Aperçu de la situation
Description de la situation
Le 22 mars 2024, le ministère de la Santé et le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des Forêts du Timor-Leste ont notifié à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) leur premier cas humain mortel confirmé de rage. Il s’agit d’une femme âgée de 19 ans originaire de la sous-région de Pasabe, dans l’Oecusse, officiellement connue sous le nom de Région administrative spéciale d’Oe-Cússe Ambeno (RAEOA, acronyme en portugais). Le cas a été confirmé le 22 mars par RT-PCR (transcription inverse suivie d’une amplification en chaîne par polymérase) en temps réel au Laboratoire national de santé du Timor-Leste, à partir d’un échantillon de salive prélevé avant le décès de la personne.
Le 20 mars, la patiente s’est rendue dans un centre de santé local et présentait dles symptômes suivants : une forte fièvre, des vomissements, un mal de gorge, de la toux, des difficultés à avaler des aliments, une hydrophobie, une sensibilité à la lumière, des douleurs dorsales et une raideur de la nuque. Elle aurait été mordue aux mains par un chien le 26 décembre 2023 à Oecusse. Au cours de l’investigation, les résidents ont indiqué que le chien était très agressif et qu’il n’avait mordu aucune autre personne. Le chien est mort et a été enterré le 27 décembre 2023. La patiente n’avait pas reçu de prophylaxie antirabique postexposition après la morsure du chien. Le 21 mars, elle a été transférée à l’hôpital national Guido Valadares (HNGV) de Dili, la capitale, où elle est décédée le 22 mars 2024.
Au cours de l’année 2024, au 26 mars, on a signalé un total de 29 cas suspects de rage exposés à des chiens dans la municipalité d’Oecusse (RAEOA). Tous les cas suspects ont reçu le vaccin contenant l’anatoxine tétanique ainsi que la prophylaxie antirabique postexposition. Toutefois, les immunoglobulines antirabiques n’ont pas pu être administrées du fait d’une rupture de stock.
Il convient de noter que l’Oecusse est une enclave du Timor-Leste située dans la province indonésienne de Nusa Tenggara oriental (NTT) où entre le 1er janvier et le 15 mars 2024, six décès humains imputables à la rage ont été enregistrés. En 2023, un total de 30 décès dus à la rage ont été signalés dans la province de NTT.
Épidémiologie de la maladie
La rage est une zoonose virale à prévention vaccinale qui touche le système nerveux central. Dès lors que les symptômes cliniques apparaissent, la rage est mortelle dans pratiquement 100 % des cas. Les chiens domestiques sont responsables de la transmission du virus de la rage aux humains dans près de 99 % des cas. Pourtant, la rage touche aussi bien les animaux domestiques que sauvages. Elle se propage aux humains et aux animaux par la salive, généralement en cas de morsures, d’égratignures ou de contact direct avec les muqueuses (par exemple, les yeux, la bouche ou les plaies ouvertes). Les enfants âgés de 5 à 14 ans sont des victimes fréquentes. Aucune transmission interhumaine directe n’a été enregistrée, toutefois elle est survenue entre des donneurs d’organes ou de tissus infectés et des bénéficiaires d’une greffe.
La période d’incubation de la rage est habituellement de 2 à 3 mois, mais peut s’étendre de moins d’une semaine à 1 an, en fonction de facteurs tels que le site de pénétration du virus et la charge virale. Les symptômes initiaux comportent des signes communs comme de la fièvre accompagnée de douleurs ou de fourmillements, démangeaisons ou sensations de brûlure inexpliqués au niveau de la plaie. La propagation du virus dans le système nerveux central entraîne une inflammation progressive et mortelle de l’encéphale et de la moelle épinière. La phase clinique de la maladie chez les personnes peut être prise en charge, mais très rarement guérie, et non sans séquelles neurologiques graves. Les décès dus à la rage surviennent principalement chez les personnes qui n’ont pas immédiatement accès à une prophylaxie postexposition efficace. Selon le Forum « Tous Unis contre la Rage » (mis en place par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA)), à l’échelle mondiale, on observe un décès imputable à la rage toutes les neuf minutes. Près de la moitié des victimes sont des enfants.
Les personnes peuvent être protégées contre la rage par le biais d’un vaccin administré dans le cadre d’une prophylaxie préexposition ou postexposition. La prophylaxie post-exposition est l’intervention d’urgence en cas d’exposition à la rage. On évite ainsi que le virus pénètre dans le système nerveux central, ce qui entraînerait inévitablement la mort.
