Programme mondial de lutte contre le paludisme
Le Programme mondial de lutte contre le paludisme est chargé de coordonner les activités menées par l’OMS au niveau mondial pour lutter contre le paludisme et l’éliminer. Ses activités s’appuient sur la "Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030" adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2015 et mise à jour en 2021.
Questions et réponses sur le Rapport sur le paludisme dans le monde 2019
Pourquoi ce rapport met il plus particulièrement l’accent sur le fardeau que représente le paludisme pour les femmes enceintes et les enfants ?
Le paludisme fait de nombreuses victimes parmi les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Notre analyse montre que près de 11 millions de femmes enceintes en Afrique subsaharienne ont été infectées par le
paludisme en 2018. Elles ont donné naissance à près de 900 000 enfants en insuffisance pondérale. Au niveau mondial, les enfants représentent environ 70 % des décès dus au paludisme. En s’appuyant
sur des preuves solides, ce rapport donne des indications importantes sur ce qu’une femme enceinte et son fœtus subissent lorsqu’elle est infectée par le paludisme. Par exemple, l’infection du paludisme durant
la grossesse peut causer l’anémie chez la mère, ce qui peut ensuite se traduire par des complications durant la grossesse, une naissance prématurée et un faible poids à la naissance. Les enfants nés
avant terme ou avec un faible poids à la naissance courent un risque très élevé de mourir durant les premières semaines de leur vie. Même dans le cas d’un nouveau né en bonne santé,
l’infection du paludisme chez l’enfant peut provoquer un paludisme grave, ainsi qu’une anémie paludique sévère très fréquente dans les pays où le paludisme sévit le plus, ce
qui expose l’enfant à des risques accrus de décès.
Quelles sont les raisons expliquant la nette augmentation de la couverture des traitements préventifs du paludisme en 2018 par rapport à 2017 ?
L’OMS recommande au moins 3 doses de traitement préventif intermittent pendant la grossesse (TPIp) pour toutes les femmes enceintes vivant dans des zones endémiques d’Afrique subsaharienne. Ces dernières années,
la couverture des deux premières doses de TPIp a augmenté progressivement, sans pour autant s’accélérer. Le rapport de cette année souligne notamment le bond important, près de 10 points de pourcentage,
réalisé en ce qui concerne la couverture de la troisième dose de TPIp entre 2017 et 2018. Deux raisons le justifient. La première est que l’OMS reçoit plus de données des pays et que nous avons
donc été en mesure d’analyser la situation plus précisément. La seconde est que certains pays ont déployé des efforts considérables pour intensifier cette intervention ces deux dernières
années. Le Burkina Faso, la Tanzanie et quelques autres pays, par exemple, ont atteint des niveaux significatifs de couverture de la troisième dose de TPIp.
Quels sont les derniers obstacles gênant l’accès au TPIp ?
Le TPIp est délivré par les établissements proposant des consultations prénatales (CPN). Si tant est qu’une femme enceinte sollicite des soins prénataux, elle est supposée recevoir une dose de TPIp
après son premier trimestre, dans la mesure où les doses sont administrées tous les mois. Encore une fois, deux raisons. Premièrement, l’accès à la couverture CPN est variable : dans certains
pays, il est très élevé, alors que dans d’autres, il est moyen, voire bas. La couverture TPIp est souvent relativement importante durant la première visite dans un centre de consultations prénatales,
mais devient moins importante alors que les visites s’espacent. En tant que tel, l’obstacle majeur à l’intensification du TPIp est la couverture CPN insuffisante et/ou l’accès répété
aux soins prénataux. Le deuxième obstacle est lié aux pratiques des agents de santé et aux difficultés des systèmes de santé. Notre analyse montre qu’environ 20 % des femmes éligibles
au TPIp ne reçoivent pas de dose de médicament lorsqu’elles se présentent dans un centre de consultations prénatales pour la première fois, que ce soit parce que l’agent de santé ne la
prescrit pas ou parce que le médicament n’est pas disponible.
Le rapport montre que les investissements dans la recherche fondamentale et le développement de produits ont régulièrement progressé ces 3 dernières années. Pourquoi cela ne se traduit-il pas par davantage de victoires dans la lutte contre le paludisme ?
