome de Guillain-Barré ou une confirmation en laboratoire de l’infection à virus Zika parmi les cas de SGB.

Des effets supplémentaires sur le système nerveux central ont été attestés, notamment l’inflammation de la moelle épinière et l’inflammation de l’encéphale et des méninges.

Le virus circule actuellement dans 38 pays et territoires. En l’état actuel des connaissances, personne ne peut savoir si le virus se propagera à d’autres parties du monde et causera un schéma similaire de malformations fœtales et de troubles neurologiques.

Si le schéma pathologique actuel se confirme au-delà de l’Amérique latine et des Caraïbes, le monde sera confronté à une grave crise de santé publique.

Mesdames et Messieurs,

Nous devons continuer à étoffer la base des connaissances rapidement, très rapidement.

Depuis le 1er février, l’OMS a convoqué sept réunions internationales et publié 15 documents qui traduisent les derniers résultats de la recherche en lignes directrices provisoires afin d’aider les pays à faire face à la flambée et à ses complications neurologiques.

Au cours des deux dernières semaines, l’OMS a convoqué trois réunions de haut niveau pour examiner les données scientifiques, les règles et nouveaux outils de la lutte antimoustiques, et ce que nous savons de la prise en charge des complications, y compris la microcéphalie et le syndrome de Guillain-Barré. Ces réunions contribuent à répondre aux questions scientifiques pressantes et à recueillir les avis d’experts sur les meilleurs moyens de répondre à une situation qui évolue rapidement.

La réunion scientifique a examiné les éléments de preuve établissant un lien entre l’infection à virus Zika et les malformations fœtales et troubles neurologiques. Bien que le lien ne soit pas encore scientifiquement prouvé, la réunion a conclu qu’il existe désormais un consensus scientifique sur le fait que le virus Zika joue un rôle dans ces troubles neurologiques. Le type de mesures d’urgence requises par cette urgence de santé publique ne saurait attendre des preuves définitives.

Pour ce qui est des nouveaux produits médicaux, les experts sont convenus qu’un test diagnostique fiable, sur le lieu des soins, constitue la priorité la plus urgente. À présent, plus de 30 entreprises travaillent sur ces nouveaux tests diagnostiques potentiels ou leur mise au point.

Pour les vaccins, 14 fabricants de vaccins travaillent sur 23 projets aux États Unis d’Amérique, en France, au Brésil, en Inde et en Autriche. Étant donné que le vaccin sera utilisé pour protéger les femmes enceintes ou les femmes en âge de procréer, il doit répondre à des normes de sécurité extrêmement rigoureuses.

L’OMS estime qu’au moins certains de ces projets passeront au stade des essais cliniques avant la fin de l’année, mais plusieurs années supplémentaires peuvent être nécessaires avant qu’un vaccin pleinement testé et homologué soit prêt à être utilisé.

Plusieurs scientifiques ont mis en garde contre le fait que la première vague de propagation explosive puisse être passée avant qu’un vaccin soit disponible. Toutefois, tous sont convenus que la mise au point d’un vaccin est impérative. Plus de la moitié de la population vit dans des zones où le moustique du genre Aedes aegypti est présent.

Au cours de la réunion sur la lutte antivectorielle, les experts ont conclu que des programmes de lutte convenablement mis en œuvre, utilisant les stratégies et outils existants, sont efficaces pour réduire la transmission des maladies véhiculées par le moustique du genre Aedes, y compris la maladie à virus Zika. Toutefois, ils ont aussi recensé un certain nombre de difficultés dans l’application de ces outils.

Les experts ont évalué l’impact potentiel de 5 nouveaux outils de lutte antivectorielle. Aucun n’a été jugé prêt pour une mise en œuvre à grande échelle.

Tandis que les recherches sur ces cinq outils se poursuivent, les experts ont recommandé un déploiement soigneusement planifié de deux d’entre eux : d’une part la lutte antimicrobienne, en utilisant Wolbachia bacteri, contre les pathogènes humains chez les moustiques adultes et, d’autre part, l’utilisation de la manipulation génétique pour réduire les populations de moustiques.

Au cours de la troisième réunion, les experts se sont penchés sur la prise en charge des complications, y compris des malformations fœtales et des troubles neurologiques, et le lourd fardeau qu’elles font peser sur les systèmes de santé. Les données scientifiques semblent confirmer la probabilité d’un vaste ensemble d’effets de l’infection à virus Zika au cours de la grossesse sur le fœtus en développement, outre la microcéphalie.

Conformément à la conclusion des experts, il convient d’appréhender la situation différemment, de passer d’une prise en charge des cas individuels à la constitution à long terme des capacités de faire face à ce fardeau supplémentaire.

Les malformations fœtales vont peser dramatiquement sur les familles et les communautés ainsi que sur les systèmes de soins et de soutien social. Les troubles neurologiques tels que le syndrome de Guillain-Barré requièrent des capacités supplémentaires pour fournir des soins intensifs qui permettront de sauver des vies.

Je vous remercie.