Action de santé publique
Le ministère de la Santé du Timor-Leste a pris les mesures de santé publique suivantes :
- La vaccination des chiens a été menée dans les municipalités de Covalima, Bobonaro et RAEOA, atteignant un taux de couverture de 70 % au 25 mars 2024. La vaccination des chiens est en cours et l’objectif consiste à atteindre une couverture de 100 %.
- Une communication sur les risques afin de sensibiliser la communauté à travers les réseaux sociaux, une campagne communautaire et une conférence de presse, conseillant aux citoyens résidant dans la zone frontalière de vacciner leurs chiens, d’éviter tout contact avec des animaux sauvages, d’observer s’il y a des changements dans le comportement des chiens, de signaler les incidents de morsures de chien en vue de l’administration d’un traitement immédiat et la vaccination antirabique.
- Une formation dispensée aux personnels de santé dans tous les établissements de santé sur l’investigation et la prise en charge clinique des expositions présumées à la rage.
- La mise en œuvre d’une surveillance active, tous les cas de morsures de chien devant désormais être signalés aux centres de santé communautaires avec les informations nécessaires enregistrées et fournies avec une prise en charge appropriée des cas.
- Garantir la disponibilité des vaccins antirabiques et des immunoglobulines antirabiques dans tous les CSC et les hôpitaux régionaux de recours.
- Organisation d’une mission tripartite d’experts sur la rage au Timor-Leste, en collaboration avec la FAO, l’OMS et l’OMSA.
L’OMS a acheté 1000 doses du vaccin antirabique et les a distribuées aux hôpitaux et aux dispensaires. La collaboration entre le ministère de la Santé du Timor-Leste et l’OMS se poursuit afin de fournir des vaccins antirabiques et immunoglobulines antirabiques supplémentaires aux personnes qui ont été exposées à un animal présumé enragé.
Évaluation du risque par l’OMS
Au niveau national, le risque général est considéré comme élevé pour les raisons suivantes :
- Le pays était auparavant classé comme « exempt de rage » et a désormais signalé le premier cas humain confirmé. Par conséquent, l’expérience et la sensibilisation de la communauté et des agents de santé à l’égard de la rage sont probablement limitées.
- La municipalité d’Oecusse, où le cas actuel a été mordu et signalé, est une enclave du Timor-Leste située dans la province de Nusa Tenggara oriental [NTT] en Indonésie où la rage est endémique chez les chiens et les humains.
- La couverture vaccinale actuelle chez les chiens dans la province de NTT [Indonésie] ne représente que 5,5 % et la couverture vaccinale en Indonésie en 2022 était de 24 %, tandis qu’une couverture de 70 % est nécessaire comme principale mesure technique de lutte.
- Le Timor-Leste compte une population importante de chiens errants et non vaccinés, y compris dans les régions frontalières avec l’Indonésie.
- Stock insuffisant de vaccins antirabiques dans les établissements de santé publics.
- Les agents de santé ont des connaissances limitées en matière de prise en charge de la rage, de morsures de chien et d’égratignures.
- Des services vétérinaires inadéquats, notamment l’absence de campagnes régulières de vaccination des chiens, le manque de stocks de vaccins antirabiques et la capacité insuffisante des laboratoires à effectuer des tests de dépistage de la rage.
- Tous les humains mordus par un animal présumé enragé [principalement les chiens] ne reçoivent pas une prophylaxie postexposition adéquate et en temps opportun, pour plusieurs raisons, notamment le manque de sensibilisation de la population générale et des agents de santé, ainsi que le manque de vaccination et d’immunoglobines antirabiques.
- La province indonésienne de NTT partage des frontières terrestres avec le Timor-Leste, et les mesures de lutte visant à limiter les mouvements d’animaux, en particulier de chiens non vaccinés, à travers ces frontières sont difficiles en raison du terrain et de l’étendue de la frontière terrestre.
Étant donné que la seule frontière terrestre du Timor-Leste se trouve avec la province indonésienne de NTT, qui est déjà endémique pour la rage (chez les humains et les chiens), le risque de propagation internationale de la rage du Timor-Leste à d’autres pays est peu probable. Les données disponibles n’indiquent qu’un seul cas mortel de rage au Timor-Leste, sans lien avec les voyages internationaux, le tourisme ou les rassemblements internationaux.