Une large part des recherches menées sur le paludisme ont pour but de fournir des éléments probants sur la façon de mettre en œuvre les interventions antipaludiques ou de nous permettre de mieux comprendre l’épidémiologie
de la maladie. Certaines de ces recherches opérationnelles et épidémiologiques peuvent contribuer à des programmes et avoir ainsi un impact immédiat. Toutefois, investir dans la découverte et le développement
de nouveaux outils nécessite beaucoup de temps avant de porter ses fruits. Heureusement, de nouveaux outils prometteurs sont en cours d’élaboration. Le premier vaccin contre le paludisme, RTS,S, est actuellement en phase
d’évaluation grâce à un programme de mise en œuvre pilote. Pour lutter contre les moustiques porteurs du paludisme, de nouveaux types de moustiquaires imprégnées d’insecticide ont également
été lancés. L’investissement continu dans la recherche et le développement de nouveaux outils sera déterminant pour atteindre notre objectif commun d’un monde sans paludisme.
Comment l’OMS obtient ses estimations des nombres de cas pour le Rapport sur le paludisme dans le monde ?
L’OMS applique 3 méthodes pour calculer les estimations des nombres de cas de paludisme. L’une de ces méthodes s’appuie sur les données de routine fournies par les pays, sans aucun ajustement. Autrement dit,
nous utilisons les données « telles quelles », en provenance directe de chaque pays. Cette approche s’applique aux pays qui enregistrent un petit nombre de cas de paludisme, disposent de systèmes de surveillance
de haute qualité et sont proches de l’élimination. La deuxième méthode concerne les pays en dehors de l’Afrique subsaharienne, mis à part le Botswana, l’Éthiopie, la Namibie et le
Rwanda, qui disposent de bons systèmes de surveillance de la santé publique, mais dont une grande partie des patients sollicitent des soins dans le secteur privé ou ne se font pas traiter du tout. Dans ces cas, des ajustements
sont appliqués aux données rapportées au sujet des taux des tests de dépistage, ainsi que des chiffres de signalement et de recherche de traitement. La troisième méthode s’applique à la
plupart des pays de la zone Afrique de l’OMS, où les systèmes de surveillance présentent une faiblesse historique. Pour parvenir à une estimation fiable, nous mesurons la relation entre la prévalence
du parasite et l’incidence des cas dans une zone spécifique.
De plus en plus de patients suspectés de paludisme sont soumis à un test quand ils se présentent dans un établissement de santé public. Faut-il en conclure qu’ils reçoivent également le traitement et les soins appropriés ?
C’est une bonne question, mais il n’existe pas de réponse toute faite. Nous savons que de nombreux patients sollicitent des soins dans le secteur public. Nous savons également quelle proportion de ces patients est soumise
à un test de dépistage du paludisme. Même si les éléments de preuve laissent penser que la plupart des patients sollicitant des soins pour le paludisme reçoivent un traitement efficace par combinaison
thérapeutique à base d’artémisinine, la qualité réelle de ce traitement (notamment si les patients reçoivent le bon nombre de doses ou s’ils respectent la posologie), est difficile à
déterminer à partir des données dont nous disposons à l’heure actuelle. Nous savons néanmoins que les médicaments disponibles dans la quasi totalité des pays d’endémie palustre
demeurent très efficaces. Il est important de noter que l’accès aux soins reste bien trop faible pour les jeunes enfants d’Afrique subsaharienne montrant des signes de fièvre. Selon des enquêtes nationales
menées ces dernières années, aucun prestataire de santé formé n’a été sollicité dans 36 % des cas d’enfants fébriles vivant dans cette région.
Certains experts du paludisme sont persuadés que nous sommes en mesure d’éradiquer cette maladie d’ici 2050. Pourquoi les cibles de la stratégie mondiale n’incluent elles pas un objectif assorti d’une échéance pour parvenir à un monde sans paludisme ?
La vision de notre stratégie est d’arriver à un monde sans paludisme. Les cibles définies sont réellement très ambitieuses : réductions d’au moins 90 % de la morbidité et la mortalité
palustres, ainsi qu’élimination du paludisme dans 35 pays au moins entre 2015 et 2030 (ce qui correspond à une moyenne d’au moins deux pays exempts de paludisme chaque année). Il s’agit donc d’une
stratégie extrêmement ambitieuse. La raison pour laquelle nous n’avons pas fixé d’objectif assorti d’une échéance est qu’il est peu probable, compte tenu de nos outils actuels et des
niveaux d’investissement présents, que nous parvenions à atteindre l’éradication dans le monde d’ici 2030. À ce jour, nous ne disposons pas de données probantes nous indiquant que l’éradication
pourrait être atteinte d’ici 2050 au moyen des outils existants, même si la couverture de ces outils s’élevait à des niveaux extrêmement élevés dans toutes les zones d’endémie
palustre. Selon le résumé d’orientation publié récemment en anglais uniquement par le Groupe consultatif stratégique sur l’éradication du paludisme de l’OMS, le succès d’une
approche d’éradication du paludisme exige des efforts ciblés dans quatre domaines. L’une des priorités majeures est le renouvellement du programme de recherche et de développement. Les autres priorités
comprennent l’accès à des services de santé abordables, axés sur les patients ; un système de surveillance et d’intervention fiable, rapide et précis ; et le développement de stratégies
nationales et infranationales adaptées aux conditions locales.
