Principaux faits
- La podoconiose touche environ 4 millions de personnes dans 17 pays à travers le monde.
- La podoconiose affecte des personnes de tous les âges et des deux sexes, mais les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée.
- La podoconiose provoque une incapacité évitable : les pieds et la partie inférieure des jambes sont enflés et déformés, et des crises aiguës douloureuses forcent les patients à rester alités pendant 3 à 5 jours lors de chaque épisode.
- Les mesures de prévention consistent à éviter le contact avec un sol irritant par le port de chaussures, le revêtement des sols des maisons et le pavage des routes.
- Le traitement est simple et peu coûteux, et donc particulièrement avantageux pour les patients les plus pauvres.
Vue d’ensemble
La podoconiose est un gonflement (lymphœdème) géochimique non infectieux des jambes causé par l’exposition à long terme à des sols irritants sur lesquels on marche pieds nus. Cette maladie est responsable d’environ 4 millions de cas de lymphœdème dans les hautes terres tropicales et subtropicales de 17 pays d’Afrique, d’Amérique centrale et du Sud et d’Asie du Sud et du Sud-Est.
La podoconiose touche les populations pauvres, reculées et pratiquant une agriculture d’autoconsommation. La maladie compromet les moyens de subsistance de ces populations, qui se retrouvent alors prises au piège de la pauvreté. Les femmes et les filles sont plus susceptibles de contracter la podoconiose, et également plus susceptibles de souffrir de ses conséquences sociales et économiques.
Les interventions consistent notamment à prévenir le contact avec le sol par le port régulier de chaussures dès le plus jeune âge et le lavage quotidien des pieds. Il a été démontré que le traitement reposant sur un ensemble complet de mesures de prise en charge du lymphœdème réduisait les gonflements, l’incapacité et l’incidence des crises aiguës, améliorait la qualité de vie et pouvait être facilement intégré dans les services de santé communautaires publics.
Ampleur du problème
À l’échelle mondiale, il est établi que la podoconiose est présente dans 17 pays (12 en Afrique, 3 en Amérique latine et 2 en Asie). Les pays d’Afrique tropicale ont la charge de morbidité la plus élevée, avec environ 1,5 million de personnes atteintes de podoconiose en Éthiopie, 40 000 autres au Cameroun, 9000 au Kenya et 7000 au Rwanda.
Quelles sont les personnes à risque ?
La podoconiose est fréquente parmi les populations rurales reculées, en particulier celles qui dépendent de l’agriculture de subsistance et n’ont pas accès à des chaussures ou à de l’eau pour se laver les pieds. L’âge moyen auquel sont observés les premiers gonflements des jambes est de 25 ans et la maladie est courante jusqu’à la tranche d’âge de 60 ans. La podoconiose est plus fréquente chez les femmes : une méta-analyse récente a permis de conclure que la probabilité de contracter la podoconiose chez les femmes était 1,15 fois plus élevée que chez les hommes.
Signes et symptômes
Les premiers symptômes de la podoconiose sont notamment une sensation de brûlure et des démangeaisons à l’arrière des pieds. L’épaississement de la peau s’accompagne d’excroissances papillomateuses sur les côtés des pieds et les talons. L’œdème (gonflement) réversible du pied et de la partie inférieure de la jambe devient ensuite permanent et progresse petit à petit vers le haut de la jambe. Le gonflement est bilatéral mais souvent asymétrique, et il se limite généralement à la zone située en dessous des genoux. On constate fréquemment des nodules et une macération entre les orteils.
Causes
La podoconiose est une affection favorisée par des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Aucun agent biologique n’a été identifié. Il existe un lien entre la podoconiose et des régions du génome souvent impliquées dans les réactions inflammatoires médiées par les lymphocytes T, et on a observé une réaction exagérée des lymphocytes T auxiliaires dans les ganglions lymphatiques des personnes affectées. Bien que les données écologiques accumulées sur plusieurs décennies aient permis d’établir un lien entre les sols argileux rouges et la podoconiose, on ne sait pas exactement quel est l’agent étiologique présent dans le sol. Selon des études, les argiles smectites ou certains éléments, dont le zirconium, l’aluminium et le béryllium, pourraient jouer un rôle.