Conseils de l’OMS
Bien que des vaccins animaux très efficaces soient disponibles depuis plus d’un siècle, la rage reste présente sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. La rage figure dans la feuille de route 2021-2030 de l’OMS pour lutter contre les maladies tropicales négligées laquelle fixe des cibles régionales progressives en vue de l’élimination de maladies ciblées. L’objectif d’élimination de la rage est faisable et réalisable à condition qu’il soit considéré comme une priorité et qu’il bénéficie d’un soutien financier et politique. Pour assurer la mise en œuvre de programmes efficaces d’élimination de la rage, il faut mobiliser les communautés locales, commencer à une petite échelle, inciter à investir à long terme au moyen de mesures d’encouragement, garantir la prise en main par les pouvoirs publics, démontrer le succès des interventions et leur bon rapport coût-efficacité, et passer rapidement à l’échelle supérieure.
En tant que zoonose, la rage nécessite une coordination intersectorielle étroite aux niveaux national, régional et mondial, notamment :
- Communication sur les risques et mobilisation communautaire : sensibilisation à la maladie en mobilisant les communautés et en donnant aux gens les moyens d’obtenir des soins rapidement à chaque fois qu’ils sont exposés à un animal enragé. Il s’agit notamment de comprendre comment prévenir la rage chez les animaux, quand présumer un cas de rage et quelles mesures prendre en cas d’exposition.
- Vaccination des personnes : des vaccins antirabiques et des immunoglobulines antirabiques très efficaces sont disponibles pour vacciner les personnes après une exposition présumée [prophylaxie postexposition]. Une prise en charge appropriée des plaies et un accès rapide à une prophylaxie postexposition de qualité garantie sont efficaces à presque 100 % pour prévenir les décès humains imputables à la rage. La prophylaxie préexposition (PPrE) est recommandée pour les personnes exerçant un métier à risque [comme le personnel de laboratoire qui manipule des virus rabiques ou apparentés] et les personnes dont les activités professionnelles ou personnelles peuvent les amener à un contact direct avec des chauves-souris ou d’autres mammifères susceptibles d’être infectés par la rage (comme le personnel chargé de la lutte contre les zoonoses ou les gardes forestiers). La PPrE pourrait également être indiquée pour les randonneurs et les personnes qui vivent dans des régions éloignées présentant un risque élevé d’exposition à la rage, là où l’accès aux produits biologiques en lien avec la maladie est limité.
- Vaccination de masse des chiens : étant donné que les chiens sont à l’origine de la transmission de jusqu’à 99 % des cas de rage humaine, la maîtrise et l’élimination de la maladie chez les chiens permet de prévenir la rage à la source. La vaccination des chiens, y compris les chiots, est la stratégie la plus rentable pour prévenir la rage chez les humains, et réduit la nécessité de recourir à une prophylaxie postexposition. La vaccination de masse des chiens avec des vaccins sûrs et de haute qualité, visant une couverture de 70 % dans les zones d’endémie interrompt la transmission du virus rabique à sa source animale et sauve des vies humaines. Informer les adultes et les enfants sur le comportement des chiens et la manière de prévenir les morsures est une composante essentielle des programmes de vaccination antirabique et peut réduire l’incidence de la rage chez les humains ainsi que la charge financière du traitement des morsures.
- Vaccination des animaux sauvages : le vaccin antirabique oral destiné à être utilisé chez les animaux sauvages est disponible et des informations font état de son efficacité chez plusieurs espèces sauvages, comme les renards, les chiens viverrins, les loups, les coyotes et les ratons laveurs.
Cet événement n’a pas d’incidence sur les voyages et le commerce. Les voyageurs doivent être sensibilisés au risque de contracter la rage lorsqu’ils se rendent dans des pays où la rage est endémique.
Plus d'informations
- Principaux repères sur la rage. OMS
- Vaccins antirabiques: Note de synthèse de l’OMS – avril 2018
- WHO. Zero by 30: The global strategic plan to end human deaths from dog-mediated rabies by 2030 (en anglais)
- WOAH, Rabies (en anglais)
- WHO. Strategic framework for elimination of human rabies transmitted by dogs in the South East Asia Region (en anglais)
- United Against Rabies, FAO, WHO and WOAH forum (en anglais)
- Rupprecht CE, Fooks AR, Abela-Ridder B, editors. Laboratory techniques in rabies, fifth edition. Volume 2. Geneva: World Health Organization; 2018. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO (en anglais)
Citation recommandée : Organisation mondiale de la Santé (10 avril 2024). Bulletin d’information sur les flambées épidémiques ; Rage – Timor-Leste. Disponible à l’adresse : https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2024-DON513