De quoi avons-nous besoin pour remettre la lutte mondiale contre le paludisme sur la bonne voie et atteindre les objectifs de la stratégie mondiale ?
Dans le Rapport sur le paludisme dans le monde 2017, le message principal était que la lutte contre le paludisme se trouvait à la croisée des chemins. En 2018, il ressortait principalement qu’il était temps de
remettre la lutte mondiale contre le paludisme sur la bonne voie. Pour y parvenir, l’OMS et le Partenariat RBM pour mettre fin au paludisme ont lancé l’approche « High burden to high impact » (D’une charge
élevée à un fort impact) en 2018. Cette approche novatrice reconnaît avant tout la nécessité d’une action démultipliée dans tous les pays endémiques et, plus particulièrement,
dans les 11 pays où le paludisme sévit le plus. Ensemble, ces 11 pays représentent près de 70 % du poids total du paludisme dans le monde en termes de morbidité et de mortalité. Un certain nombre de
pays ont initié une riposte « D’une charge élevée à un fort impact » et réévaluent à l’heure actuelle leur planification stratégique, leurs interventions et leurs
investissements en s’appuyant sur quatre éléments. Il s’agit de catalyser la volonté politique de réduire le nombre de décès dus au paludisme ; de mieux utiliser les informations stratégiques
pour un maximum d’impact ; d’établir de meilleures orientations, politiques et stratégies ; ainsi que d’assurer une riposte nationale coordonnée contre le paludisme, le tout en alignant le ministère
de la Santé, les programmes nationaux de lutte contre le paludisme et les partenaires locaux. À l’évidence, des efforts redoublés, une démarche commerciale plus intelligente et une meilleure utilisation
des outils à notre disposition, y compris des données, sont les meilleurs moyens de nous remettre sur la bonne voie et d’atteindre les objectifs de la GTS.
La résistance aux insecticides et aux médicaments se développe elle ?
L’OMS collabore avec tous les pays d’endémie palustre afin de surveiller les niveaux de résistance aux insecticides et aux médicaments. Pour l’instant, nous avons connaissance de l’émergence
d’une résistance à certains traitements antipaludiques, notamment dans la sous région du Grand Mékong, même si tous les médicaments de première intention utilisés dans tous les pays
endémiques restent extrêmement efficaces. En ce qui concerne la résistance aux insecticides, nous constatons des niveaux en hausse de résistance aux pyréthoïdes dans tous les pays endémiques. Les
données actuelles donnent à entendre que les moustiquaires imprégnées de pyréthoïdes doivent continuer à être employées par les communautés pour se protéger contre le
paludisme. Toutefois, ces données montrent également que dans de nombreuses zones où les moustiques ont développé une résistance aux pyréthoïdes, un autre type de moustiquaires imprégnées
de pyréthoïdes et d’un synergiste (appelées moustiquaires imprégnées de pyréthoïdes PBO) fournit de meilleurs résultats contre le paludisme. L’intensification de la distribution
de ces moustiquaires est justifiée dans ces zones.
Quelles autres menaces pourraient nuire aux progrès de la lutte contre le paludisme ?
Pour ce qui est des autres menaces, nous surveillons de très près l’émergence d’un nouveau problème relatif aux parasites du paludisme, qui ont développé la capacité d’échapper
à la détection par les tests de diagnostic rapide les plus couramment utilisés. Ce problème se cumule à la forte prévalence en Érythrée, et nous étudions actuellement les données
en provenance de plusieurs autres pays d’Afrique. La menace immédiate reste faible dans les pays d’Afrique où la transmission est modérée à élevée, les tests de diagnostic étant
toujours très sensibles, mais nous examinons cette situation de près. La plus grande menace qui pèse sur la lutte contre le paludisme est sans aucun doute son financement. Alors que la communauté internationale
a réalisé un excellent travail pour garantir le maintien des financements (à titre d’exemple, la récente reconstitution des ressources du Fonds mondial a été la plus importante de toute son histoire),
nous observons que les niveaux de financement contre le paludisme restent relativement plafonnés. À moins d’agir de façon plus efficace et plus intelligente, nous risquons d’être simplement capables de
préserver les progrès accomplis. Dans certaines régions, préserver les acquis sera déjà un véritable défi du fait de la croissance démographique massive.