Traitement et soins
Le traitement de la podoconiose repose actuellement sur la prise en charge du lymphœdème (hygiène des pieds, moyens de compression, exercices et mesures de surélévation), le soutien psychosocial et mental, et l’utilisation de chaussures pour réduire l’exposition aux sols irritants. L’ablation chirurgicale des gros nodules peut être pratiquée, avec des taux de cicatrisation satisfaisants, permettant ainsi aux patients d’utiliser des chaussures conçues sur mesure. Il a été démontré qu’un ensemble complet de soins de santé physique et mentale (intégré dans les services systématiques de soins de santé primaires en Éthiopie) était efficace et rentable pour les personnes atteintes d’un lymphœdème causé par la filariose lymphatique, la lèpre ou la podoconiose. Des patients experts (patients qui ont été formés pour réussir à maîtriser leur maladie et aider les autres à le faire) peuvent être formés pour orienter le traitement du lymphœdème non compliqué.
Prévention et lutte
Les stratégies principales de lutte contre la podoconiose consistent à prévenir le contact avec les sols irritants (prévention primaire) et à prendre en charge la morbidité du lymphœdème (prévention secondaire et tertiaire). Les données recueillies au cours des cinq dernières années montrent que la podoconiose se prête à des interventions de santé publique telles que la prise en charge de la morbidité à l’aide de chaussures et de mesures d’hygiène, qui réduisent les épisodes cliniques aigus. Il est possible de lutter contre la podoconiose vu qu’il n’y a pas d’agent biologique ou de vecteur à combattre, que le problème est relativement limité à l’échelle mondiale et qu’il existe des moyens sûrs de prévention de la maladie et de lutte contre celle-ci.
Défis
Le principal défi rencontré dans la lutte contre la podoconiose est le fait qu’on ignore souvent que la maladie existe, qu’elle est différente de la filariose lymphatique et d’autres causes principales de lymphœdème dans les régions tropicales, et qu’elle appelle donc des stratégies de prévention et de lutte différentes. Le traitement est plus efficace si la maladie est diagnostiquée à un stade précoce. La podoconiose prend plus de temps à identifier qu’elle ne le devrait à cause du manque d’outils de diagnostic pouvant être utilisés à l’échelle communautaire. Par ailleurs, on ne sait pas exactement quel est le déclencheur environnemental. Enfin, les populations touchées ont rarement voix au chapitre au niveau régional ou national, et il convient d’attirer l’attention sur les inégalités structurelles qui contribuent à entretenir cette maladie évitable.
Impact mondial
Jusqu’à récemment, on supposait que la podoconiose entraînait des maladies plutôt que des décès. Toutefois, le taux de mortalité chez les personnes atteintes de podoconiose est supérieur à celui d’une cohorte de comparaison dans un contexte similaire, le taux comparatif de mortalité global s’élevant à 6. La podoconiose a également de graves conséquences sociales et économiques. Les patients perdent 45 % de leur temps d’activité économiquement productive du fait de la morbidité associée à la maladie. On estime que, rien qu’en Éthiopie, la podoconiose entraîne chaque année la perte de 172 073 années de vie ajustées sur l’incapacité. Ces pertes sont principalement dues à un lymphœdème chronique, seulement 2,6 % étant attribuables à des épisodes de dermato-lymphangio-adénite aiguë. La podoconiose est considérée comme le problème de santé le plus stigmatisant dans les zones endémiques. Les patients ont près de 7 fois plus de risques d’avoir des résultats liés à la qualité de vie inférieurs à la moyenne et 11 fois plus de risques de souffrir de dépression que leurs voisins en bonne santé.
Action de l’OMS
Des mesures de prise en charge de la podoconiose et d’action de santé publique peuvent être intégrées dans le cadre stratégique pour les maladies tropicales négligées (MTN) à manifestation cutanée, ainsi que dans le programme plus large de réduction de la pauvreté et de couverture sanitaire universelle.
Pour réduire les souffrances des personnes atteintes de podoconiose, on s’appuiera sur deux stratégies de santé publique déjà recommandées par l’OMS pour les MTN :
- Prise en charge innovante et intensifiée de la maladie. Il existe de nombreuses similitudes entre la prise en charge de la morbidité et la prévention des incapacités pour la podoconiose et pour le lymphœdème filarien et la lèpre. L’efficacité et la rentabilité des soins intégrés ont été démontrées pour ces trois MTN.
- Eau, assainissement et hygiène. L’accès à l’eau potable est essentiel à la prévention de la podoconiose ainsi qu’à la prise en charge de la morbidité et à la prévention des incapacités. C’est le cas pour plusieurs autres MTN, y compris les géohelminthiases, la schistosomiase, le trachome et la filariose lymphatique.
Les synergies en matière de prévention comprennent la promotion du port de chaussures (comme pour les morsures de serpent, les géohelminthiases, l’ulcère de Buruli, le mycétome et la tungose) et le revêtement des sols des maisons (comme pour la tungose). Ajouter la podoconiose au cadre de la lutte contre les MTN à manifestation cutanée permettra d’améliorer la surveillance et la visibilité de cette maladie.